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Riopelle symphonique : aux limites des possibles

Un concert hommage de haute voltige pour les 100 ans de Riopelle

Riopelle Symphonique
Crédit photo : Victor Diaz Lamich

Par : Annie Dubé

Jean Paul Riopelle : un morceau d’Histoire. Le défi était plus grand que nature : comment rendre hommage à ce peintre mythique québécois de renommée mondiale? Impossible. Les attentes, immenses, ont de quoi faire trembler n’importe quels ambitieux artisans, quand on annonce au public qu’il aura la chance de vivre un concert immersif en hommage à l’un des plus grands artistes automatistes du dernier siècle. On se disait en se rendant à la Salle Wilfrid-Pelletier : enfin, voilà notre chance de vivre à l’intérieur d’une toile abstraite avec Riopelle symphonique, dans le cadre de Montréal en Lumière.

Verdict? La seule limite à cette magie est celle de la technologie. Il aurait été inimaginable, dans le monde réel, de mieux mettre en musique et en couleurs les 100 ans du défunt canon.

Avec ses tableaux qui défilent sur des écrans géants qui se réorganisent tout au long du concert, on a pu baigner dans l’essence de Riopelle, sans jamais pouvoir y toucher. Faudrait-il rêver qu’un jour, ce concert soit disponible avec des casques de réalité virtuelle augmentée, pour goûter aux textures par nos yeux? Peut-être! Je ne sais pas, il me semble que ça décoifferait les spectateurs bien peignés lors de la Première.

Il aurait fallu des écrans plus grands. Plus grands que sa légende, carrément! Il ne faut pas trop en demander non plus à l’impossible, déjà qu’on étire l’élastique des possibles, avec ce concert incroyable, dont le réel trésor, à mon avis, est tout simplement la musique, et les musiciens. Des gouttes de peinture vivantes! Nous étions pendant un moment ses héritiers, de toutes les générations rassemblées, avec l’impression d’assister à une œuvre dont la beauté est équivalente aux plus belles toiles non figuratives.

Beauté sensible. Finesse, comme des feuilles d’arbre se mouvant dans une bourrasque de vent. Cette symphonie, il faudrait être imbécile pour ne pas sentir tout son vivant, pour refuser son mouvement qui fait frémir nos printemps en désir de renaissance.

Riopelle
Crédit photo : Victor Diaz Lamich

Le geste créateur qui prend son envol

Avec cette volée d’oiseaux venus chanter sous forme humaine dans la chorale, puis ses musiciens entassés sur la scène trop petite pour la grandeur du mythe, non,  il ne faudrait pas trop en demander à la vie, quand même. C’était le meilleur hommage possible de tous les impossibles, et les grands gagnants étaient peut-être les aveugles, car la musique suffisait; les visuels étaient le crémage sur le gâteau. On en prendrait plus, toujours plus!

Le deuxième acte, particulièrement brillant et accéléré, m’a rappelé le film expérimental de Godfrey Reggio sur une musique de Philip Glass, KOYAANISQATSI : Life Out of Balance, où l’on voit des images de la modernité automatisée défiler à toute allure. Dans ce cas-ci, ce n’est pas la machine, cependant, mais l’homme, ni plus petit, ni plus grand que nature, qu’était Riopelle.

Avec ces fragments d’entretiens audio qui parsemaient l’œuvre entre les actes, il fallait tendre l’oreille pour bien saisir ce qui résonne trop fort sur les murs immenses de cette salle. Mais même dans cette imperfection architecturale, on sentait la voix fragile d’un homme mortel. Les extraits du Refus Global, cités sur des panneaux en début de concert, valaient la peine d’être ramenés de l’avant, dans notre époque fort étrange et nostalgique des combats de cet ancêtre, sans aucun lien de sang.

Non, vraiment, nous ne vivons pas dans Harry Potter, il aurait été utopique sans sorcellerie de vivre un meilleur concert que celui imaginé par Serge Fiori et Blair Thomson, interprété par l’Orchestre symphonique de Montréal, sous la direction d’Adam Johnson, et les Chœurs des Petits Chanteurs de Laval dirigés par Philippe Ostiguy et le chœur Temps Fort, sous la direction artistique de Nicolas Lemieux.

Je pourrais tout simplement dire : chapeau!

Mais je dirai plutôt : oiseau! Il ne se trouve pas de meilleur mot.

À ne pas manquer, jusqu’à ce soir, le 18 février 2023, à la Place des Arts.

Crédit photo de couverture : Victor Diaz Lamich

 

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