un magazine web axé sur la culture d’ici

On vous présente : Kinkead

Kinkead : des textes d’actualité qui font danser


© Kinkead, crédit : Sam St-Onge

Par : Myriam Bercier

MatTv.ca vous offre encore et toujours la chronique On vous présente, qui a pour objectif de vous présenter des artistes qui passent sous le radar de la musique populaire. Cette semaine, c’est au groupe originaire de Québec Kinkead, formé par les frères jumeaux Henri et Simon Kinkead qu’on s’intéresse.

Les deux frères Kinkead jouent de la musique ensemble depuis leurs 10 ans et ont créé leur premier groupe, Gilles, alors qu’ils n’avaient que 14 ans. En 2017, le groupe s’est terminé et ils se sont lancés dans l’aventure Kinkead en duo. Ils ont depuis sorti leur premier EP, 1995, en 2018, qui avait comme styles principaux l’indie-rock et le folk. Ils ont également pris part au Festival d’Été de Québec en 2019 et au Festival international de la chanson de Granby (FICG) en 2020. Ils ont également lancé leur premier album complet, Migration, le 23 octobre dernier où on retrouve une musique plus pop et disco-funk que ce qu’on avait pu entendre dans leur premier EP.


© Kinkead, crédit : Sam St-Onge

Cet album, produit par Simon Kearney, comporte dix chansons qui abordent toutes de près ou de loin les thèmes d’affranchissement, d’émancipation et la redéfinition du sentiment amoureux tout en marquant une transition entre l’adolescence et l’âge adulte. La langue, merveilleusement imagée, offre des tranches de vie d’une jeunesse qui questionne, qui se découvre de par les rencontres et qui forge son identité personnelle, amoureuse et sexuelle. Par exemple, une chanson comme Reality show aborde des questionnements en lien avec l’identité sexuelle et la santé mentale dans tout ça. Si ça nous tue dépeint l’histoire de deux amants qui se retrouvent à la fin d’une soirée, les déceptions et les questionnements associés à ce genre de situation : Si ça nous tue, pourquoi on recommence? les entend-on chanter dans le refrain. Freak out, par exemple, explore une nouvelle relation où les réseaux sociaux prennent beaucoup de place et rendent le tout plutôt toxique. Savane, finalement, est une douce chanson d’amour homosexuelle.

J’ai eu la chance de m’entretenir avec les deux frères sur Zoom la semaine passée. Nous avons parlé, notamment, d’émotions, de la réception de chansons intimes aux sujets sensibles comme le coming out, de leur participation à l’édition virtuelle du FICG et la réaction du public quant à leur nouvel album. Voici, sans plus attendre, notre discussion!

Myriam : Qu’est-ce qui vous a amené à faire de la musique?
Simon : On a baigné là-dedans toute notre jeunesse en fait. On a commencé à prendre des cours très jeunes, on a eu des groupes de musique jeune ensemble, on a toujours baigné là-dedans, c’est un peu allé de soi pour nous.
Henri : Notre père jouait de la guitare aussi, donc quand on était petits on chantait des chansons des Stones, des Wings
Simon : … de Tom Petty
Henri : De Zachary Richard dans le salon. C’était cool. C’est ça, notre premier contact avec la musique et jouer de la musique.

Myriam : Quel est votre processus de création?
Henri : C’est cool parce que dans ce projet-là, c’est un projet qu’on a ensemble. C’est un des nombreux trucs qu’on partage dans nos vies ensemble comme on est jumeau et qu’on est très proche. Du côté de la création, c’est très très personnel. Chacun de notre côté, on écrit nos chansons, souvent avec la guitare puis on met ça en commun, on se présente les textes et tout et on va travailler là-dessus ensemble. D’emblée c’est quelque chose de très personnel. Je trouve ça cool, ça crée une belle dynamique.

Myriam : Qu’est-ce qui vous inspire le plus pour créer une chanson?
Simon : Je dirais, c’est un peu cliché à dire, mais le quotidien. Je pense que les choses qu’on vit autour de nous, qui nous font vivre des émotions, qu’on vit ou qu’on constate autour de nous, qui viennent nous toucher ou nous émerveiller ou même nous chambouler des fois. Je pense que pour moi le moteur de la création est une émotion que tu vas ressentir et que tu vas avoir le goût d’exprimer d’une certaine façon. Je pense que c’est le cas pour beaucoup d’artistes.
Henri : C’est souvent des émotions qui sont bien ancrées dans des questionnements existentiels, je pense qu’on en a tous toute notre vie des questionnements existentiels, mais à nos âges, dans la vingtaine, c’est une période où il y a une grosse ébullition. Le dernier album est très ancré là-dedans.

Myriam : Était-ce important pour vous de créer des chansons qui abordent des thèmes relatifs à la communauté LGBTQ+, comme les thèmes du coming out et de santé mentale dont vous parlez dans la chanson Reality show par exemple?
Simon : Est-ce qu’on voulait le faire? Je ne pense pas qu’on a abordé l’écriture de cet album-là en se disant qu’on voulait obligatoirement le faire, mais comme on a vécu des trucs en lien avec ça, ça allait comme de soi.
Henri : Oui, dans le fond de nos pensées, je pense que … moi, quand j’écris des chansons qui incluent des propos relatifs à la diversité sexuelle, c’est sûr que je pense à comment ça va être reçu et comment ça s’inscrit dans le message de cette communauté-là, mais au final, c’est surtout pour moi que je fais ça, parce que c’est important pour moi de ne pas parler de ça en me cachant. Je trouve que c’est cool qu’il y ait des chansons d’amour écrites pour des gars par des gars et que c’est important que ce soit dit de front. Après ça, ce qui émane de ça, c’est jusqu’au final, c’est le sentiment derrière ça qui est important.

Myriam : Avez-vous envisagé de ne pas aborder certains thèmes ou était-ce important pour vous d’en parler?
Henri : As-tu des thèmes en tête en particulier?
Myriam : Des thèmes comme le coming out, votre orientation, votre identité sexuelle, la santé mentale même… est-ce que c’était important pour vous de mettre ça en chanson?
Simon : Je pense que quand justement les trucs que tu vis nourrissent beaucoup ta création, autant une chanson c’est une chanson et la personne qui la reçoit, qui l’écoute se l’approprie à sa façon mais ça part de trucs qui sont des émotions vraies ou qui étaient vraies au moment de l’écriture. Après ça, une fois qu’on avait ces chansons-là en main, on ne s’est pas vraiment posé la question à savoir si on allait les sortir. C’est sûr que quand tu rentres dans des trucs très personnels, comme moi personnellement la chanson Reality Show, je me suis demandé comment ça allait être reçu, mais au final ça a été très positif, on n’a reçu aucun commentaire désobligeant. Autant c’est quelque chose très personnel, autant il y a une universalité là-dedans dans laquelle les gens peuvent se reconnaître.
Henri : Je pense que les gens ont du respect pour le courage que ça demande de montrer ta vulnérabilité comme ça, comme dans cette chanson-là. Par rapport à comment c’est reçu ou pas, je pense que quand tu t’exposes, il y a toujours un petit peu de crainte, mais comme tu dis, de la part du grand public, il y a eu zéro malaise, mais c’est peut-être plus dans notre entourage proche …
Simon : … Les gens qui nous connaissent, qui connaissent les situations, qui en ont même appris sur nous à travers ces chansons-là. Ça, je pense que ce n’est pas toujours facile de gager c’est quoi l’apport d’une chanson dans une situation. Mais au final, tout ça c’est quand même très bien déroulé.

Myriam : Vous faisiez partie du groupe Gilles avant, qu’est-ce qui vous a amené à vous lancer dans l’aventure Kinkead en duo?
Henri : Plusieurs choses. Je pense que le déclic ça a été que notre ami avec qui on jouait de la musique depuis tout le temps, qui faisait partie du groupe Gilles, le batteur, qui s’appelle Oli qu’on salue d’ailleurs, a décidé de poursuivre des études en médecine donc ce n’était plus possible de faire de la musique tous ensemble. Après ça, quand on a fait le choix de faire de la musique professionnellement, on s’est demandé comment repenser ce projet-là. Je pense que Kinkead pour nous c’est fort parce que c’est notre nom de famille, donc ça ancre beaucoup le groupe dans l’idée qu’on est jumeaux. Je pense que ça fit parce que c’est très personnel.
Simon : Ça nous a permis aussi de s’offrir un nouveau départ, d’aller moins dans l’indie et le folk et de plus toucher à la pop. Ça s’est fait naturellement.

Myriam : Vous avez fait partie de l’édition virtuelle du Festival international de la chanson de Granby, comment avez-vous vécu cette expérience virtuelle?
Henri : C’était cool. C’était vraiment intéressant parce que c’était la première fois qu’on faisait une captation live, quelque chose de filmé. C’est complètement différent, pas juste parce qu’il n’y a pas de public, mais aussi parce que tu dois apprendre à jouer avec la caméra.
Simon : C’est plus comme de la télé en fait quasiment. Ils avaient aménagé une sorte de plateau, il y avait une régisseuse qui s’occupait de gérer le tout, il y avait un metteur en scène. C’était une expérience tout autre. Pour moi, ça ne ressemblait pas à un festival ou à un concours parce qu’on ne croisait pas les participants, le but c’était que tout le monde fasse ses affaires. C’était une belle expérience dans les circonstances.
Henri : C’était cool parce qu’après nous avons filmé notre spectacle de lancement, ça nous a donné des outils qui nous ont été très utiles pour la suite et pour les autres spectacles virtuels qui s’en viennent.

Myriam : Vous n’avez pas eu l’impression de vivre une expérience à moitié comme vous n’avez pas croisé les autres participants?
Simon : Un peu, c’est sûr. La musique, aussi, je trouve que c’est une forme d’art qui est comme une communion, c’est un paquet de gens qui travaillent pour rendre des événements possibles et permettre au public d’en profiter aussi. Écoute, clairement, on ne se fera pas de cachette. Tous les mélomanes aussi qui ont eu des spectacles annulés le comprennent. Quand tu regardes un spectacle en direct ce n’est pas la même chose, mais on peut quand même leur lever notre chapeau d’avoir fait de quoi de cette envergure-là dans les circonstances.
Henri : Vraiment, ils se sont vraiment donnés. Depuis quelques mois, on vit nos vies à moitié, donc ça s’inscrit dans ces courants-là. Mais c’est sûr que dans les circonstances, on se considère chanceux pareil.

Myriam : Ça fait presque un mois que votre album est sorti, quel accueil a-t-il reçu jusqu’à maintenant?
Henri : Je pense que ça a été vraiment positif. Pour nous, c’est un premier album, on a commencé à l’enregistrer dans un contexte comme « normal », donc c’est sûr qu’on avait des attentes comme faire des spectacles, tout le rêve de jeunesse que tu as quand tu sors ton premier album et tout, c’est sûr qu’il y a une déception due au fait que ça tombe à plat, mais on a quand même réussi à lancer un album et à avoir un spectacle virtuel.
Simon : Pour ce qui est de la réception, je dirais qu’elle a été bonne. Comme on a parlé un peu plus tôt par rapport aux différents thèmes qu’on a abordés dans l’album, je pense que tout ça a été reçu et somme toute assez bien compris. Après ça quand tu parles de sujets aussi délicats que la diversité sexuelle, la communauté LGBT+, je pense que ça touche à des cordes sensibles, ce n’est pas tout le monde qui est d’accord avec la façon dont tu abordes ces sujets-là, mais ça a été presque tout positif.
Henri : Les médias ont embarqué, on a reçu plein de commentaires de gens, autant nos ami.e.s que des gens qu’on ne connaissait pas, qui nous ont dit que ça les avait touchés. Au final, c’est ça l’important, c’est pour ça qu’on fait ça. C’est des trucs personnels après ça tu exposes ça et tu espères que ça va toucher les gens même s’ils n’ont pas vécu exactement la même chose que ce que tu décris. Ça, ça a réussi, donc dans un sens, c’est mission accomplie.

Myriam : Si vous pouviez prendre ma place de journaliste pour une question, quelle question vous poseriez-vous, en y répondant?
Henri : Je pourrais poser une question à Simon et il pourrait me poser une question?
Myriam : Vous pouvez faire ça comme ça, c’est vraiment intéressant comme façon de faire.
Henri : Veux-tu commencer?
Simon : OK. Comment tu penses que ça te nuit dans ton cheminement artistique de travailler aussi proche de ton frère jumeau?
Henri : Est-ce que je peux vraiment être honnête? Non, c’est pas vrai! (rires). Je pense que ça me nourrit beaucoup en fait. Je pense que ça ne m’a pas nui, ça m’a plutôt personnellement aidé à porter ce projet-là, ça m’a donné beaucoup confiance comme toute forme de collaboration, si j’avais collaboré avec un ami ça aurait été le même genre de feeling. Ce qui est hot qu’on ait collaboré ensemble, comme on est vraiment proche, je pense que ça simplifie les choses, il y a plein d’affaires qu’on n’a pas besoin de se dire. Le mauvais côté c’est peut-être plus que c’est un autre de ces trucs qu’on fait ensemble. Ça m’aide peut-être moins dans ma démarche personnelle, mais d’un point de vue artistique d’accomplir des choses, c’est crissement positif.

Henri : Quels sont tes projets personnels pour le futur?
Simon : OK. C’est vraiment ça ta question?
Henri : Tu la trouves plate?
Simon : Je la trouve un peu plate oui.
Henri : Bon, c’est bon, attends…
Simon : Je peux répondre, ça ne me dérange pas, je peux parler de mes projets, mais je m’attendais à mieux! Mes projets personnels futurs, j’ai le goût de me plonger davantage dans l’écriture, dans des trucs différents de la musique. On a clairement commencé à réfléchir à un deuxième album, mais de façon très très très embryonnaire. C’est ça, écrire des trucs. En ce moment, je suis en train de travailler sur un projet de balado, j’aimerais ça écrire des trucs. L’écriture m’intéresse à différents niveaux, je vais pousser là-dedans et monter des projets qui me font triper à ce niveau-là et continuer à écrire des chansons.

1. Ton lecteur de musique plante sur une île déserte, tu peux seulement écouter une chanson, c’est laquelle?
H : Tusa de Karol G avec Nicki Minaj
S : Ce serait How To Fly de Sticky Fingers

2. Ta chanson de rupture préférée?
H : Tu m’intimides de Mara Tremblay
S : Self Control de Frank Ocean

3. Ta chanson d’amour préférée ?
H : Sexe, drogue, ceri$e$ & rock n’ roll de Jérôme 50 <3
S : Phantom Limb de The Shins, une toune d’amour impossible entre deux adolescentes de banlieue… De toute beauté

4. Un.e artiste que tu aimerais que les gens connaissent davantage ?
H : Simon Kearney, ce gars-là a trop de talent
S : Idem pour moi

5. Si tu pouvais écouter un seul album pour l’année à venir, ce serait lequel?
H : Plastic Hearts, le prochain album de Miley Cyrus
S : Le nouveau de Gaspard Eden, je pense que je me tannerais pas

6. La chanson qui te rend le plus heureux ?
H : Le reel de Pointe-au-Pic (version Bottine Souriante)
S : Boondigga de Fat Freddy’s Drop, bon bounce garanti!

7. Un.e artiste / groupe qui t’inspire beaucoup ?
H : Frank Ocean, j’suis en amour avec lui en fait
S : Jose Gonzalez, un guitariste et auteur-compositeur-interprète d’une grande sensibilité

8. La chanson qui t’obsède en ce moment?
H : She’s my baby des Wings
S : Shark Smile de Big Thief

9. Une chanson que tu aimerais avoir écrite?
H : Un peu plus haut, un peu plus loin de Jean-Pierre Ferland (j’aimerais être sur le stage pour voir Céline et Ginette la chanter sur les plaines en 2008)
S : Sophie de Valence. Une toune d’une grande beauté et d’une grande émotion tout en étant simple… C’est ce qui fait les grandes chansons selon moi!

10. Ta chanson (à toi) préférée?
H : Savane, je suis vraiment fier de cette chanson-là
S : Si ça nous tue, cette toune-là a pris une identité tout autre que celle que j’imaginais quand je l’ai écrite et je suis ben fier du résultat.