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Sigur Rós à la Place des Arts : là où il fallait être

Critique du concert de Sigur Rós

Crédit photo : Tim Snow

Par : Annie Dubé

C’était un voyage, et l’avion a décollé. Le 10 juin 2022, le groupe Sigur Rós était en concert à la Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts, mais on se serait cru dans un poème son et lumière.

Il me semble que ça faisait un bail que je n’avais pas vu une performance dépourvue de narcissisme. On baignait en pleine communion artistique où l’introspection musicale nous lie tous ensemble.

Avec des projections vidéo derrière la scène, hybrides, entre l’abstraction et le concret, qui rappelaient dans son ensemble un alliage des quatre éléments par leurs couleurs et leurs thèmes (l’eau, le feu, la terre, l’air) avec des scènes de silhouettes d’oiseaux, de gouttes d’eau et de nageurs, de feu qui explose en fines particules de flammèches, des autoroutes étourdissantes; l’Islande et son aura mi-sauvage mi-branchée sont venues à nous. La preuve? Le chanteur s’est adressé à la foule en islandais! Bien sûr, on n’a rien compris du tout, mais on était contents de l’entendre.

Parce que s’il y a bien une chose qui décrit cette performance, c’est l’authenticité. On sent l’intégrité artistique à plein nez. Il me semble que c’est de plus en plus rare… mais c’est peut-être la nostalgie d’une autre époque.

Il n’y avait pas d’époque hier soir au concert, nous étions dans une sorte de transe hallucinatoire par moments, entre les éclairages parfois enchanteurs, parfois électrisants. Puis, soudainement, nos sièges faisaient vibrer la basse de nos cœurs, on raisonnait sur nos fauteuils dans cette puissance intense, sans jamais tomber dans le cliché des spectacles rock. C’était une sorte… d’ambiance progressive en progression. Oui, c’est ça, le progrès. On ne savait jamais deviner la prochaine note avec certitude. On était dans le moment, suspendus à leur énergie.

Il y a même eu un entracte, alors qu’il n’y avait pas de première partie. Je n’avais pas souvenir d’avoir déjà vécu ça avant dans un concert du genre.

Sigur Rós  : entre l’ombre et la lumière de nos états de conscience

Le chanteur et guitariste Jón Þór Birgisson, muni de son archet, était un instrument à lui seul, multiplié par la force du bassiste Georg Holm, de Kjartan Svein au clavier et d’Ólafur Björn Ólafsson à la batterie. Sa voix, d’aucuns diraient qu’elle est divine, mais si vous voulez savoir, moi je pense que c’est le divin qui tente de l’imiter.

Parfois, je me disais en les entendant que j’étais en plein milieu d’un jardin, là où naissent les lucioles, et que chaque fois qu’ils terminent une chanson pour en débuter une autre, la lueur d’une fée Clochette prend vie quelque part.

Envoûtant, ce concert a soulevé la foule durant la seconde partie. On pouvait voir le chanteur crier de manière inaudible hors micro, disait-il : « Montréal »? Peu importe, on ne l’entendait pas dans nos oreilles, mais sa simple expression faciale avec la bouche en O suffisait pour nous communiquer quelque chose d’important. Il nous indiquait que nous étions tous bel et bien vivants.

Lors de l’ovation finale, les membres du groupe sont revenus sur scène, non pas pour se faire applaudir, on dirait, ce qui était définitivement le cas – car les fans ont investi dans le bonheur d’un moment – mais bien pour nous applaudir, nous, le public. Ce n’était pas de la courtoisie : Montréal et Sigur Rós ont trippé ensemble, hier soir.

Liste des chansons :

Partie 1
1. Vaka
2. Fyrsta
3. Samskeyti
4. Svefn-g-englar
5. Rafmagnið búið
6. Ný batterí
7. Gold 2
8. Fljótavík
9. Heysátan
10. Dauðalagið
11. Smáskifa

Partie 2
12. Glósóli
13. E-Bow
14. Ekki múkk
15. Sæglópur
16. Gong
17. Andvari
18. Gold 4
19. Festival
20. Kveikur
21. Popplagið

Crédit photo de couverture : Tim Snow

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