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La chronique littéraire : Ma langue étrangère

Perdre sa langue

Ma langue étrangère, Éditions Stanke, Martin Talbot
© editionsstanke@groupelivre.com

Par : Johanne Mathieu

Qu’arrive-t-il lorsqu’un homme perd sa langue? Chez les Éditions Stanké, Martin Talbot signe son troisième roman, Ma langue étrangère.

« Homme blanc, cinquante ans, cherche porte-parole pour parler en son nom. » Un homme va perdre sa langue en raison d’un cancer et cherche quelqu’un qui sera désormais sa voix. Alors qu’il est sur le point de perdre l’organe de la parole, l’homme croit que le sort réservé à sa langue est pleinement mérité. Celle-ci s’est souvent déliée, de la mauvaise manière. Sa langue s’est retournée contre ces étrangers qui viennent d’un pays loin du nôtre. Ces envahisseurs. Il perdra sa langue à cause d’eux, croit-il. Malgré tout, l’homme à la langue amputée finira par voir ses tourments tant linguaux que langagiers s’apaiser.

La nature humaine fait de nous des êtres complexes, capables d’évoluer.

Ma langue étrangère, Éditions Stanke, Martin Talbot, Julia Marois
© Julia Marois/editionsstanke@groupelivre.com

L’œuvre de Martin Talbot est entre autres un roman sur la transformation et l’évolution. Le narrateur et personnage central de cette histoire est au départ un homme amer, instable et inflexible, qui a peur de l’inconnu. Il ne connaît rien de l’état dans lequel il sera après l’opération qui lui fera perdre sa langue. Alors qu’on pourrait s’attendre à plus d’aigreur de sa part, le lecteur est témoin d’une belle transformation chez le protagoniste. Il se questionne sur ce qui constitue sa vraie nature et souhaite se reconstruire. Il se montre plus compréhensif, plus indulgent, se découvre un talent pour faire du bien aux gens, notamment sa mère et son ami Phil. Le personnage dépasse sa propre personne pour se tourner vers les autres. Il évolue.

Ma langue étrangère est une histoire sur l’altruisme, le don de soi et l’ouverture à l’autre, mais aussi un roman de revirements de situation. Martin Talbot interroge et expose ainsi les barrières qui sont créées en raison de la langue, de tout ce qui ne nous ressemble pas. Il parle de la réception des autres face à la différence, de la difficulté d’accepter cette différence, mais aussi de l’importance de notre langue maternelle. Qu’arrive-t-il lorsque qu’un homme perd sa langue? Il peut évoluer ou se perdre. Lorsqu’il boucle la boucle de ce roman, l’auteur démontre que l’on peut bien évoluer, mais sans perdre de vue nos origines. Notre langue maternelle en fait grandement partie.

Ma langue étrangère, de Martin Talbot (2023), Éditions Stanké, Montréal, 168 pages.

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