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La pièce « Le loup » chez Duceppe

Critique de la pièce Le loup de Nathalie Doummar

Crédit photo : Danny Taillon

Par : Annie Dubé

Le loup est une courte pièce sans entracte, écrite par la jeune autrice Nathalie Doummar lors d’une résidence chez Duceppe. D’une durée d’environ une heure, on a l’impression de naviguer entre la vérité crue et le déni d’un couple vieillissant.

Donald, un homme dans la fin soixantaine atteint d’un début d’Alzheimer, décide de profiter d’un instant de lucidité en compagnie de son épouse pour vider le tiroir des remords qui habite sa mémoire. Solange, adepte du déni et de l’entretien des plantes, l’écoute gentiment, tout en banalisant les non-dits qu’il fait jaillir hors de son égocentrisme légendaire.

Les deux interprètes sur scène, Luc Senay et Maude Guérin, ont semblé très appréciés du public fidèle venu les voir, et qui leur a réservé une ovation debout.

Crédit photo : Danny Taillon

Pour ma part, j’ai été plutôt dubitative devant cette œuvre, pourtant très pertinente par tout le réalisme qui l’anime. C’est un peu comme si on replongeait dans un vieil épisode de téléroman québécois, en le dépouillant de ses mensonges à soi, tout en maintenant une certaine légèreté dans le propos, qui frôle parfois le tragique. 

Bien que la scénographie ouvre l’idée intéressante d’une boucle répétitive, qui se décline sur l’usure du temps, grâce au décor qui reproduit plus ou moins les mêmes meubles du salon, avec une plante d’intérieur qui se meurt de plus en plus, j’ai eu l’impression de regarder le quotidien des gens de la classe moyenne de mon enfance, arrivés à un certain âge. Et c’est parfaitement à propos qu’une telle pièce soit présentée, car elle risque de représenter en partie la réalité de plusieurs couples contemporains, qui sont restés ensemble par habitude, sans trop se demander ce qu’ils désiraient réellement, durant des décennies. Trop tard pour faire demi-tour.

À voir la réaction de ma voisine de siège, elle aussi ayant l’âge d’être la fille de ce couple, il a semblé y avoir une certaine distance de perspectives générationnelles, dans la manière dont les rires de l’auditoire étaient sincères, ou au contraire, plutôt exaspérés à l’idée d’une telle relation artificiellement maintenue.

Crédit photo : Danny Taillon

Il était tout de même soulageant de voir le personnage de Solange peu à peu exprimer sa colère retenue, au fil des minutes. Autrement, on serait bien morts à force de se rouler les yeux au ciel sur notre siège à force de confessions de son époux, rendu plus tendre par son déclin cognitif.

Une pièce de théâtre qui soulève un enjeu bien réel, dans une forme presque aussi convenue que le problème dont elle traite, bien que pas tout à fait. On avance en douceur avec ce pas de recul nécessaire. 

Espérons que les amateurs de déni réussiront à se remettre d’une telle thérapie de couple, afin de retourner dans leur petit train-train sans trop se poser de grosses questions sur ce qui habite réellement leur cœur. Ou bien encore, qu’un tel mariage quasi arrangé ne se reproduise pas chez leur descendance.

Une œuvre d’un féminisme tranquille, située dans un monde imparfait. Présentée jusqu’au 30 octobre 2022 à la salle Jean-Duceppe de la Place des Arts.

Texte : Nathalie Doummar

Mise en scène : Chloé Robichaud

Interprétation : Maude Guérin, Luc Senay

Crédit de couverture : Danny Taillon

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