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Un. Deux. Trois. de Mani Soleymanlou : épique

Un. Deux. Trois : un événement théâtral au Théâtre Jean-Duceppe

Crédit photo : Jonathan Lorange

Par : Annie Dubé

Je ne savais pas trop ce que j’allais découvrir quand je me suis rendue au Théâtre Jean-Duceppe pour voir la pièce Un. Deux. Trois. Quand j’ai vu que le spectacle devait durer 4h30, incluant deux entractes, je me suis dit que c’était un peu comme de regarder une fois et demie les VHS du Titanic. Ça se fait, mais c’est un marathon.

Non seulement cet événement-théâtre a duré encore plus longtemps que prévu, c’est-à-dire 5 heures; je ne regrette rien! Même si j’en suis encore coma.

Oh, public! Si tu savais. Si tu savais comment toi aussi, tu dois voir l’œuvre de Mani Soleymanlou, déclinée en trois parties, toutes aussi différentes les unes que les autres, mais formant un immense tout.

Crédit photo : Jonathan Lorange

Un. Deux. Trois. Go!

Magistrale. Simple. Tout y est.

Épique. Voilà que dans la première partie solo de Soleymanlou, on plonge dans une odyssée du monologue qui nous en met plein les yeux et les oreilles. On rit. On s’émerveille. On s’instruit. On réfléchit. On rit jaune. On pleure presque. C’est un artiste qui a beaucoup de mémoire, même si durant certains instants, on avait l’impression très subtile que par son débit, parfois plus lent, il cherchait à donner vie à ce long texte enfoui dans sa mémoire, mais sans jamais le perdre, ce fil qui nous tient en haleine.

Dramatique. Soleymanlou est dramatique. Dramatiquement loufoque, et absurdement dramatique. Le mélange est fort sympathique. Il est une véritable surprise, et j’ai l’impression que je ne peux à peu près rien vous dire pour ne pas gâcher toutes les surprises que vous attendent lors de cette expérience.

Dans la deuxième partie, Emmanuel Schwartz se joint à lui. On a l’impression de reculer la cassette du VHS que l’on vient de finir. Schwartz est un complice à la hauteur de son acolyte. Vraiment, ce dédoublement, qui s’exprime même dans leur tenue, allant jusqu’aux chaussures, se distingue.

Crédit photo : Jonathan Lorange

Puis dans Trois, une partie de notre cerveau s’est peut-être cannibalisée par la fatigue, mais on reste, et on ne le regrette pas. Bien que cette demi-heure supplémentaire soit peut-être de trop pour les spectateurs qui n’avaient mis que quatre heures trente de parcomètre, il faut dire que l’état second dans lequel on est, en ressortant du théâtre, vaut bien le coup.

Avec ces 36 artistes réunis sur scène, dans un capharnaüm, ça va dans tous les sens. Chacun des artistes apporte sa couleur personnelle, et tous forment un énorme Nous. D’une beauté humaine complexe et humble.

Crédit photo : Jonathan Lorange

J’ai l’impression d’avoir fait le tour du monde, le tour de tous les enjeux de la Terre, sans jamais vraiment résoudre quoi que ce soit au sujet de nos subjectivités et nos identités construites de toutes pièces par le cadre qui nous tient. On ne pourra pas dire que le sens critique n’est pas au rendez-vous.

Les fresques humaines mises en scène, les moments enlevants qui logent entre les cris, les danses et les musiques; les guerres imaginaires qui meublent la scène et ses chaises. Que dire de plus que wow?

Crédit photo : Jonathan Lorange

Une spectaculaire vision

Mani Soleymanlou, vous êtes l’ami réel de l’imaginaire au service du réel. Et un acteur, un homme de théâtre, extraordinaire. Cela dit, vous parlez beaucoup de vous-même. C’est pour ça qu’on vous aime.

Ceci est un spectacle qui en est bien plus qu’un spectacle: c’est carrément trois spectacles en un. Et c’est une occasion de vivre ensemble les plus grands sentiments, mais aussi les plus petits, les plus simples. Un œuvre d’art dans tous les sens, et qui va dans tous les sens. Une spectaculaire vision de ce que peuvent être les arts de la scène, qui s’amusent et qui explorent les possibles et les impossibles. Bravo.

Jusqu’au 23 octobre 2022 au Théâtre Jean-Duceppe.

Texte et mise en scène Mani Soleymanlou, avec la collaboration des interprètes.

Interprétation Caroline Bélisle, Florence Brunet, Jean Marc Dalpé, Ziad Ek, Marie-Ève Fontaine, Israël Gamache, Nadia Girard Eddahia, Cory Haas, France Huot, Moriana Kachmarsky, John Gislain Kibaga, Anna-Laure Koop, Jean-Christophe Leblanc, Lionel Lehouillier, Danielle Le Saux-Farmer, Carla Mezquita Honhon, Meilie Ng, Dillon Orr, Anaïs Pellin, France Perras, Dominique Pétin, Chloé Petit, Eric Plamondon, Marco Poulin, Caroline Raynaud, Gabriel Robichaud, Marie-Madeleine Sarr, Emmanuel Schwartz, Mani Soleymanlou, Manon St-Jules, Ines Talbi, Elkahna Talbi, Chloé Thériault, Xavier Yuvens, Jean-Charles Weka et Anais West

Crédit de couverture : Jonathan Lorange

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