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Un petit tour au fond de l’Orchestre Philharmonique du Québec

Une entrevue et un retour sur la programmation

Programmation de l’orchestre Philharmonique du Québec
Crédit photo : Ariane Monzerolle, prise lors de l’événement

par Ariane Monzerolle

Mardi dernier, l’Orchestre Philharmonique du Québec nous conviait au Quai 99 de Longueuil pour le lancement de leur programmation 23-24. Anciennement connu sous le nom de l’orchestre de la Montérégie, l’orchestre nous propose une programmation qui veut représenter la culture québécoise, c’est-à-dire multiculturel, drôle, généreux et inclusif. La programmation se dessine sous la thématique de la rébellion symphonique. Dans son discours de présentation, le Maestro nous rappelle qu’au moment de sortie de ces classiques, souvent, les compositeurs étaient perçus comme étant porteurs de mouvements sociaux et choquait pour la plupart avec leurs modes de vie décadents. Il espère donc qu’avec cette programmation, on redonne ce ton militant à ces pièces classiques.

Malgré la nouvelle appellation de l’orchestre, iels ne sont pas à leur première année ni à court de projet. L’orchestre nous promet un deuxième album vers la fin de l’année, on se souvient que l’an passé leur album est resté dans le top dix des meilleurs albums du Canada durant quatorze semaines. De plus, l’été prochain, iels repartiront en tournée à Rio de Janeiro, à l’Uruguay, au Chili, en France, en Espagne et à Sao Paulo. Je vous présente donc un petit tour de l’orchestre Philharmonique du Québec, avec une entrevue avec le Maestro Alexandre Da Costa et un retour sur leur programmation!

Entrevue avec un Maestro inspirant

J’ai donc eu la chance de m’entretenir avec Alexandre Da Costa, investigateur de la programmation et maestro de l’orchestre. J’ai découvert une personne humaine et charmante, il nous fait part plus en détail de certains choix pris cette année pour l’Orchestre Philharmonique du Québec.

Q : Qu’est-ce qui a initié l’envie de présenter une programmation autant innovatrice et riche ?

R : L’orchestre m’a donné l’opportunité d’avoir cette liberté artistique, après cinq saisons on peut dire que c’est le bon moment pour offrir une programmation aussi novatrice et légèrement risquée. Malgré l’envie de faire une des œuvres de manière plus classique, sobre, on n’avait pas le choix d’y aller à 100% avec une thématique justement plus colorée. Ça vient avec la signature unique de l’orchestre pour cette saison. Il faut un peu voir la programmation comme étant un catalogue des spectacles qu’on peut jouer non seulement ici, mais à travers le monde. De montrer toute notre diversité et nos habilités à naviguer autant de style.

Q : Justement, nous sommes dans une année un peu charnière pour l’orchestre avec le changement de l’appellation. Être l’orchestre philharmonique du Québec amène une notoriété, mais c’est aussi le temps de prouver ce qu’on est capable, non ?

R : Oui, c’est assez spécial et on ne peut pas se tromper. C’est pour ça qu’il fallait opter pour une programmation qui montre qui nous sommes et novatrice. Pas que nous soyons un nouvel orchestre avec une autre mission, mais nous nous devons de représenter un peu ce qu’est le Québec. On ne peut pas simplement refaire ce que font déjà les autres, il faut montrer nos couleurs dès maintenant.

Notre identité est vraiment différente de ce qui se fait actuellement. Ça fait 25 ans que je suis dans le milieu classique, mais j’avais envie de faire quelque chose de plus artistique, et la création de l’orchestre philharmonique nous permet de créer quelque chose de nouveau, quelque chose qui n’est pas encore couvert dans le milieu symphonique.

Q : Il y a aussi une mission communautaire rattachée à l’orchestre, sortir la musique classique des grands pôles métropolitains québécois pour aller en région, faire une tournée dans les CHSLD du Québec sans oublier les valeurs d’inclusivités rattachées à la programmation. Comment le tout s’interprète à travers l’orchestre ?

R : Mon rôle est de présenter la musique classique à un plus large public, de la rendre accessible et plaisante pour tous. L’orchestre philharmonique est ici aussi pour présenter la musique classique sans toutes les formalités habituelles qui y sont rattachées, simplement en prendre plaisir et l’apprécier. Ça ne veut pas dire que l’orchestre ne peut pas le faire, mais c’est l’idée d’amener de la magie dans la vie des gens. Et selon moi, on ne peut pas amener de la magie dans un environnement aussi formel et contrôlé.

Q : Justement, cette année vous proposer des choix qu’on pourrait qualifier comme étant risqués. En reprenant des morceaux connus et aimés du public en les modifiant et les adaptant, quelles ont été les raisons derrière ces choix ?

R : Oui, c’est vrai qu’en prenant la neuvième symphonie de Beethoven et la modifiée, l’idée est excellente, mais après quand on le fait c’est plus ardu qu’on le pensait. Ça fait un mois que je travaille avec le poète afin de faire une nouvelle partition. Ce n’est pas évident du tout du tout et on est juste en préparation de documents ! On imagine donc ce que ça sera pour les répétitions, défaire les habitudes et traditions des musiciens qui ont déjà absorbé une œuvre d’une telle manière pour l’amener ailleurs c’est déjà beaucoup. Je pense que c’est un exercice qui va être plus difficile, plus complexe, mais à un moment donné on va prendre le rythme. Et je crois que ça fera toute la différence et que c’est nécessaire pour nous démarquer.

Q : On a aussi droit à plusieurs invité.e.s cette année, quel ont été les intérêts qui ont mené à ces choix ?

R : Ce sont tous des artistes avec qui j’ai construit une relation humaine donc il n’y a pas d’artistes que je ne connais pas. Ce sont des artistes que j’apprécie avant tout comme humain. Ce sont tous des gens à qui je veux laisser toute la place parce qu’ils le méritent et c’est des gens qui sont qui sont des génies musicaux et il y en a qui sont reconnus et d’autres moins connus, un peu comme des diamants bruts qui n’ont pas encore été découverts par notre public. C’est un honneur pour moi de pouvoir faire connaître ces artistes au public québécois.

Alexandre De Costa entouré de son équipe à l’orchestre Philharmonique du Québec
Crédit photo : Ariane Monzerolle, prise lors de l’événement

Q : Le thème de la saison est la rébellion symphonique, pourquoi avoir choisi ces termes spécifiques ?

R : C’est une rébellion parce que je fais les choses différemment de mon milieu et de mon industrie et évidemment que quand on fait quelque chose différemment, il y a toutes sortes d’opinions. Si ça affecte d’autres, tant mieux ou tant pis ! Ce n’est pas c’est mon but. Ma  rébellion n’est pas face à des gens, elle est face à moi-même parce que j’ai envie de me rebeller envers ce que j’ai fait depuis 25 ans ! C’est aussi le travail sur soi-même de déconstruire ce qui est acquis. C’est tellement plus facile de juste se dire que rien ne change, c’est presque automatique. Mais j’avais envie faire un projet spécial, de juste jouer c’est facile. C’est tout le travail est avant qui est difficile. Mais j’avais envie de me mettre dans cette position-là. C’est comme s’il y a une partie de moi-même qui se rebelle. J’ai d’ailleurs mis un petit peu toutes mes collègues dans cette affaire et c’est comme si je les ai convaincues qu’il faut se rebeller en tant qu’orchestre. Parce qu’on doit prendre notre place, parce que la place elle est pour celle qui la veut et que si on reste sur les côtés on va rester sur les côtés et nous on veut être un acteur majeur dans le portrait culturel québécois !

Une programmation vaste et novatrice

Afin d’ouvrir la saison, le maestro a décidé d’ouvrir avec la bien connue 9e symphonie de Beethoven. Par contre, il décide d’y amener la couleur de l’orchestre, en remaniant le quatrième mouvement pour remplacer la fameuse Ode à la joie de Friedrich von Schiller par l’un des poèmes de non-pas le moindre Louis-Philippe Hébert. La symphonie sera aussi chantée en français, Innue, créole et Hébreux. Puis chaque mouvement sera alterné par des chansons symphonisées interprété par la magnifique Yama Laurent, Sharon Azrieli et Brendan Friesen accompagnée par plusieurs chorales gospel. Le tout afin de permettre à l’orchestre et au public de se réapproprier cette symphonie tant appréciée. C’est tout de même un choix risqué, pourtant Da costa se montre confiant. Il nous explique qu’avant que la musique classique devienne autant formalisée, à l’époque, les foyers souvent s’appropriait les chansons afin d’en refaire leurs interprétations c’est donc un peu comme un retour aux sources pour l’orchestre.

un des membres de l’orchestre Philharmonique du Québec
Crédit photo : Ariane Monzerolle, prise lors de l’événement

Un autre concert bien attendu est La passion selon Saint-Mathieu, ce concert habituellement à connotation religieuse tentera de plutôt faire vibrer nos âmes vers une société plus inclusive, l’extravagante Rita Baga sera la soliste et narratrice principale de cette œuvre. Elle ne sera tout de même accompagnée par nul autre que La bronze et Victor Valdez. J’ai bien hâte de voir comment cette œuvre sera adaptée afin de la rendre plus actuelle !

Je ne pourrais pas faire un tour de la programmation sans mentionner le spectacle Cinco de Mayo qui sera sous la direction du chef invité Miguel Salmon Del Real. Nous pourrons entendre les magnifiques voix de la famille Figueroa et Victor Valdez, un spectacle qui promet d’être flamboyant, unique et authentique. Un beau moment en vue. Le tout se terminera par un spectacle hommage au compositeur italien Ennio Morricone. Compositeur influant des dernières décennies, on reconnaitrait ses différentes trames sonores de film tel Il était une fois de l’ouest ou Le bon, la brute et le truand. Le tout sera porté par les voix de Geneviève Leclerc et Michaël Girard dans une ambiance qu’on promet d’être extravagante et légèrement pompeuse.

Finalement, un autre spectacle bien attendu est celui qui mettra King Melrose contre le Maestro Da Costa dans un affrontement du classique contre le pop. Un spectacle qui semble bien prometteur avec des reprises de Mozart et Elvis Presley. Ce dernier spectacle fait partie de la série Stradivarius.

prommotion de la programmation de l’orchestre Philharmonique du Québec
Source : Communiqué de presse de l’orchestre

L’orchestre Philharmonique du Québec en est peut-être à sa première année, mais on peut s’attendre à voir un orchestre mature et différent. Iels ont appris de leurs expériences afin de prendre une plus grande place sur la scène culturelle en nous promettant une musique symphonique différente et unique. Iels nous proposent une programmation novatrice et beaucoup de projets inspirants. J’ai bien hâte de voir comment le tout va s’articuler et qu’est-ce qu’iels nous réservent pour le futur !