un magazine web axé sur la culture d’ici

Rentrée montréalaise de Patrick Watson au MTelus

Une déferlante d’amour

© Auréa Gamboa/MatTv.ca

Par Maxime D.-Pomerleau

Le gratin artistique de Montréal était réuni au Métropolis mardi pour la rentrée montréalaise de Patrick Watson, venu présenter les pièces de son nouvel album Wave. En première partie les amis de ce dernier, Thus Owls, ont mis la table pour une soirée sous le signe du indie rock planant. On a encensé le batteur pour sa performance solide de free jazz; les compositions du groupe semblant complexes et déroutantes. Malheureusement, le duo/trio mené par la chanteuse Erika Angell (aussi choriste pour Watson) a dû jouer sur un fond très bruyant qui rappelle à quel point faire les premières parties peut être ingrat.

Heureusement, le MTelus a finit par fermer sa gueule, sans doute sous le charme de Patrick Watson au point où on entendait personne parler, même durant les pièces acoustiques! Le messie du Mile-End est arrivé heureux sur scène et a pianoté avec fébrilité les premières notes de la radioheadesque Dream for Dreaming. Si le vidéoclip captive, il est indéniable que l’atmosphère dans laquelle il nous attirait doucement avec cette première chanson avait quelque chose d’envoûtant, d’ésotérique même.

On suivait les pièces dans le même ordre que l’album, avec The Wave, Strange Rain et Melody Noir, offerte en partie en formule acoustique. L’intrigant vidéoclip sorti à l’été 2019 laissait présager un album plus sombre et douloureux de Watson, d’où jaillit cependant la lumière. Et de la lumières il y en avait sur la scène du MTelus. La scénographie audacieuse était constituée de quatre prismes pivotants agissant aussi comme réflecteurs, installés parmi les musiciens et en arrière-plan, un immense visage transparent (clin d’œil à la pochette) dans un prisme triangulaire qui recevait des projections. L’effet était parfois celui de lumières de phares, d’une boule miroir géante ou encore celui d’un ciel agité avec des éclairages dans tous les sens. Malheureusement, on voyait peu les projections sur le visage; plus souvent qu’autrement cachées par les rideaux du prisme, qui pivotait également.

Grace fut la première incursion hors de l’album Wave, avant d’y replonger avec la magnifique Broken et la légère Wild Flower qui a aussi pas mal donné dans le rock et le free jazz. Puis la sensuelle Turn out the Lights, dont Patrick Watson a fait chanter la finale à la foule, poussant l’écho de sa voix sans micro ni accompagnement musical. Un moment rempli de frissons qui confirmait que nous assistions à un concert unique.

Présentant une autre pièce de Love Songs for Robots, il a dit « La prochaine chanson c’t’un couple avec des couteaux, ça se court après ça va comme ça ». Hearts évoque définitivement les constructions sinueuses et les mélodies à la Arcade Fire, soulignant par le fait-même que Watson a contribué à façonner le son de la scène musicale montréalaise indie autant que ces derniers. Après une heure de spectacle et même s’il trouvait qu’il était un peu tôt dans le setlist pour s’y abandonner, Patrick Watson a cédé à la pression des spectateurs de faire de l’improvisation, initiative qui a fait paniquer les techniciens! Ainsi, pendant une dizaine de minutes, le chanteur a prit des suggestions de titres désastreuses du public et a improvisé quelques paroles. Son talent de chef d’orchestre nous a ébloui avec les musiciens et l’éclairagiste qui le suivaient au pas. Un moment de concert tellement divertissant qu’on a oublié d’en faire des stories, trop absorbés par cette création en direct. On souhaite un chanteur aussi dégourdi au public du mercredi et jeudi!

Tous aussi enivrés que Patrick, tout le monde est revenu sur terre pour les superbes Drive et Here Comes the River pour clore officieusement le spectacle. Avec l’album complet Wave qui venait d’être joué, il était clair que Watson irait piger dans ses anciens succès pour le rappel, à commencer par la pièce qui l’a révélé au grand jour, Big Bird in a Small Cage de l’album Wooden Arms. Les musiciens étaient regroupés autour d’un micro pour la performance acoustique et chacun a eu son tour pour chanter une strophe ou faire des vocalises. C’était tout simplement magique. À ce niveau on a encore eu droit à quelques surprises en chemin comme l’outrageusement courte Je te laisserai des mots, une intrusion francophone parfaite dans cette soirée 100% franglaise. Il a encore une fois écouté les demandes du public en interprétant en solo The Great Escape, seul titre de Close to Paradise, avant de conclure avec In Circles et éviter la crise de nerfs aux techniciens.

Wave est sans doute l’album le plus personnel de Patrick Watson, empreint de tristesse et de résilience. Mardi soir c’était la catharsis; le personnel est devenu universel aux sons des guitares, des pianos et de la voix extraordinaire de ce dernier. Avec plusieurs pièces de Love Songs for Robots, album qu’il transportait avec lui lors de son dernier passage au Métropolis il y a quatre ans presque jour pour jour, l’auteur-compositeur-interprète a ravi les fans qui ont accueilli tout aussi chaleureusement les chansons de Wave. La sensibilité et le talent de cet artiste total ne cesseront jamais de nous émerveiller. Son sixième opus le montre à son sommet, bien au-dessus du niveau de la mer, d’où on lui souhaite d’émerger enfin.

Ordre des chansons

Dream for Dreaming
The Wave
Strange Rain
Melody Noir
Grace
Broken
Wild Flower
Turn Out the Lights
Hearts
Look at You / Slip into Your Skin
Drive
Here Comes the River

Rappel

Big Bird in a Small Cage
Places You Will Go
Je te laisserai des mots
The Great Escape
In Circles

Crédit photo : © Auréa Gamboa/MatTv.ca