Une éclaircie électrique et réconfortante par temps hésitant

Par : Bruno Miguel Fernandes
Vendredi 9 mai. Une de ces soirées pluvieuses où le printemps joue encore au yo-yo entre manteau et camisole. Une soirée parfaite pour se réfugier au chaud et se réconforter avec une performance musicale. C’est exactement ce que proposait le Théâtre Beanfield, où The Blue Stones faisaient escale dans le cadre de leur tournée pour célébrer la sortie de leur plus récent album METRO.
Le duo canadien, reconnu pour son mélange percutant de blues rock et d’alternatif, offre depuis quelques années une proposition sonore aussi rugueuse qu’envoûtante. Une collision bien maîtrisée entre hargne contenue, introspection lyrique et rythmes ensorcelants. Avant que The Blue Stones ne fassent vibrer la scène, c’est The Darcys, un autre duo canadien, qui a pris soin d’allumer l’étincelle.
Désinvolture intègre et complicité en crescendo

C’est avec une nonchalance assumée que The Darcys font leur entrée sur scène, un mélange d’autodérision et de cool presque caricatural, mais jamais désagréable. Les premières chansons, portées par des pistes d’accompagnement, laissent entrevoir une performance simple et accessible. Le guitariste se contente de rythmes sobres, tandis que la batterie, bien que solide et précise, manque un peu de nuance ou de moments marquants.
Mais à partir de 1986, le duo passe à la vitesse supérieure. Le chanteur-guitariste prend plus de place musicalement, lançant des riffs dynamiques, tandis que le batteur complexifie son jeu : changements de tempo, transitions plus étoffées et riches. C’est là que leur statut de duo prend tout son sens! On sent la communication, la complicité, et l’envie de pousser un peu plus loin.
La salle commence alors à se détendre, sourire, hocher de la tête. Leur son, quelque part entre le rock alternatif et le rock anglais des années 2000, trouve un bel équilibre entre l’énergie du rock et l’efficacité pop. Il est clair que les membres du groupe ne se prennent pas trop au sérieux, mais qu’ils prennent leur musique au sérieux. À travres une présence scénique presque théâtrale par moments, The Darcys livrent une performance qui amuse et réchauffe adéquatement la foule pour ce qui s’en vient.
Secouer la rouille, raviver l’âme
C’est avec Your Master que The Blue Stones ouvre la soirée, plongeant immédiatement la salle dans une ambiance à la fois brute et envoûtante. Pas besoin d’artifices : une scénographie minimaliste portée uniquement par des jeux de lumière suffit à créer une atmosphère captivante. Les rouges et bleus, clin d’œil évident à la pochette de METRO, teintent la scène d’un éclat feutré, presque cinématographique. La lumière parfois tamisée ou en contre-plongée ajoute à la performance une intimité hypnotique, accentuée par le rouge translucide de la batterie, presque magique sous les projecteurs.
Le chanteur impressionne par sa voix chaleureuse, profonde et précise, à la fois stimulante et réconfortante. Il explore un timbre légèrement vintage grâce à un micro au son réverbéré, qui enrobe ses paroles d’un voile doux, presque caramel. Des textes déjà poétiques, parfois même philosophiques, qui trouvent ici une texture sonore unique. New Immigrant dévoile le versant plus abrasif du groupe, tranchant et chargé d’une énergie brute, tandis que Healing et One by One laissent place à une émotion plus lumineuse, pleine d’espoir.
Et que dire du batteur… probablement l’une des meilleures performances de batterie que j’aie vues en concert. Solos déchaînés, puissance de frappe parfaitement dosée, transitions d’une précision parfaite : il devient l’architecte de chaque montée, chaque temps d’arrêt ou de silence, chaque explosion sonore. Impossible de ne pas le suivre des yeux dans son chaos contrôlé.
Il y a chez The Blue Stones une intelligence musicale fascinante : celle de composer pour deux. Leurs morceaux sont construits comme des dialogues entre guitare et batterie, où chaque riff, chaque rythme semble répondre à l’autre, comme si les instruments se comprenaient intimement. Des chansons à la fois denses et texturées, techniquement riches mais toujours accessibles. Des pièces qui donnent autant envie d’être écoutées attentivement que chantées à tue-tête.

La chimie entre les deux musiciens est indéniable. Leur complicité musicale constante leur permet d’injecter nuances et spontanéité dans chaque morceau, avec une sincérité palpable. Le rappel, qui était tout aussi généreux en énergie qu’en chansons, incluait Black Holes(Solid Ground), Let it Ride, Rolling With the Punches, pour culminer sur Shakin’ Off the Rust. Le chanteur entame ce dernier morceau au piano, initiant un crescendo partagé avec une foule galvanisée, chantant en chœur ces paroles de résilience qui résonnent encore longtemps après la dernière note. Une énergie qui, pour ma part, me porte encore aujourd’hui.
Si vous avez l’occasion d’attraper The Blue Stones sur leur tournée METRO, ne la laissez pas passer. C’est l’occasion de découvrir deux musiciens en parfaite symbiose, dont l’énergie fait trembler les murs autant qu’elle nourrit le cœur.