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On vous présente : Population II

Population II, l’art de ne pas se poser de question


© Population II, crédits Laurence Martin

Par : Myriam Bercier

MatTv.ca vous offre encore et toujours la chronique On vous présente, qui a pour objectif de vous présenter des artistes qui passent sous le radar de la musique populaire. Cette semaine, on célèbre ma 35e chronique avec le groupe Population II!

Population II, c’est un trio montréalais formé de Pierre-Luc Gratton (voix et percussions), Tristan Lacombe (guitare et orgue) et Sébastien Provençal (basse). On peut les voir se produire sur scène depuis 2015, mais c’est en 2017 que le groupe a rendu sa musique disponible sur Bandcamp pour la première fois avec le EP Population II en avril 2017 suivi de II – Onisme en 2018. Plus récemment, on a pu les entendre dans la plus récente édition de M pour Montréal dans le spectacle Montréal Magique Musique Show avec Flore LaurentienneLaurence-AnneMaude Audet et Totalement Sublime.


© Population II, crédits Laurence Martin

Le vendredi 30 octobre dernier, Population II a sorti son premier long jeu À la Ô Terre produit par Emmanuel Éthier (ChocolatCorridor, Jonathan Personne). Cet album rock psychédélique avec une touche de punk et une rythmique qu’on peut associer au free jazz offre un son old school et intemporel. Les pièces sont souvent un condensé d’idées improvisées sous l’effet de la spontanéité. Par exemple, la chanson Il y eut un silence dans le ciel raconte le « parcours de ceux et celles qui se sont élevé.e.s aux rangs de saint.e.s et leurs rencontres avec le vieux Bonhomme d’en haut. »

Je me suis entretenue avec le percussionniste et chanteur Pierre-Luc Gratton au téléphone jeudi passé. Nous avons discuté, entre autres, de la formation du groupe, de vieilles étoiles, d’improvisation et de la sauce à spaghetti de sa maman. Sans plus attendre, voici l’entrevue!

Myriam : Qu’est-ce qui t’a amené à faire de la musique?
Pierre-Luc : Ça a commencé un peu tôt. Au début, c’est n’importe quoi qui me tombait sous la main, quand j’avais cinq ans, j’écoutais du Green Day et je trouvais ça cool. J’ai plus vraiment commencé à jouer de la musique et à me dire que ça pourrait être quelque chose de sérieux quand j’étais au secondaire. Là j’ai rencontré Sébastien et Tristan, les deux autres membres du groupe, et eux m’ont montré Radio Moscow et Led Zeppelin et je me suis dit « OK, on va le faire. » C’est comme ça que je m’y suis mis.

Myriam : Comment le groupe s’est-il formé?
Pierre-Luc : Le groupe Population II existait déjà avant que moi j’arrive, il y avait un autre batteur, ça faisait déjà deux ans à peu près, et c’étaient des amis à moi. Après ça, il est parti, et le groupe cherchait quelqu’un donc j’ai décidé de le faire. C’est comme ça que la formation actuelle du groupe a commencé à jouer ensemble et qu’on est arrivé avec un son un peu plus de « songwritting », moins jam, parce qu’avant ça laissait beaucoup de place à l’improvisation, c’était de longues chansons de 20 minutes et plus.

Myriam : Pourquoi est-ce que c’est le nom de Population II qui a été choisi?
Pierre-Luc : Population II, en fait, c’est une population d’étoiles qui est dans le ciel, plus loin que la population I, qui est les étoiles qu’on voit le soir. La population II, ce sont des étoiles plus vieilles et qui sont en train de mourir. Elles ne brillent pas assez pour qu’on les voie. Elles sont là, mais on ne les voit pas. Puis ça se trouve que Randy Holden a appelé un album Population II, un album sorti dans les années 1970. Ça a été un album qui a été marquant pour le style de musique qu’on fait. On s’est dit que c’était bon comme nom, donc on a pris ça.

Myriam : La spontanéité semble avoir une grande place dans votre processus de création. Comment l’utilisez-vous pour créer?
Pierre-Luc : Nous autres, s’asseoir et se dire « on va mettre ça de même, on va mettre ça de même et on va arriver avec une chanson », ça fonctionne vraiment mal. Ce qu’on fait souvent c’est qu’on arrive au local et on improvise pendant des heures et on enregistre tout. Après ça, on réécoute et sur des jams d’une heure on fait un vingt minutes. Après ça on fait un dix minutes. Après ça un cinq minutes avec. On regroupe tous les éléments qu’on aime beaucoup, incluant les places que ça devrait être concis et qui devraient toujours se répéter comme ça, et on se met des places où on se dit qu’on peut jouer aussi longtemps qu’on veut et rajouter des parties avec le temps. Les chansons qui sont sur les albums, en live c’est autre chose. C’est comme ça que c’est de la spontanéité, on aime ça comme ça.

Myriam : Qu’est-ce qui vous inspire pour créer une chanson? De ce que je comprends, vous faites de longs jams et vous décidez de ce que vous préférez pour en faire une chanson. Qu’est-ce qui fait que vous décidez de garder certains bouts et d’autres non?
Pierre-Luc : C’est comme ça qu’on se sent. On ne se pose vraiment pas de question sur ce qui est de la direction que ça prend. Je ne sais pas comment les autres groupes fonctionnent non plus, mais nous on joue et quand on trouve ça bon on décide de faire quelque chose avec. Il y a des parties qu’on joue et ça sonne, on dirait, comme du vieux Kraftwerk mais il y a d’autres parties qu’on dirait du MC5. Mais je ne sais pas pourquoi on a un son qui peut être vaste comme ça des fois, je pense que ça se ressent. Il y a des trucs qui sont différents, mais à vrai dire c’est juste si on aime ça ou pas. On ne se pose vraiment pas de questions sur quelle direction ça prend.

Myriam : Vous avez été signés sous le label californien Castle Face Records, comment est-ce arrivé?
Pierre-Luc : Ça s’est fait de manière très simple et garage comme le label a l’habitude de faire. On avait terminé l’album puis là on avait quelques labels auxquels on voulait l’envoyer, on avait une liste et Castle Face c’était notre premier. Emmanuel Éthier, qui a produit l’album, connaissait déjà John [Dwyer] de Castle Face, il lui a envoyé l’album en lui disant « écoute ça, on a fait ça. » John était en tournée à ce moment-là, et une heure après il nous a envoyé un courriel du genre « cherchez-vous un label? On peut le sortir à telle date. » Ça se trouve à être un choix qui s’associe avec l’éthique qu’on a. Castle Face, ce qui est super, c’est qu’il ne prenne aucun droit sur nos chansons du tout. Eux s’occupent de sortir la musique et c’est ça. C’est tout. Ils ne poussent pas vraiment à côté. C’est sûr qu’ils paient du PR à gauche et à droite, mais ils font de la musique. Signer avec eux, ils sortent l’album et ils ne te demandent rien, ils te donnent tous tes droits, ils ne prennent presque pas grand-chose et nous autres c’est ce qu’on cherchait au départ. On a magasiné les labels au Québec et il n’y en avait pas qui faisait ça. C’est important pour nous que ça reste de l’art, pas juste du marketing. On trouve ça un peu niaiseux les photos dans le métro. Ça répond bien à notre éthique aussi.

Myriam : Est-ce que vous avez senti des répercussions, des changements depuis votre signature avec ce label-là?
Pierre-Luc : Avant il n’y avait rien, et maintenant je te parle au téléphone (rires). Je ne sais pas si ça répond à la question, mais oui le fait qu’on sorte un album avec eux ça a fait comme « hey, il y a des petits jeunes au Québec qui font ça » et le monde regarde plus. Ça a changé beaucoup sur notre plan et sur la visibilité qu’on a aussi. Sans dire qu’on en a, on a un peu plus de notoriété qu’avec les petits EPs qu’on sortait sur Bandcamp avant.

Myriam : Dans le communiqué de presse qui accompagnait votre album, on peut lire que les mots sont accessoires à votre musique, pourquoi avoir fait ce choix artistique?
Pierre-Luc : On ne se pose pas tant de questions sur comment ça se fait et tout, on le fait. C’est très défini dans nos têtes comment on veut que ça sonne, mais je pense que les raisons restent purement émotionnellement et comment on se sent face à ça. Déjà, les mots, oui c’est comme un accessoire parce qu’ils sont cachés derrière le délai et le reverb. Mais pour moi, qui les chante, je les entends bien mes mots, je sais c’est quoi et je pense à chaque syllabe comment la prononcer exactement. Pour moi, c’est un peu faux cet énoncé-là. Je joue de la batterie et je chante en même temps donc j’y pense pas mal. Mais je comprends que pour tout le monde ça soit un accessoire, je trouve ça bien comme ça. J’ai trouvé une sorte de manière de chanter ça et que ça fasse comme ça parce que tous les artistes que j’écoutais quand j’étais jeune en français, je trouvais ça excellent mais je trouvais ça cru. J’essaie de donner cette rondeur-là au mot. Sans vouloir me cacher derrière les effets dans le vocal, et de plus en plus les effets sont de moins en moins présents selon nos nouvelles compositions en ce moment. Mais bref, ça s’est juste fait comme ça. Avant, il n’y avait pas de vocal dans le groupe avant que j’arrive donc ça a parti comme ça. Si c’est accessoire, je pense que c’est à l’interprétation de chacun mais surtout des autres que moi.

Myriam : Si tu pouvais prendre ma place de journaliste pour une question, quelle question te poserais-tu, en y répondant?
Pierre-Luc : Celle-là est difficile là! Vite de même, je me demanderais pourquoi on fait ce genre de musique-là? C’est quand même une question que je me pose souvent moi-même quand je regarde le groupe je me dis « pourquoi on fait ça au monde, jouer fort de même et de juste blaster le son dans le tapis avec autant de notes? » Je ne me rend vraiment pas compte, mais on joue très vite des fois et après quand je réécoute les live, on a fait des sessions filmées, des livestream ces temps-ci parce que c’est comme ça que ça se passe, il y a comme une pandémie, je me rends compte à quel point c’est différent de ce que j’écoute ou j’entends autour de moi souvent. Je me demande vraiment pourquoi on fait ça. En fait, on ne se pose pas cette question-là quand on le fait, c’est ça un peu la magie de la chose parce que je ne comprends pas. Je me regarde et je me dis que ce n’est pas moi quand je suis sur la scène. C’est un peu bizarre, je sais que c’est moi, mais c’est trop introspectif pour que même moi je me reconnaisse dedans des fois. Je ne sais pas si c’était une bonne question, une bonne réponse de ma part.
Myriam : Oui! Honnêtement il n’y a pas de mauvaise question à se poser ni de mauvaise réponse à donner. Moi, cette question-là, je la donne pour que les artistes aient la chance de dire ce qu’ils veulent. Tu aurais pu me donner la recette de sauce à spaghetti de ta mère et j’aurais trouvé ça aussi pertinent.
Pierre-Luc : L’affaire c’est que sa recette de sauce à spaghetti est vraiment bonne. C’est un de ses must. Ça et son pâté chinois. Shout-out à ma mère qui fait la meilleure sauce à spaghetti! Ça va rendre les autres mères jalouses-là…

 

1. Ton lecteur de musique plante sur une île déserte, tu peux seulement écouter une chanson, c’est laquelle?
Sébastien : Spirit In The SkyNorman Greenbaum
Pierre Luc : Coney island baby Lou Reed
Tristan : Trouble sleep Yanga wake Am – Fela Kuti

2. Ta chanson de rupture préférée?
Sébastien : She’s GoneBob Marley
Pierre-Luc : Once I loveAstrud  Gilberto
Tristan : I’d rather go blindEtta James

3. Ta chanson d’amour préférée ?
Sébastien : Je t’aime moi non plusSerge Gainsbourg & Jane Birkin
Pierre-Luc : I’ll come runningBrian Eno
Tristan : Shelter from the StormBob Dylan

4. Un.e artiste que tu aimerais que les gens connaissent davantage ?
Sébastien : Alice Coltrane
Pierre-Luc : Flore Laurentienne
Tristan : Brigid Dawson

5. Si tu pouvais écouter un seul album pour l’année à venir, ce serait lequel?
Sébastien : Tago MagoCan
Pierre-Luc :  4Dungen
Tristan : Evening ColoursLaurence Vanay

6. La chanson qui te rend le plus heureux ?
Sébastien : Mambo SunT. Rex
Pierre-Luc : Chevaliers de la table ronde
Tristan : CoconutHarry Nilsson ou Ropts Train – Junior Murvin 

7. Un.e artiste / groupe qui t’inspire beaucoup ?
Sébastien : Amon Düül II
Pierre-Luc : Robert Wyatt
Tristan : Robbie Basho

8. La chanson qui t’obsède en ce moment?
Sébastien : Ballet Of ApesBrigid Dawson & The Mothers Network
Pierre-Luc : L’Hymne au printemps Félix Leclerc
Tristan : Rated XMiles Davis

9. Une chanson que tu aimerais avoir écrite?
Sébastien : Slip Inside This House13th Floor Elevators
Pierre-Luc : Twilight zoneDr. John
Tristan : She’s a loverThe Pretty Things

10. Ta chanson (à toi) préférée?
Sébastien & Pierre-Luc : Ce n’est rêve
Tristan : Attraction