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Tapis rouge du Premier Gala de l’ADISQ 2019.

L’occasion de converser avec les vedettes québécoises.

©Maryse Phaneuf/MatTv.ca

Par : Myriam Bercier

Mercredi le 23 octobre a eu lieu le tapis rouge Premier Gala de l’ADISQ. Qui dit Gala dit occasion pour les vedettes de porter leurs plus belles tenues, d’avoir la possibilité de remporter des prix et de répondre aux questions des journalistes.

J’y étais, et je leur ai posé la question suivante : «Dans l’industrie musicale, est-ce qu’il y a des éléments ou des événements des dernières années que vous aimeriez changer?» Voici les réponses que j’ai reçues.

Pierre Lapointe : «La chose que je changerais, ce n’est pas l’identité, ce n’est pas la diversité, tout cela pour moi marche, c’est même étonnant que dans une si petite nation, on réussisse à avoir cette qualité de musique-là et cette diversité-là. Non, c’est vraiment l’histoire que là on est en train de se mourir. Juste pour donner des chiffres clairs pour réveiller un peu les gens à notre réalité : pour un million d’écoutes sur Spotify de Je déteste ma vie, qui est une de mes chansons les plus écoutées, j’ai fait paroles et musique et en tant qu’auteur-compositeur, je touche 580$ pour un million d’écoutes. Là il faut comprendre que si on avait vendu ne serait-ce que la moitié de ça en album, donc 500 000 albums, j’aurais touché facilement 200 à 300 000$. Donc, y’a un réel problème. Spotify, par exemple, vaut une fortune. Le logo de Spotify, la valeur de ce logo-là s’est fait sur le dos de tous les créateurs de contenu de la planète. Donc, au Québec, au Canada, on s’est fait volé. Et le Gouvernement canadien en permettant à ces compagnies-là déjà de ne pas nous rémunérer à notre juste valeur, de nous donner notre propre part du gâteau, en plus, accepte que ces compagnies-là ne paient pas d’impôts chez nous. Nommez-moi une compagnie canadienne ou un particulier au Canada qui fait de l’argent et qui ne paie pas d’impôts. On va le chercher longtemps et on risque de le retrouver en Cour ou en prison. Pourquoi ces compagnies-là ne paient pas d’impôts? Je ne sais pas. Et c’est pour ça que je pense qu’il faut talonner le gouvernement et lui dire «là, c’est assez». L’industrie de la musique a été la première industrie à gueuler haut et fort que ça ne fonctionnait pas, il y a à peu près 15 à 20 ans. Personne ne nous a écouté. Maintenant, c’est les chauffeurs de taxi, c’est les médias qui sont vraiment une parti importante de l’équilibre démocratique dans un pays, c’est le commerce au détail, c’est l’hôtellerie, c’est les agences de pubs aussi, parce que là il n’y a plus de pubs qui se vendent, on est tous dans la merde. Donc là ce n’est plus une histoire de chanson là, c’est une histoire de Canadiens. Et moi en tant que Canadien, je suis en criss de savoir qu’il y a des gens qui font beaucoup trop d’argent pour leur réel besoin et qui ne paie pas d’impôts. Je ne comprends pas ça. Donc, c’est ça, c’est ce que je changerais en ce moment, mais je ne le changerais pas juste dans la musique, je le changerais partout.»

Paul Daraîche : «Je tuerais internet! Je m’arrangerais pour faire disparaître internet parce qu’on crève depuis ce temps-là les auteurs-compositeurs. On écrit pour rien. Moi je fais bien des spectacles, mais si quelqu’un fait juste des disques et n’a pas des spectacles, il est fini. Les auteurs-compositeurs crèvent de faim, ils sont finis. S’ils ne sont pas interprètes, s’ils ne chantent pas, s’ils n’ont pas de spectacle, ils sont faits. Moi j’ai bien des spectacles, ça me touche moins, mais mon côté auteur-compositeur c’est désastreux; on ne reçoit plus rien.»

Les sœurs Boulay : «Moi je changerais toutes les fois où des gens vont à la télé et se font chier dessus après parce qu’ils ne se sont pas habillés convenablement ou parce qu’ils ont dit un mot de trop, ou parce qu’ils ont sacré ou qu’ils ont dit un anglicisme. Moi je me rends compte qu’avec le temps je deviens de plus en plus frileuse à m’exprimer à la télé à cause du «hate» sur les réseaux sociaux. Moi je pense que c’est ça que je changerais, la réception des gens et la méchanceté des gens par rapport à ce qui se passe à la télé justement.»

Martine Saint-Clair : «Le spectacle de la Saint-Jean, j’y ai participé l’été dernier à Québec, c’était vraiment vraiment survolté, une belle énergie, mais j’aimerais ça le faire sur plusieurs jours, pas tout concentré, le 24. On en ferait un début le 22, un début le 23, un début le 25.»

Charles-Richard Hamelin : «Ce que Pierre Lapointe a dit dans son numéro d’introduction sur le gouvernement qui prend beaucoup de temps à agir pour redonner un peu aux artistes ce qu’on a pris avec le streaming, l’argent qui va partout sauf à nous autres. Je consomme le streaming comme tout le monde, tu sais, le consommateur gagne là-dedans. Mais il faut qu’on trouve un autre paradigme, il faut que quelque chose change pour que les artistes reçoivent plus de pourcentage de cela, car ça ne peut pas continuer ad vitam æternam sinon le contenu va en souffrir. C’est la grande crise maintenant. En classique on est aussi affecté que tout le monde; on est chanceux parce que notre public est un peu plus vieux donc il achète encore un peu plus de CDs, mais on en a juste pour quelques années encore. Donc il faut vraiment que les choses changent.»

Dominique Fils-Aimé : «Je ferais que tous les galas soient ouverts à tout le monde gratuit, tout le temps. Que tous les artistes soient les bienvenus partout, puis qu’on enlève les espèces de barrières qui peut y avoir qui font que les gens ne sont pas bienvenus quelque part. Je sens qu’il y a du monde qui ne se sent pas les bienvenus ou qui ne se sentent pas invités. C’est une réalité et c’est normal qu’il y aille des places limitées, mais en même temps on peut toujours trouver moyen d’accueillir plus.»

Alexandra Stréliski : «C’est sûr que je trouve que les femmes sont là, mais les femmes ne gagnent pas; c’est encore un problème pour moi. Je trouve que ça met du temps à changer. Mais sinon, l’industrie musicale est remplie de gens qui travaillent fort, de beaux événements, c’est des gens qui font ça avec cœur. Jamais je dirais que je changerais telle affaire parce que c’est vraiment des gens qui travaillent fort. Plus de femmes, plus de minorités visibles, plus d’inclusion.»

Hubert Lenoir: «Plus de parité, plus de femmes, plus de personnes trans, plus de personnes différentes, plus de choses qu’on entend pas souvent, plus de street rap, plus de plus, plus de tout, plus tout le monde plus, plus des Deux Frères, plus d’Alex Nevsky, plus d’Alaclair ensemble, plus d’Hubert Lenoir».

Elisapie : «Moi qui est une femme autochtone, c’est sûr que j’aurais beaucoup de choses à dire là-dessus, mais je pense que l’ouverture; un peu plus d’ouverture, car on est très diversifiés au Québec, déjà au Canada. Mais je pense que c’est quelque chose qui commence tranquillement à changer; réaliser que les autochtones ne sont pas juste dans des réserves ou dans les igloos ou whatever, on est là dans des villes, on fait des créations qui sont assez torchées, il se passe des choses. Ouais, continuer à garder cette ouverture-là. Mais oui, il y a une grande différence entre les hommes et les femmes, entre les autochtones et les non-autochtones, mais on est positif et on est là.»

Marie-Michèle Desrosiers : «La rémunération des auteurs-compositeurs et des gens de l’industrie qui n’est pas suffisante, qui n’est pas adéquate, qui n’a pas été assez renouvelée, rénovée et au goût de la technologie actuelle. Sinon, je trouve qu’il y a des artistes extraordinaires, il y a tellement tellement de bonnes chansons, bons auteurs-compositeurs, de bons interprètes, des bons bands, plein de choses intéressantes en ce moment.»

Millimetrik : «Reconnaître le statut de musicien comme un travail. Déjà en partant, quand tu regardes en Europe il y a une reconnaissance du statut de musicien. C’est considéré comme un travail. Au Québec la musique c’est une passion et un passe-temps. On se fait tellement dire souvent quand «est-ce que tu vas te trouver une vrai job?» Ce n’est pas normal surtout dans les milieux plus petits. Je repense à quand j’ai commencé en 2003 à Québec à faire de la musique électronique avec une petite radio-cassette, il y a personne qui te prend au sérieux. Tu peux pas leur dire que c’est ça ta carrière, impossible. Comme je disais plus tôt, on a habitué les gens dans les dix dernières années à ce que la musique soit gratuite, mais consommée partout autant en live que dans les festivals comme les Francofolies où il y a des gros spectacles à grandes envergures gratuits. Juste conscientiser tout le monde à que ça l’a un prix, la musique. Tout ça, ça pourrait aider à ce que les gens comme moi continuent.»

Sarahmée : «Que les gros gros festivals où il y a aussi des artistes américains mettent aussi des artistes québécois plus que c’est déjà le cas. Il y en qui sont plus axés sur l’international, il y a des grosses stars qui viennent, ce serait cool qu’on mette des artistes de différents niveaux qui performent aussi avec ce public-là. Ce serait chouette.

Wesli : «C’est sûr qu’il y a des choses à améliorer surtout dans l’industrie musicale. Il y a tellement de musique, il y a tellement de bons artistes que si on veut rendre justice on doit s’adapter, on doit essayer de marcher avec eux. J’aimerais qu’il y aille beaucoup plus d’accompagnement financier pour les musiciens et aussi que les musiciens soient capable de vivre de leur art. C’est sûr que j’aimerais que ça change. J’aimerais aussi que le Québec aille sa propre façon de rémunérer ou quantifier la valeur d’un artiste pour qu’un artiste soit capable de vivre parce que nous avons tellement beaucoup de richesse ici que je ne veux pas que ça tombe et que ça meurt.»

Sylvain Cossette : «J’aimerais revenir 10 ou 15 ans à l’arrière et mettre un frein au vol des albums. Maintenant on donne les albums. C’est sûr que si on avait été capable d’empêcher tous les logiciels qui sont venus donné la musique gratuitement. Moi je viens du temps où on vendait des disques, les gens aimaient consommer le disque. Maintenant les gens aiment avoir le disque gratuit donc c’est sûr que je reviendrais en arrière là-dessus. Le streaming, c’est bien le fun, mais tu joues 8 millions de fois, ça te donne environ 12$ dans ton compte. Moi je n’ai pas de problème avec ça, ma vie va bien, mais la musique émergente, les nouveaux artistes, je ne sais pas comment ils font, ils n’ont plus de possibilité de vivre de leur art, à moins d’avoir un succès extrêmement fort.»

Marie-Élaine Thibert : «Moi je pense que oui, il y a des choses à changer, mais il faut que tous les artistes rentrent là-dedans pour qu’on change les choses. Les artistes qui sont déjà établis vont oser plus, se regrouper pour former quelque chose de fort. Mais y’en a toujours qui ne veulent pas aller au front. C’est comme pour La Guilde : ils veulent des meilleures conditions, mais il y a toujours de jeunes musiciens qui disent «ah, ce n’est pas grave, je ne serai pas payé Guilde».

Alaclair Ensemble : «Dans l’événementiel, il y a beaucoup à créer au niveau de la culture de l’événementiel, qu’est-ce qu’on peut créer comme environnement autour de ce qu’est un spectacle, que ce soit de notre côté les artistes ou de l’accueil de l’auditoire qui arrive, des settings. J’encouragerais les promoteurs à être créatif au niveau des settings différents de spectacles, combinés avec des activités sportives. On a goûté à ça cette année, je trouve que ça a été vraiment des gros éclairs de génie de jumeler ce qu’on appelle des spectacles de musique à quelque chose qui peut être bien pour toute la famille ou un prétexte pour faire autre chose. Sinon, continuer à remettre en question leurs approches traditionnelles, peu importe qu’ils soient dans le domaine de la radio, de l’événementiel, etc. On voit dans les dernières années certains préconçus un peu plus dans les années 2000 qui était de mise dans l’industrie et puis tout d’un coup on les repense, on les modifie. Mais pourquoi pas se souhaiter dans les 10 prochaines années plus de prévention plutôt que de guérison. Le rap au Québec est dans une meilleure position qu’il y a 10 ans. Mais qui en ce moment vit la position que le rap vivait il y a 10 ans au Québec? Le rap est en train de prendre sa place, il y a des gens dans l’industrie musicale qui aide beaucoup à ça, mais il reste du travail à faire. Probablement que le rap n’est pas le seul; nous c’est ce qu’on connaît. Souhaitons-nous de pas avoir à réparer cette zone-là, tentons de prévenir.»

Les Louanges : «Je pense que des fois la jeunesse n’est pas tout le temps là; elles ont de la misère à aller la chercher les grandes institutions. Il y a deux mondes parallèles (entre le mainstream et ce qu’on peut considérer comme plus underground) et finalement le grand public est juste un public; c’est comme s’il y avait deux publics parallèles. Après la solution j’en ai aucune idée c’est quoi. Au moins il y a des gens qui sont super actuels, qui sont nommés, qui gagnent des prix, donc je pense que c’est un super move. Je ne sais pas trop. Il faudrait trouver une manière de réconcilier. Il faut s’ouvrir à tout le monde, donner la parole à plus de personnes, mais tout le monde essaie!»

Ines Talbi, représentante de l’équipe de La Renarde, sur les traces de Pauline Julien: «C’est sûr que la parité j’aimerais ça qu’il y ait un plus grand effort. Après, moi j’ai créé un spectacle en mettant en scène des femmes parce que c’était une paroles de femme, et je n’ai pas vraiment eu l’impression que ça a été moins retenu parce que c’est femme, pas tout le temps en tout cas. Ce que je dirais c’est que ce que je voudrais changer c’est la vision télévisuelle, les médias qui ont de l’influence. Le propriétaire de Septième Ciel en a parlé par rapport au hip-hop : ça serait bien que les radios et la télé prennent plus de risque et offrent plus de diversité à leur public. Je pense que leur public en veut de cela; il veut juste découvrir mais il faut leur permettre de découvrir. Je pense que ça devrait être leur mission : plus de musique féminine, dans le sens de femme, plus de musique queer, plus de hip-hop, plus de québ, plus de diversité.»

Crédit photo : ©Maryse Phaneuf/MatTv.ca