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On vous présente : Nicolas Michaux

Nicolas Michaux, une musique douce qui fait réfléchir


© Olivier Donnet

 

Par : Myriam Bercier

MatTv vous offre encore et toujours la chronique On vous présente, qui a pour objectif de vous présenter des artistes qui passent sous le radar de la musique populaire. Cette semaine, je l’avoue, je suis allée chercher l’artiste avec lequel on célèbre ma 25e chronique ailleurs qu’au Québec. Je parle ici de l’artiste belge Nicolas Michaux!

 

Nicolas Michaux est un auteur-compositeur et producteur de musique belge qui fait également partie du label collectif Capitane Records. Son style intimiste se retrouve à la croisée de la chanson française, les auteurs-compositeurs-interprètes américains, le rock primitif et le early new wave. Il commence à faire de la musique en reprenant des morceaux des années 1960. Il a ensuite fait partie du groupe Été 67 de 1998 à 2011. Puis, il a pris une pause et en a profité pour voyager. Il s’est inspiré de ses histoires de voyage pour lancer son premier album solo À la vie à la mort en avril 2016.


© Mayli Sterkendries

Le 25 septembre 2020 (demain!) il lancera son deuxième album solo, Amour Colère. Cet album est partagé entre l’appréciation de la beauté, de la nature, de la famille et l’angoisse causée par l’actualité politique et écologique, d’où son titre. Tous ses enregistrements sont « faits maison » et se dégustent comme des bons plats cuisinés. La première chanson à avoir mis l’eau à la bouche de ses fans est Nos retrouvailles qui met en images une ville idéalisée dans laquelle il retrouve celle qu’il aime. C’est un morceau plein d’espoir qui invite à croire au bonheur. La chanson Parrot permet à Nicolas Michaux d’interroger nos vies dans ce morceau politique, piquant et entraînant. Il s’attaque à la part conformiste en nous. Il a illustré ce morceau par un clip percutant où des images d’actualité s’enchaînent et frappent l’esprit. La première chanson qu’il a écrite en arrivant à Samsø, une île du Danemark, est Harvesters, dans laquelle il avoue avoir espoir de guérir de son passé et de vivre une vie plus simple tout en réalisant que le temps passe. Cette chanson lui permet également d’exprimer son amour et sa gratitude à sa famille.

Nous nous sommes donc parlé sur Zoom le 17 septembre dernier. Nous avons discuté, entre autres, de son groupe, de son collectif, de sa carrière solo, du Québec, de la distance et de ce qui l’attend dans le futur musicalement. Voici, sans plus attendre, notre discussion :

Myriam : Qu’est-ce qui t’a amené à faire de la musique?
Nicolas : Très bonne question. Je dirais deux choses. Je dirais certainement l’ennui et la deuxième chose j’appellerais ça je sais pas… l’appel de la vie un peu. J’ai commencé à faire de la musique comme beaucoup de gens, j’ai commencé quand j’avais 13 ou 14 ans, j’étais un adolescent dans une petite école de province en Belgique. C’était le début des années 2000, la fin des années 1990. Comme un peu tout le monde on s’ennuyait beaucoup, je suis tombé sur ce qu’on appelle les Anthologies des Beatles, des documentaires sur toute l’histoire du groupe par les membres du groupe eux-mêmes et alors là ça a été vraiment une révolution. Je me suis dit « en fait, il y a un autre monde dont on ne m’avait pas parlé » et à partir de là j’ai voulu vivre dans ce monde-là et c’est toujours plus ou moins ce que j’essaie de faire.

Myriam : Tu as fait partie du groupe Été 67 de 1998 à 2015. Pourquoi est-ce que le groupe s’est-il terminé?
Nicolas : Pour être plus précis, ça s’est arrêté plus tôt, en 2011. Ça s’est arrêté parce qu’on a commencé à faire de la musique quand on était très jeune, on a formé le groupe je devais avoir 14 ou 15 ans, je jouais à peine d’un instrument, on a vraiment appris la musique ensemble et on a vraiment gravi tous les échelons petit à petit comme ça pendant 10 ans. Après une grosse dizaine d’années, on a eu l’impression qu’on avait un petit peu fait le tour et que cette aventure de l’adolescence et que ce groupe était malgré tout lié à une aventure de l’adolescence et à ces années de formation et qu’une fois qu’on avait 25 ans, il y avait d’autres histoires à vivre et d’autres choses à faire. On s’est séparés, mais en bons termes et on reste très amis. On ne se voit pas autant que ce qu’on souhaiterait, mais on reste en très bons termes.

Myriam : Qu’est-ce que ce groupe t’a apporté pour ta carrière solo?
Nicolas : Ça m’a apporté beaucoup parce que quand le groupe a commencé à avoir, entre guillemets, un peu de succès en Belgique, en France, déjà à l’époque du groupe j’étais venu pas mal de fois au Québec et à Montréal… ça m’a apporté énormément d’expérience assez jeune, assez tôt, c’est-à-dire que quand on a eu notre premier succès à la radio, c’était avec une chanson qui s’appelle Quartier de la gare, je devais avoir 19 ans ou quelque chose comme ça. Du coup, j’ai quand même eu la chance d’être toujours jeune et j’étais déjà sur des grandes scènes, dans les médias, les studios. J’ai appris un métier assez tôt. Pour moi c’est vraiment ce que ça m’a apporté ces années-là : d’apprendre le studio, d’apprendre la production, d’apprendre les concerts. J’ai sorti un album en 2016, je ressors un album cette année en 2020, parfois il se passe deux ans où je ne suis pas vraiment dans l’actualité, je ne fais pas de concert, etc. mais dès qu’on en refait, je bénéficie quand même de toutes ces années avec le groupe où pendant 10 ans j’ai quand même fait des centaines de spectacles. J’ai quand même cette expérience-là.

Myriam : Tu dis que pendant ce temps-là tu commençais à venir au Québec et à Montréal,
qu’est-ce qui t’a amené ici?
Nicolas : La première fois que je suis venu au Québec, c’était pour jouer pour les Francofolies de Montréal. Ça devait être en 2005 ou en 2006, et ça c’était avec le groupe. Par la suite, que ce soit avec le groupe ou avec ma carrière solo, j’ai eu l’occasion de venir 9 ou 10 fois au Québec, à Montréal, en général. C’est toujours un grand plaisir. Ce n’est pas pour vous flatter particulièrement, je ne le fais pas avec tous les pays, mais j’aime beaucoup le Canada, le Québec, j’aime beaucoup venir. La dernière fois qu’on est venu, on a joué au Festival d’été de Québec, aux Francofolies de Montréal et avec mon premier album on a fait le Coup de cœur francophone. On a aussi été joué dans des petits clubs à Toronto, on a joué au Burdock à Toronto. C’était très cool de découvrir l’autre partie du pays.

 

Myriam : Le voyage semble t’inspirer beaucoup pour composer des chansons. Qu’est-ce que ça t’inspire exactement?
Nicolas : Plus que le voyage, je dirais que c’est la distance. De pouvoir regarder sa maison d’un peu plus loin, de regarder son pays d’un peu plus loin, de regarder sa famille, ses origines, etc. avec un peu plus de recul. Je trouve que c’est ça que les voyages peuvent apporter. Moi je vis entre guillemets une double vie parce que je vis la moitié du temps à Bruxelles, l’autre moitié du temps je vis au Danemark parce que ma compagne et ma fille sont là-bas. Du coup, c’est une espèce d’équilibre fragile mais qui me permet quand même d’être actif ici, dans ma communauté et de faire plein de choses dans le milieu culturel et musical, dans la scène musicale bruxelloise, mais qui me permet aussi de couper le moteur, de partir et de regarder tout ça avec beaucoup de recul. Cette combinaison des deux me convient pas trop mal depuis quelques années.

Myriam : J’ai cru comprendre que tu t’impliques également dans le collectif Capitane Records. Qu’est-ce que tu y fais exactement?
Nicolas : Dans Capitane Records, c’est un collectif, on est plus ou moins une petite dizaine de personnes qui travaillent, il y a des graphistes, des photographes, des musiciens évidemment. Notre ambition c’est avant tout de faire de la musique, de faire des disques, d’organiser des soirées, des choses comme ça. Moi ce que j’y fais personnellement, on pourrait dire que je suis un directeur artistique du label ou quelque chose comme ça, je donne un peu mon avis. Tout le monde fait de tout, il n’y a pas de hiérarchie. Ça peut être d’aller à la poste pour poster des vinyles qui doivent être envoyés, ça peut être plein de choses, là on est en train de lancer un studio ici à Bruxelles, donc là je suis fort impliqué dans cette partie-là.

Myriam : Dirais-tu que ça t’apporte quelque chose pour ta carrière solo?
Nicolas : Oui oui c’est fondamental. C’est-à-dire que mon premier album est sorti sur un label français qui s’appelle Tôt ou tard et qui est quand même un gros label. Et puis là, pour le deuxième, la personne avec laquelle je travaille depuis des années qui s’appelle Grégoire Maus, on a un peu discuté, on a réfléchi et on s’est dit que c’était peut-être le moment pour nous de prendre notre destin en main et d’arrêter de frapper aux portes d’autres personnes et plutôt de se dire qu’est-ce que nous on peut faire en s’auto-organisant, en s’autogérant, en pouvant peut-être exprimer un peu plus clairement et simplement un peu plus ce qu’on est vraiment parce qu’on a eu du mal dans le passé de rentrer dans les boîtes que les autres avaient construites pour nous parce qu’on a l’impression de faire un truc un peu entre plein de choses, ou en tout cas un truc que personne ne fait exactement comme on le fait. Donc on s’est lancé là-dessus. Il y a des chouettes artistes sur le label. Il y a le groupe de mon guitariste qui s’appelle Clément Nourry, le guitariste qui joue avec moi en concert. Il a aussi un groupe, il s’appelle Clément Nourry lui et le groupe s’appelle Under the Reefs Orchestra, c’est un groupe instrumental entre le jazz et le rock alternatif, c’est super. On a aussi produit le nouveau disque d’un songwriter new-yorkais qui s’appelle Turner Cody. On l’a enregistré, son disque, ici à Bruxelles il y a un an et ça va sortir dans quelques mois. On est très emballé par tout ça.

Myriam : Ton prochain album, Amour Colère, sortira le 25 septembre. À quoi peut-on s’attendre avec cet album?
Nicolas : On peut s’attendre à un album de dix chansons, avec des chansons en français et des chansons en anglais, les deux langues sont représentées. Un petit peu comme son nom l’indique, c’est un album qui évolue entre ces deux pôles, entre l’amour et la colère, il y a des chansons qui sont des ballades, des chansons d’amour. Des chansons d’amour mais aussi des chansons sur le rapport à la nature, y compris la nature que l’on n’arrête pas de détruire, de brûler, de massacrer. Donc, il y a tout ce volet-là dans le disque, une attention sur les êtres humains en tant qu’ils sont des êtres humains connectés, vivants dans un milieu naturel et tout ce que ça peut évoquer, l’amour dans tout ça, les enfants aussi et tout. Il y a ce côté-là dans le disque, et il y a le côté beaucoup plus engagé, plus contestataire, je ne sais pas si on peut dire contestataire, mais avec des choses un peu dures et des chansons un peu plus mordantes qui sont des chansons qui tiennent compte et essaient de donner un point de vue sur la situation relativement alarmante qui est la nôtre en ce moment.

Myriam : Pourquoi faire des chansons en français et en anglais?
Nicolas : Pendant longtemps, je n’ai fait des chansons qu’en français, puis ma vie a évolué, je suis parti vivre au Danemark, en tout cas une grande partie du temps. Je ne parle pas danois, donc là-bas je parle beaucoup anglais avec les Scandinaves. Petit à petit, quand je ne le faisais qu’en français, c’était comme s’il y avait certaines chansons que je n’arrivais pas vraiment à faire, et l’anglais m’a permis d’ouvrir un nouveau chapitre dans mes productions, il y a quelque chose en plus. Ce n’est pas venu remplacer ce que je faisais, c’est venu en plus du reste. Mes chansons sur le disque, comme Enemies ou comme Parrot, seraient des chansons très très difficiles à faire en français. En général, je n’aime pas trop les frontières, je n’aime pas trop les limites et les boîtes et les cases qu’on se met comme ça, et j’aime encore bien faire ce qu’il me plaît quand il me plaît.

 

Myriam : Pourquoi avoir choisi le titre d’Amour Colère pour ton album?
Nicolas : Parce qu’il m’a semblé que c’était les deux sentiments qui me traversaient le plus. Je sentais que j’étais traversé par beaucoup d’amour mais aussi par beaucoup de colère, de colère à mon sens légitime, et en fait quand je vais ici à Bruxelles sur la place et que je regarde la vie qui passe devant moi, j’ai l’impression que ce sont des sentiments qui nous traversent toutes et tous, particulièrement en ce moment. J’ai l’impression qu’il y a beaucoup d’amour dans la rue, je vois qu’il y a ces manifestations. Avant la COVID mais même maintenant c’est reparti, il y a l’ambiance dans les fêtes, une envie de vivre qui est là et qui est incroyable, et une libération des corps et des langues, de tout et je trouve ça magnifique et passionnant. Mais en même temps on a des raisons d’être en colère et des raisons de dire aux dominants et aux dirigeants que ça suffit, qu’on ne peut pas continuer comme ça, qu’on ne va pas continuer dans cette folie qui est la nôtre depuis tellement d’années et que la planète n’en peut plus, les inégalités sont complètement scandaleuses. Il faut changer, quoi! Il faut changer, et maintenant je pense qu’il faut essayer de transformer cette colère en action directe politique qui permet de changer les choses.

Myriam : Si tu pouvais prendre ma place de journaliste pour une question, quelle question te poserais-tu, en y répondant?
Nicolas : C’est intéressant ça! Je me poserais la question de… c’est pas très original, mais je me poserais la question de la suite. La question de : il y a eu À la vie à la mort, maintenant il y a Amour Colère qui sort [demain], la suite ce sera quoi?
Je peux y répondre : la suite, pour moi, ça va être des aventures un peu plus collectives que cet album-ci. Cet album-ci c’est un album que je voulais faire depuis longtemps, j’avais toujours un peu ressenti ce besoin, je savais qu’un jour je ferais un album tout seul dans ma chambre, avec le contrôle sur tout, en décidant de tout, en jouant de tous les instruments. Un album un peu de monomaniaque comme ça. Maintenant c’est fait, je me suis prouvé à moi-même que je pouvais le faire et que ça pouvait être quelque chose, et je pense que pour la suite j’ai envie de revenir à des aventures un peu plus collectives en utilisant le réseau de musiciens que je me suis fait. Donc, par rapport à Amour Colère, qui est un disque que j’ai fait très esseulé, où j’ai joué de presque tous les instruments, où j’étais presque monomaniaque à travailler seul en plein hiver au Danemark, chez moi, là j’ai envie que le prochain album soit un album dont le processus de création soit beaucoup plus collectif, beaucoup plus partageur en utilisant, en mobilisant le réseau des musiciens qui sont ici à Bruxelles autour de moi et en utilisant ce nouveau studio qu’on est en train de créer.

 

1. Ton lecteur de musique plante sur une île déserte, tu peux seulement écouter une chanson, c’est laquelle?
 Lee Hazlewood, Easy and me 

 

2. Ta chanson de rupture préférée?
Leonard CohenHey, That’s No Way to Say Goodbye

3. Ta chanson d’amour préférée?
Everly BrothersLove Hurts

4. Un.e artiste que tu aimerais que les gens connaissent davantage?
Moondog

5. Si tu pouvais écouter un seul album pour l’année à venir, ce serait lequel?
Dahlak Band, Hailu Mergia, Wede Harer Guzo

 

6. La chanson qui te rend le plus heureux ?
Paul SimonYou Can Call Me Al

 

7. Un.e artiste / groupe qui t’inspire beaucoup?
Marianne Faithfull

8. La chanson qui t’obsède en ce moment?
Lefty Frizzel, The long black veil

 

9. Une chanson que tu aimerais avoir écrite?
Turner Cody, Better Days

 

10. Ta chanson (à toi) préférée?
Difficile de choisir une préférée mais j’ai de la tendresse pour celle-ci parce que c’est la première que j’ai sorti.
Nicolas Michaux, Nouveau départ