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La Ménagerie de verre

Un Classique fragilisé

Crédit photo : Victor Diaz Lamich

Le dramaturge Tennessee William a écrit la pièce La Ménagerie de verre en 1944. L’histoire se déroule au sein d’une famille pauvre du sud des États-Unis, près de l’embouchure du Mississipi, pendant la grande dépression, un peu avant la seconde guerre mondiale. Dans cette perspective, on imagine un lieu à l’ambiance toute aussi lourde et languissante que la chaleur qu’on y supporte.

Une mère et ses deux enfants composent la cellule familiale que nous décrit la pièce. Le père est parti depuis longtemps et le travail du fils dans un entrepôt subvient aux besoins de la famille. La fille reste à la maison, vivant avec un léger handicap et une grande timidité. Le fils a des ambitions d’aventures et la mère souhaiterait voir sa fille trouver un mari. Les envies des uns et des autres ne se réconcilient pas et l’échafaudage de leurs vies est bien précaire. Rien pour alléger le climat du ménage.

Pourtant, dans l’adaptation présentée par le Théâtre Denise-Pelletier, qui sera à l’affiche jusqu’au 10 avril prochain, on ne sent malheureusement pas cette lourdeur. Au contraire, la mise en scène d’Alexia Bürger «humorise» le récit avec un personnage de mère joué un peu comme dans un vaudeville et une mise en scène coupante.  Un choix difficile à comprendre. Aussi, la prestation du fils n’est pas suffisamment forte pour ramener le spectacle sur le bon ton.

Néanmoins, on a réussi à sauver les meubles grâce au moment phare de la pièce. Malgré des aspects scéniques douteux, le brio de Thomas Derasp-Verge et Elisabeth Smith nous ramène à cette verrerie délicate que peut incarner une personne. On y voit les forces aptes à transformer un individu, au risque même de le briser. La fille, Elisabeth Smith, est particulièrement touchante dans son costume aussi scintillant que les animaux de verre qu’elle collectionne alors que le visiteur, Thomas Derasp-Verge, nous donne un fabuleux exemple d’une entreprise de séduction frivole, frôlant l’inconscience. Sans cette portion de la pièce, il aurait été difficile d’en saisir les tenants et aboutissants.

Crédit photo : Victor Diaz Lamich

Par ailleurs, une judicieuse utilisation du son, de la musique et d’un élément du décor, une fenêtre, apportent une certaine profondeur à un spectacle qui en a bien besoin. Ces différents artifices procurent une issue pour intégrer certains éléments du récit, notamment le désir d’évasion du fils et les brefs instants de ravissement de la fille.

En fin de compte, à la clôture du spectacle, il nous reste l’image d’un couple dansant une valse émancipatrice tout autant que destructrice. Un tableau qui nous rappelle qu’au fond de nous tous repose un fabuleux animal de verre que l’on peut briser par inadvertance. Ainsi, on a fragilisé le grand classique américain, mais l’essence demeure malgré tout.

Le reste de la distribution est composée de Fabrice Yvanoff Sénat et Marie-Hélène Thibault. Les billets pour La Ménagerie de verre sont disponibles au Théâtre Denise-Pelletier.