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On vous présente : Bermuda

Bermuda, figure de proue musicale des femmes fortes 


© Dominic LaChance

Par : Myriam Bercier

MatTv vous offre encore et toujours la chronique On vous présente, qui a pour objectif de vous présenter des artistes qui passent sous le radar de la musique populaire. Cette semaine, ma 18e chronique vous présentera Bermuda!

 

Bermuda est une autrice-compositrice-interprète née aux Bermudes, grandie en Irlande, atterrissant à Lévis quelque part pendant son adolescence pour finalement s’établir à Sherbrooke un peu plus tard. Elle sort diplômée de l’École nationale de la chanson en 2018. Ses pièces sont teintées du parler du rap, de funk et de la pop « catchy », le tout saupoudré d’humour et d’ironie, comme on peut l’entendre dans sa pièce ChestSi tu t’mets pas en chest, j’te laisse », y chante-t-elle). Cette chanson tente de renverser le sexisme, pour en rire et faire réaliser les doubles standards présents dans notre société.


©Dominic Lachance

Ce côté engagé, on le retrouve également dans des pièces comme Beach Bodé et Viva, qui prônent l’acceptation de soi et la confiance en soi. En effet, elle a décidé d’écrire Beach Bodé, car elle en avait plus qu’assez du contrôle effectué sur le corps des femmes par la société. Dans cette chanson, elle réclame l’acceptation de soi et qu’on apprécie notre corps tel qu’il est : « T’es phoney, t’es phoney/Si tu penses qu’il faut que tu ailles t’entraîner/Beach bodé/T’es beau, t’es belle anyway, anyway! », peut-on l’entendre chanter). Son premier EP éponyme a été lancé le 3 avril 2020, et le thème y est plutôt évident : l’importance de vivre sans compromis. Elle devait faire des spectacles en avril entourée de Sarah Dion, Fabienne Gilbert, Éléonore Pitre et Camille Gélinas.

On s’est donné rendez-vous sur Zoom vendredi dernier pour discuter du fait d’être une femme forte, de la création de Bermuda et de chansons d’amour vides! Sans plus attendre, voici l’entrevue!

 

Myriam : Qu’est-ce qui t’a amenée à faire de la musique?
Bermuda : Je pense que je fais de la musique depuis que je suis toute petite. En fait, j’ai commencé des cours de piano quand j’avais quatre ans. Ma mère a toujours été vraiment musicale, on a toujours chanté dans l’auto en allant travailler, en allant à l’école. Dans le fond, moi je suis née aux Bermudes, j’ai grandi en Irlande, donc à travers tout ça on dirait que le paysage musical dans lequel on était, dans lequel on baignait, la radio, ça m’a formée. Tranquillement vers 16 ans j’ai commencé à écrire des chansons. Tout ce que je pouvais entendre, j’essayais de le faire en cover. J’ai eu différents projets qui tranquillement m’ont amenée à faire ça de plus en plus, j’ai fait quasiment au-dessus de 200 shows dans ma vie. C’est pas tant que ça, mais c’est comme beaucoup quand même! (rires) Après je suis allée faire l’École nationale de la chanson en 2018. Ça m’a vraiment aidée à concilier tout ce que j’avais et à apprendre à trouver les outils nécessaires pour faire un projet qui allait de l’avant. C’est pendant que j’étais à l’école que j’ai créé Bermuda. Ça fait un an et demi que Bermuda existe, qu’elle vit, qu’elle vole! (rires)

Myriam : Qu’est-ce qui a mené à la création de Bermuda?
Bermuda : Les autres projets que j’avais avant, j’y allais toujours un peu plus aléatoire, j’y allais avec tout ce que j’avais envie d’écrire. On dirait qu’en apprenant à connaître le monde de la musique un peu plus, j’ai compris que j’ai plein de choses à dire, mais je pense que si je veux créer un produit musical qui va être intéressant pour un public, pour qu’il s’attache à quelqu’un, à une idée, pour qu’il embarque, fallait que je choisisse ce que j’avais le plus envie de dire. Ce que j’avais le plus envie de dire c’était sur les femmes fortes, créer un exemple pour ça, dire « je suis tannée du bodyshaming, qu’on shame, bah OK je vais faire une chanson sur ça ». Moi quand je me regarde, que je feel pas, je me croise dans le miroir, je vais tout le temps me dire « Hey toi là, let’s go! T’es hot! ». Écrire sur ce qui me « mindait » à être une femme forte, je me disais « wow, ça c’est cool ». En écrivant de plus en plus là-dessus, je commençais à trouver que c’était le fun de jouer avec le rap, le funk, la pop catchy. Après ça, trouver un nom, je cherchais ça… Bermuda, c’est des shorts, si on pense au féminisme… porter ses shorts, porter les pantalons, je trouvais que ça avait du sens, avec le fait que j’étais née aux Bermudes… c’est comme si toute ma vie c’était des morceaux de casse-tête que j’avais mis ensemble.

Myriam :  Tu as lancé ton premier EP le 3 avril dernier. Le message de ton album est facile à saisir : vivre sans compromis. Est-ce que c’est important pour toi, comme façon de vivre?
Bermuda : Oui, vraiment. J’ai toujours été quelqu’un d’engagé qui ne se taira pas quand quelqu’un… si je suis sur le bord d’un feu et que quelqu’un fait une blague sexiste, je la laisse pas passer, je lui dis « voyons, depuis quand c’est drôle? C’est pas drôle! » Je vis sans compromis oui dans mes choix de carrière. Mon alter ego, Dominique, est psycho-éducatrice, il y a aussi ça, encore une fois vivre sans compromis, dans le sens que je veux rester cohérente avec mes valeurs et tout. C’est sûr que dans mes conversations, mes engagements, dans la manière que j’ai toujours choisi de vivre. J’en laisse pas vraiment passer des calls sexistes ou racistes, je peux te le dire, en tout cas, le plus possible!
Myriam : Est-ce que tu penses qu’être psycho-éducatrice t’inspire d’une quelconque manière dans Bermuda?
Bermuda :  Oui, ça me permet d’être très proche de ce qu’on pourrait appeler l’expérience humaine. Moi, je ne vois pas toujours que le beau dans la vie. Donc voir ce qui n’est pas beau fait du bien, ça nous démontre tout ce qui est là, pourquoi on fait des choses. C’est sûr que quand j’écris mes chansons, comme Beach Bodé, je l’ai écrite pour moi à la base, mais quand je vois une petite fille de 7 ans qui chante la chanson, qui comprend le message, je me dis « ouais, c’est pour ça que j’ai écrit ça, pour que les ado, les grandes, les moyennes, les adultes, que tout le monde se fasse ah, finalement, c’est vrai, je suis belle moi aussi, je me regarde dans le miroir et je m’aime, j’ai pas besoin que le club de sport me dise d’aller faire du sport, j’en fais si je le veux, j’en fais pas si je le veux pas! »

Myriam : Dans tes chansons, tu utilises parfois le parler du rap, sans considérer que tu es dans l’univers du rap. Pourquoi fais-tu autant d’amalgame de styles?
Bermuda : Parce que ça me tente! (rires) Parce que j’ai trouvé les bouts que j’aime dans chaque affaire. Tu sais, le rap québ, le rap français, c’est des univers, c’est des mondes, je veux pas dire que je fais du rap parce que je pense pas que je fais partie de cet art form là. En même temps je trouve vraiment qu’il y a des trucs intéressants dans le rap, je vois pas pourquoi je l’utiliserais pas. La police de la chanson n’est pas trop pire. J’aime ça prendre ce que j’aime de chaque style. J’aime que dans le funk, historiquement, toute la manière qu’on fait du funk, c’est très le cœur, les tripes, all in pour l’essence. J’aime beaucoup la rythmique dans les mots du rap, j’aime ça utiliser ça pour mettre des percussions dans la façon de parler, j’aime le fait qu’on peut chanter des refrains catchy, je suis allée chercher ça. Ça a donné cette facette-là parce que c’est mes bouts préférés de chaque affaire.

Myriam : Tu as décidé de lancer ton album pendant la COVID, qu’est-ce qui a motivé ce choix, sachant que tu ne pourrais pas faire les shows que tu avais prévu?
Bermuda : Ce qui a motivé le choix, principalement, c’est qu’on n’avait pas trop le choix, il sortait pareil. C’était un peu « est-ce qu’on embarque dans la vague ou on le laisse sortir et on en parle pas trop? » Moi, dans les premières semaines de la COVID, j’étais un peu comme tout le monde, sous le choc. Je repense à la première semaine, je ne me suis pas dit tout de suite « ok, go, on embraye ». Mais mettons deux semaines, on approchait de la date de lancement, j’ai parlé à mon équipe, mon réalisateur, j’y disais « ça te tente-tu qu’on fasse un lancement, qu’on se parle, on va y aller avec ce qui vient, je pense qu’on va le lancer pareil, on verra si on fait un vidéoclip ». Moi, l’album me faisait du bien à écouter, les gens autour de moi je me disais, au début ça va être mes ami.e.s, ma famille, je pense que ça serait cool de leur partager ça. Il est prêt, il est beau, on va y aller! De fil en aiguille, ça a bien été. On a eu une belle visibilité un peu partout. On aurait pas pu le prévoir. Est-ce que dans la vie pas-COVID ça aurait pogné autant? Je sais pas. Mais là, on était bien contents. Ça a été un deuil du côté des spectacles, mais on va se reprendre!

Myriam : Parlant de spectacles, tu devais les faire accompagnée sur scène de Sarah Dion, Fabienne Gilbert, Éléonore Pitre et Camille Gélinas. Est-ce que c’était délibéré que ce soit uniquement des filles qui t’accompagnent?
Bermuda : Quand même, mais aussi les meilleures! En dehors d’être des filles, il s’agit de sacrées bonnes musiciennes. Ça faisait un bout que je voulais jouer avec Sarah. En fait, c’est mon réalisateur Alexandre qui m’a suggéré de jouer avec elles. C’était une belle chose que ce soit des filles, je trouve ça cool, ça fait fort, surtout avec le projet, qu’on soit des filles fortes, des filles qui jouent avec les meilleurs musiciens du Québec. C’est incroyable. Je suis vraiment chanceuse de jouer avec elles, je suis contente qu’elles embarquent. J’ai juste hâte d’être en show, pour pouvoir les montrer et voir comment ça va être malade!

Myriam : As-tu des dates qui ont été reportées?
Bermuda : Oui, pour l’instant on joue à l’ANTI Bar & Spectacles à Québec le 28 août, c’est juste virtuel pour l’instant, ils ont un pas pire set-up pour mettre tout ça en ligne. Pour des shows en vrai, il y en a quelques-uns, mais je n’ai pas le droit d’en parler encore! (rires) Ils s’en viennent dans le mois d’août et de septembre. Sinon je joue à l’Université de Sherbrooke au show de la rentrée le 1er septembre, au Vieux Bureau de Poste à Québec en octobre. Il y en a quelques-uns qui ont été reportés, mais aussi de nouvelles choses qui naissent.

Myriam : Ta chanson Beach Bodé a rapidement été adoptée par les auditeurs, faisant de toi la future star d’iHeartRadio de mai 2020. Je crois avoir compris que toute une histoire se trouve derrière le vidéoclip pour Beach Bodé : qu’est-ce qui s’est passé avec ce clip-là?
Bermuda : Une belle histoire! En fait, on était supposé, comme tous, de faire un autre vidéoclip. On avait un scénario, on avait loué une piscine, c’était cool cool cool. Pis là hein COVID. Mes ami.e.s m’ont préparé un vidéoclip pour Beach Bodé. Ils m’ont fait ça en surprise la veille du lancement. Mon amie Annaëlle prépare tout un vidéoclip avec mes ami.e.s, ils se filment chacun chez eux, font un vidéoclip, m’envoient ça. J’ai pleuré ma vie, j’étais tellement contente et touchée en même temps! Je montre ça à mon équipe, « regardez ce que mes ami.e.s ont fait! » Mon attaché de presse a juste fait « oui mais tu l’as, ton vidéoclip ». Il faut faire le deuil de l’idée de l’autre vidéoclip. On est allés voir des gens, on l’a mis sur quelques groupes, on voulait inclure plus de diversité, on voulait pas que ce soit juste moi qui danse en beach bodé même si on aime ça. (rires) Ça a marché super bien, on a eu plein de réponses vraiment cool, je pense que les gens aimaient vraiment la chanson, ça a fait un vidéoclip vraiment cool. Je l’aime beaucoup. C’est fou des fois, des photos dans le temps, ça je trouve que c’est une belle photo.

Myriam : Si tu pouvais prendre ma place de journaliste pour une question, quelle question te poserais en y répondant?
Bermuda : La question que  tout le monde pose tout le temps c’est « avec qui tu voudrais jouer » donc on va la skipper celle-là. Oh, j’en ai une bonne! Je me demanderais c’est quoi la première chanson que j’ai écrit?
C’était vraiment bon. J’avais 8 ans, j’étais avec mon amie Isabelle en Irlande, c’était « You’re my honey baby, you’re my baby, you’re my sweetheart, you’re my souuuul », c’était vraiment bon! On l’avait chantée sur scène à la kermesse de l’école. On avait plus que 8 ans, on devait avoir 10 ans… Un hit! On était tellement gênées. On avait écrit une danse. C’était lourd! Mais c’était beau en même temps. On était sorties, et il y avait une des filles, on était trois, et une des filles avait dit… je sais pas pourquoi, on était en Irlande, mais on allait à un lycée français, mais elle avait dit en anglais « oh my god, this ruins my social life! » On avait genre 10 ans! (rires) C’était très drôle. Chanson d’amour vide, on ne savait même pas pourquoi on la chantait! C’est pour ça que j’écris plus de chansons d’amour voilà! Qu’est-ce que tu veux! Ça marche pas les chansons d’amour, j’écrirai pas ça! (rires)

 

1. Ton lecteur de musique plante sur une île déserte, tu peux seulement écouter une chanson, c’est laquelle? AdeleHello (pour que le monde vienne me cherche tsé … Hello from the other side!)
2. Ta chanson de rupture préférée? JeromeLizzo – « Jeroooooome take your ass home, and come back when you’re grown. »
3. Ta chanson d’amour préférée? Take the worldJohnnyswim – LA MEILLEURE CHANSON D’AMOUR EVER
4. Un.e artiste que tu aimerais que les gens connaissent davantage? Backxwash – artiste montréalaise complètement disjonctée!
5. Si tu pouvais écouter un seul album pour l’année à venir, ce serait lequel? Christine and the QueensLa vita nuova
6. La chanson qui te rend le plus heureux? Like SugarChaka Khan
7. Un.e artiste / groupe qui t’inspire beaucoup? Klo Pelgag
8. La chanson qui t’obsède en ce moment? What’s love got to do with itTina Turner remix de Kygo
9. Une chanson que tu aimerais avoir écrite? AmaditKNLO
10. Ta chanson (à toi) préférée? À lire à mes funéraillesBermuda