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Fred Pellerin : La descente aux affaires

La vie en un seul tour de manège

Crédit photo: Gabriel Talbot

Par : Mylène Groleau

C’est sans aucun artifice que le célèbre conteur, issu de Saint-Élie-de-Caxton, Fred Pellerin, s’est livré sur la scène du Théâtre Maisonneuve de La Place des Arts de Montréal.

Un 90 minutes bien investi. Où l’apprentissage du temps prendra toute sa valeur.

La descente aux affaires. C’est une chute vers le temps qui s’égrène. Vite, beaucoup trop vite lorsque l’on ne prend pas le temps de prioriser. Il faut savoir le compter, sans jamais le négliger.

On y parle de la mort. Pas la fin en soi. « Car, le pire, ce n’est pas la mort. Mais plutôt ce qu’on laisse mourir en dedans de nous autre, pendant qu’on est encore vivants. »

Il s’agit aussi d’une ode à l’amour. Car l’amour, ça fait aussi battre le cœur. Ça rend vivant. Encore faut-il prendre le temps de l’entendre battre pour soi, contre soi.

Crédit photo: Gabriel Talbot

Toussaint Brodeur a su, au cours des années prospères de Saint-Élie-de-Caxton faire fructifier ses avoirs. Qu’importe la façon ou le calcul pour y parvenir, sa fierté grossie au même rythme que ses gains s’accumulent.

Puis, un jour où, devant l’Éternité, il tente d’obtenir une seconde de plus, il fait alors la découverte de l’affreuse réalité. Aucune richesse ne peut acheter le temps. Pas même celle acquise durant toutes ces années.

Comme leçon, Fred nous apprend qu’il en revient à nous d’utiliser à bon escient le temps que la vie nous accorde. Que devant lui, le temps, nous sommes tous égaux. Que ce qui nous distinguera devant le seuil de l’Éternité sera la façon dont nous l’aurons utilisé.

Crédit photo: Gabriel Talbot

Tous les personnages du village sont réunis à nouveau pour nous raconter une légendaire histoire qui, au début voulait traiter de l’argent. Puis du temps. Ensuite de l’amour. Et finalement un peu de la mort aussi. Tout cela mis ensemble offre un conte qui insuffle la réflexion introspective sur les valeurs que l’on accorde à ces principes. Les relations que nous établissons avec ce qui a de l’importance.

Méo le barbier gaucher, Madame Gélinas et ses 473 enfants, l’oncle Richard exilé aux États, Jeannette la sautilleuse et joyeuse, Lurette trop légerte et son forgeron de père enjoliveront par leur présence et dialogues à nous hypnotiser dans ce conte que l’on captive chaque seconde.

En passant par des détours plus colorés les uns que les autres, Fred nous entraîne au sein de sa magie. Sa finesse a imager les détails nous transporte littéralement au creux de cette époque. Sa poésie nous berce dans des sujets parfois trop difficiles à vouloir assimiler. Faire face. Ses analogies qui font du sens une fois bien racontées. Et lui seul peut en créer autant.

Il raconte les absents par la mémoire des vivants. Il savoure tellement les récits que l’on suppose sa présence au moment des faits. Cela est si réel dans sa bouche, que nous sommes tantôt assis en salle, tantôt sur le parvis de l’Église, tantôt dans le magasin général de Toussaint Brodeur, tantôt dans l’atelier du forgeron.

Son humour est dérisoire. Son oral est réflexif. Sa morale demeure toujours introspective. Le retour à la maison se fait dans la légèreté d’avoir vécu un moment précieux et rempli d’écho de ces histoires qui résonneront longtemps.

C’est la sagesse dans l’âme, dans les mots et l’attachement envers ces gens qui nous font croire que nous appartenons tous un peu à Saint-Élie-de-Caxton. Que sa moralité nous suivra longuement.

Crédit photo: Gabriel Talbot

Sans tambours ni trompettes

Il sait s’accompagner d’instruments peu communs aux nouvelles générations. Tantôt à la guitare, à l’accordéon ou à l’harmonica. Des instruments qui rendent feutrés les mots. Qui s’allongent dans le temps pour faire durer le plaisir d’entendre sa voix. Qui rend plus intime les paroles.

De belles pièces choisies afin de faire passer le message avec plus de profondeur. Débutant avec la reprise de la chanson Les Immortels de Jean-Pierre Ferland. Puis, Douleur, de Félix Leclerc et tiré de l’album Silence avec son texte tout en force. Sans oublier S’il fallait de Marjo. Avec, aussi, Je m’envolerai que l’on avait d’ailleurs entendu dans Un village en trois dés. De Richard Desjardins nous retrouvons  Tu m’aimes tu? pour retrouver, en finale, Silence tiré de l’album du même titre.

Un petit plus pour moi

Pendant l’attente avant le début du spectacle, bien assise, mon voisin de siège s’est entretenu avec moi.

Un homme distingué avec cette petite lueur vivante au coin des yeux. Un homme de projets. Un homme d’histoire. Plein d’assurances et l’air si sympathique que sa présence invite aux échanges.

Il m’a confié avoir écrit récemment un livre : Sœur Marie-Sainte-Faustine. Qu’il vient, lui aussi, tout comme Fred et son récit, de Saint-Élie-de-Caxton. Qu’il se prénomme Jean-Pierre Brodeur. Oui oui, comme Toussaint Brodeur, le proprio du magasin général du maintenant célèbre village aux paparmanes. Il s’agit en fait de l’un de ses fils.

Une belle rencontre hors du commun. Un hasard fort appréciable. Un temps installé entre deux sièges que je conserverai longuement. Qui sait. Me transportera t-il à visiter, moi aussi les lieux de Saint-Élie-de-Caxton prochainement?

Je n’ai pas encore eu accès à son livre historique et romancé, mais si je me fis à l’emballage et aux origines de cet homme, nuls doutes que le récit en sera attrayant.

Vous ne l’avez pas vu mais aimeriez le voir

Pour suivre la tournée de Fred Pellerin et La descente aux affaires, c’est par ici

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Crédit photo: Gabriel Talbot