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Vincent Vallières voyage dans le temps

Deux spectacles complets à Coup de coeur francophone

IMG_2083©RenaudVinet-Houle/MatTv.ca

Par Maxime D.-Pomerleau

J’avais parlé des concerts Face A et Face B de Vincent Vallières au Lion d’or dans un survol de la programmation 2014 du festival Coup de cœur francophone, comme d’événements spéciaux à ne pas manquer. Si je me doutais bien de la qualité des spectacles qu’il présenterait les 13 et 14 novembre, j’étais loin de penser que j’allais replonger dans des souvenirs vieux de dix ans. C’est au passage d’une fameuse chanson de Patrick Bruel que le chanteur a eu l’idée de ces retrouvailles avec le public. Le concept s’est transformé en deux concerts où il interpréterait ses quatre derniers opus intégralement et dans l’ordre. De belles soirées empreintes de nostalgie rendant hommage à l’époque où on écoutait les disques… au complet.

 

Face A 

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Chacun dans son espace

16 chansons, son plus long album. 16 chansons qui nous ont révélé ce chanteur qui se destinait à une carrière d’enseignant. 16 chansons qui ont plongé le public fébrile dans le passé dès les premières notes de Hier soir. Le temps passe, son premier succès populaire, Juliette, Salut Soleil ont immédiatement plaqué un sourire au visage des spectateurs pour une soirée qui démarrait fort. J’avais oublié à quel point Manu me poignait au cœur. OK on part me rappelait le temps des road trip et je me sens toujours aussi interpellée par L’avenir est plus proche qu’avant, dix ans plus tard. Il a raconté que son fils de huit ans lui avait un jour demandé ce que ça voulait dire, « une branlette sur internet », phrase culte de la chanson Tom. Dumas s’est joint au quatuor pour interpréter Blues Baby, où le temps dans la salle semblait suspendu. Plusieurs spectatrices étaient en émoi! Comme prévu, 1986 a mis fin à cette première partie de spectacle inoubliable.

 

Le repère tranquille

Comme son nom l’indique, l’album est plus tranquille que son prédécesseur. Il s’ouvre sur Un quart de piasse, révélant un nouveau degré de maturité du chanteur. Le groupe s’est éclaté sur plusieurs pièces rocks telles que la fameuse Toune à Gasse, Tôt ou tard, Le bord de l’eau, et la superbe version « bluesée » de Café Lézard, qu’il nous avait servie aux Francofolies cet été. Spectacle ponctué d’anecdotes de tournées, c’est sur les mots éloquents « Des fois c’est plus le fun de rêver son rêve que de le vivre » que Vallières a entamé La fille de la Côte-Nord. Il a aussi partagé son admiration pour le poète Gérald Godin, dont il s’est inspiré pour écrire Les parages de l’éternité. Le repère tranquille reste à ce jour ma chanson préférée du parolier.

 

Face B

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Le monde tourne fort

Après le spectacle enlevant de Face A, qui avait rallié nombre de vieux fans de Vincent Vallières, le Lion d’Or accueillait cette fois une foule plus jeune pour Face B, qui présentait les albums Le monde tourne fort et Fabriquer l’aube. Quelques mordus se sont tapés les deux concerts, de quoi remplir leur tête de Vallières durant quelques mois! Le monde tourne fort, Entre partout et nulle part, Le temps est long, L’amour au coin de la rue, toutes d’excellentes pièces qui ont fait danser le public. J’avais hâte d’entendre L’espace qui reste, une de mes pièces préférées. L’auteur-compositeur-interprète était volubile et partageait de nombreuses anecdotes avec le public. Plus on approchait de la fin de l’album, plus on sentait les gars fébriles; Vallières peinait à accorder sa guitare, on a eu droit à une improvisation d’harmonies vocales sur En attendant le Soleil et un twerking vigoureux d’André Papanicolaou. Sur les airs de Table tournante, le chanteur a raconté la légende d’Éric Salvail, qu’ils ont ramassé sur le pouce, tel un autostoppeur fantôme, en tournée sur la Côte-Nord, pour lui donner un lift jusqu’à Québec! C’était la première fois que les musiciens interprétaient la pièce L’école est finie. Placée au milieu de l’album, c’était aussi la première fois en cinq ans, vendredi, que le spectacle ne se terminait pas sur On va s’aimer encore!

 

Fabriquer l’aube

Musicalement, l’album est proche du précédent, c’est pourquoi En regardant tourner le monde et Stone me font beaucoup penser à Entre partout et nulle part. Laissant son côté grunge de côté où il s’était promis de ne jamais faire de chansons d’amour, Vallières s’est montré vulnérable avec Lili et L’amour c’est pas pour les peureux. Il a rapidement enchaîné avec Loin et Fermont, évitant habilement de revenir sur la controverse que la pièce avait suscité à sa sortie… Des projections d’archives de la grève de la mine d’Asbestos en arrière-plan soutenaient le récit et les paroles de cette magnifique pièce. La distance, l’exil et le désir de retrouver ses proches sont des thèmes récurrents de l’album. Je bûche et La chanson de la dernière chance ont aussi confirmé ce désir de rendre hommage à ses ancêtres. Le rappel fut une pièce inédite retranchée de Fabriquer l’aube à l’enregistrement. L’énergique C’est un départ concluait (ironiquement!) cette splendide soirée de musique et de souvenirs.

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En deux soirs au Lion d’Or, le public a voyagé de 2003 à 2014. Les époques ont changé en l’espace de quatre albums : Facebook a émergé, Barack Obama est devenu Président des États-Unis, la grippe H1N1 a terrifié la planète, TQS a changé de nom pour V et Guy Laliberté est allé faire le clown dans l’espace. Cependant une chose est demeurée constante; le talent incomparable de Vincent Vallières de raconter les autres, les histoires de familles et le pays. Ce même talent à créer des chansons vraies et rassembleuses, à l’épreuve du temps.

#CCF14

Crédit photo: ©RenaudVinet-Houle