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The Art of the Teese : les belles années du burlesque

Dita von Teese séduit les Montréalais

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©Frank Rodrick/Facebook de l’artiste

Par : Maxime D.-Pomerleau

C’est dans une ambiance feutrée, et paré de son lourd rideau de velours bleu nuit, que le MTelus a présenté l’un de ses premiers spectacles, The Art of the Teese, revue burlesque produite par la reine de l’effeuillage elle-même, Dita von Teese. Robes de satin blanc, vestons et barbes soignées, coiffures élaborées, plumes et paillettes habillaient la foule, majoritairement composée de femmes, venue voir la reine d’Instagram, qui faisait un arrêt à Montréal. Sa dernière présence dans la métropole remonte au 21 février 2016, lors d’une représentation du Grand Cabaret Burlesque. Spectacle inégal à l’époque, et qui laissait à désirer sur plusieurs plans, on était en droit de s’attendre à une proposition plus relevée dimanche soir. L’artiste a définitivement surpassé les attentes, avec un spectacle rodé au quart de tour, qui remettait la tradition burlesque au goût du jour. On voyait sa rigueur et sa touche artistique personnelle derrière le choix des numéros présentés.

Saluons le talent de l’animateur de la soirée qui, d’emblée, souhaite la bienvenue aux femmes, aux hommes, et à « tout ce qui est entre les deux», reconnaissant la fluidité de genre et mettant au clair, de ce fait, que nous célébrons ce soir la diversité de la sexualité, qu’elle soit hétérosexuelle ou LGBTQ+. Son franc parler, son humour, sa grande classe et sa boutonnière en diamants ont tôt fait de conquérir l’audience et de transformer ce qui devait être des temps morts, en temps franchement vivants. Deux hommes accompagnaient la diva, Alek T. Paliński et Eliezer Martinez, remplaçant les traditionnelles stage kitten. Ils ont été, tout le long du spectacle, pour le plus grand plaisir des dames, bien instrumentalisés.

Pour le premier acte, Dita von Teese a présenté son mythique numéro Le bain, qui avait clos le Grand Cabaret la dernière fois. Cela en dit long sur le calibre des numéros auxquels nous aurions droit durant le spectacle de deux heures. Armée de sa robe composée de 250 000 cristaux Swarovski, elle est apparue en Marilyn Monroe, avec sa parfaite perruque platine, retirant ses vêtements langoureusement, avant de se baigner dans la coupe de martini géante, remplie de véritable champagne! De quoi émoustiller le public, qui s’égosillait devant tant de chair.

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©Facebook de l’artiste

Le deuxième acte mettait en scène la star internationale Ginger Valentine, dans un numéro classique de Dita von Teese. Avec ses cambrures opérées dans le cœur géant rouge qui trônait au milieu de la scène, la danseuse incarnait à la perfection l’imagerie de la pin up qui faisait rêver les soldats. Soulignons ses souples acrobaties, qui ont fait frissonner de plaisir l’assistance. Le troisième numéro nous ramenait à un certain exotisme post-colonialiste, avec l’Australienne Zelia Rose, parée d’une imposante coiffe à plumes jaunes, de fourrure et de bananes autour de la taille. Se déhanchant d’abord sur une musique de percussions, elle s’est ensuite transformée en danseuse de charleston. C’était old school, tant dans la présentation que dans les choix musicaux.

Notre maître de cérémonie gay as hell a ensuite procédé à une annonce d’intérêt public sous forme de chanson, pour prévenir les filles de ne pas tomber en amour avec leurs fantastiques amis gay. Il avait troqué son éventail pour un plus gros, un peu plus c’était un paravent! Le dernier acte avant la pause fut le retour de Dita, en brune cette fois-ci! Dans un décor de chambre kitsch aux tons de lilas, comme son manteau, la star américaine a fait l’apologie de la paresse, dans un numéro intitulé Lazy. Bien que le lip sync était peu convainquant, les chorégraphies des deux hommes de main de Dita équilibraient le tableau, qui rappelait de manière juste les comédies musicales de l’époque pré-La La Land.

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©Facebook de l’artiste

Au retour de la pause, Dita von Teese a mis en valeur d’autres parties de son corps – ses mollets – exécutant quelques pointes dans un numéro du ballet du Lac des cygnes, aux côtés de ses hommes. La finale avec les éventails de plumes noires et rouges était particulièrement réussie, évoquant tour à tour les plumes de l’oiseau, et le tutu droit qu’elle portait quelques minutes plus tôt. On a ensuite eu droit à un peu d’objectification masculine old fashion. On l’oublie souvent, mais les hommes aussi se produisent dans des cabarets burlesques. C’est tout un numéro que nous a offert Jett Adore en séduisant Zorro, maniant adroitement la cape pour ne dévoiler que ses muscles fessiers. Parés de pastilles sur les mamelons, d’un masque et de bottes scintillantes, il a gardé le clou pour la fin : un long cache-sexe en diamants, qu’il se plaît à agiter, avec des mouvements de hanches suggestifs. La foule hurle, quelque part entre l’amusement et l’excitation sexuelle. Enfin une équité en matière de nudité et d’objectification du corps!

Notre maître de cérémonie commence à peine à se remettre de ses émotions que Zorro revient sur scène, et nous achève, d’un coup de cape révélateur. Le numéro suivant est ludique et profondément satisfaisant. Attentions, courbes dangereuses à l’horizon, pour la pulpeuse Dirty Martini! Dans son costume à froufrous pastels, la belle New-Yorkaise a titillé la foule avec ses courbes généreuses et sa démonstration d’équitation sur un cheval de carrousel. Un exemple concret que la taille du corps ne compte pas lorsqu’on manie bien les codes de la séduction, les haussements d’épaules invitants et les regards aguicheurs. #bodypositivity all the way!

Un des moments forts de la soirée était le Walk off, mené de main de maître par notre animateur. Trois personnes du public ont été invitées à parader sur scène, à la manière Tyra Banks et Ru Paul. Sur de la musique dance pop, on a eu droit à trois transformations énergétiques, où la timidité a laissé place à la hardiesse, récompensant les danseurs amateurs. Avec leurs mouvements imprégnés de voguing, David, Novacaine et Vicky ont suscité autant de cris de la foule que les vrais performeurs du spectacle.

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©Facebook de l’artiste

Pour le dernier numéro, la femme au million de diamants nous a transportés dans un western spaghetti, en plein désert. On s’attendait à entendre Bang Bang, my baby shot me down, mais madame la shérif n’est pas sortie du style traditionnel, et c’est sur des notes de jazz qu’elle a commencé à retirer son pantalon et son étui à pistolets. Bang bang, tout de même, car on aura rarement vu quelque chose d’aussi sexy que Dita von Teese presque totalement nue, cambrée sur son taureau mécanique. La belle savait comment maîtriser la bête matelassée, alors que les deux hommes étaient affalés chacun sur la clôture et le cactus. Bang bang, les canons ont lancé des tonnes de confettis sur le corps de la reine, et ses sujets au parterre, de quoi finir en beauté la soirée.

The Art of the Teese regroupe les meilleurs artistes de la scène burlesque internationale, qui démontrent soir après soir que l’art du tease ne tient pas dans une forme de corps donnée, mais dans la fierté qu’il nous apporte de l’exhiber. La puissance de Dita von Teese ne réside pas au fait qu’elle se dénude, mais dans le fait qu’elle soit sur scène. Dans cette ère de dictature de la beauté et où être sexy ne se présente que sous la forme d’un seul modèle malsain à adopter, le burlesque réitère sa pertinence comme forme d’art transgressive.

#ArtoftheTeese

Photos : ©Facebook de l’artiste

Texte révisé par : Annie Simard