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Serena Ryder fait de la vie une utopie

 Une soirée passionnée et généreuse

serena1© Courtoisie

Par : Marie-Claude Lessard

Alors que la place des Festivals fourmillait de gens lors de la journée de clôture du Festival international de jazz de Montréal, le Métropolis accueillait des festivaliers timides préférant s’installer dans les sections assises plutôt que de s’éclater et danser tout près de la scène. Cela a donné lieu à une image plutôt déconcertante et inusitée, surtout que le menu 100 % canadien, torontois pour être plus précis, annonçait une soirée fort entraînante. Donc, en guise de première partie, le groupe Fast Romantics a éprouvé du mal à faire lever la foule. Heureusement, la magnifique Serena Ryder a vécu tout le contraire…

Il faut mettre au clair que les romantiques précoces n’ont pas offert un mauvais spectacle, loin de là. Le fait que la formation ne détienne pas de succès radiophonique l’a désavantagée devant un public majoritairement composé de gens de plus de 40 ans qui semblait très peu ou point connaitre leur répertoire. Néanmoins, les six membres ont livré avec conviction neuf titres à saveur rock folk issus de American Love, leur quatrième opus paru en avril dernier. Parmi les moments forts, retenons le texte pince sans rire de Ready for the Night, la sympathique Julia et le solo de trompette dans Heaven’s Alright joué par la versatile Lauren Heron. Cette dernière possède d’ailleurs une douce petite voix très agréable, mais qu’on a hélas peu entendue.

Parlant de voix qu’il fait bon savourer, Serena Ryder, s’avançant lentement dans la pénombre, a débuté sa partie avec un prologue minimaliste dévoilant toute sa puissance. Les fans les plus endurcis ont rapidement reconnu l’introduction officielle de Stompa qui a révélé Serena au Québec en 2013. Bénéficiant même d’une version française, ce succès louangeant le pouvoir libérateur de la musique a effectivement déchaîné le public qui ne s’est pas fait prier pour scander les paroles. Affichant un large sourire, la sensationnelle chanteuse de 34 ans, armée de sa guitare électrique et de cordes vocales inépuisables, a parcouru de fond en comble la scène avec une énergie folle, tellement qu’on avait parfois l’impression d’être emporté dans un tourbillon de franges et de ceintures argentées prodigué par son manteau et ses bottes lui conférant des airs de cowgirl moderne.

Depuis son premier album Falling Out sorti en 1999, l’artiste récipiendaire de plusieurs Juno se démarque en abordant l’ivresse du désir amoureux et la douleur incommensurable des ruptures à l’aide d’une plume franche axée sur le champ lexical de la nature enrobée d’un son folk qui transporte dans un état tantôt déchirant tantôt serein. Son septième effort intitulé Utopia, qui est atterri dans les bacs le 26 mai 2017, ne fait certainement pas exception. Serena a présenté coup sur coup trois extraits de ce fabuleux disque : Me and You, Firewater et Hands, une chanson traitant de l’importance d’avoir des alliés, particulièrement chère aux yeux de sa créatrice.

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© Courtoisie

Elle a par la suite interprété un autre succès ayant hérité d’une piste traduite dans la langue de Molière, soit What I wouldn’t do qui agrémente depuis quelques mois une publicité télévisée d’une célèbre institution financière. D’ailleurs, Serena s’exprime plutôt bien en français. Pendant son concert, elle a manifesté son souhait d’avoir un verre de vin rouge avant de déclarer : « Santé, tout le monde! » Mignon.

Le ton s’est adouci avec la magnifique Sanctuary, qu’elle a offert assise sur le bord de la scène, extrêmement proche de ses admirateurs qu’elle a regardés profondément dans les yeux et touché furtivement tout au long des 90 minutes de son spectacle. Elle s’est montrée généreuse avec le public, et cela n’a point semblé forcé.

Elle a continué de faire l’étalage de son savoir-faire sur la planante Wild and Free et un impressionnant medley acoustique incluant Loving You, It’s no Mistake et son premier hit Weak in the Knees que bien des gens savaient encore sur le bout de leurs doigts. Seule sur les planches, éclairée d’une petit lampe bleue et blanche, Serena a gratté sa guitare sèche comme s’il n’y avait pas de lendemain, chose qu’elle a reproduite sur la reprise de Sisters of Mercy de Leonard Cohen en rappel.

Du début à la fin, elle a atteint des notes aiguës et rauques sans jamais appuyer les émotions. Sa voix ainsi que ses gestes illustrant quelques vers des textes démontraient toute l’intensité avec laquelle elle ressent ce qu’elle chante et sa passion d’exercer ce métier. Sa capacité de passer à une chanson disco comme Wolves et plonger dans un état de détresse sur la sublime Baby Come Back avec la même authenticité était franchement fascinante et impressionnante. Mention spéciale d’ailleurs aux talentueux musiciens et choristes vêtus de rouge et d’argent sur ces morceaux.

L’adorable retenue dans ses brèves et peu fréquentes interventions avec le public, que certains spectateurs pourraient à tort percevoir comme de la condescendance, contrastait joliment avec l’aisance dont elle a fait preuve pendant la livraison de son matériel.  Au-delà des thèmes de prédilection de l’interprète, Utopia revêt une réflexion troublante sur les problèmes de santé mentale et toujours tenter de voir la vie du bon côté malgré tout. Ayant souffert de dépression après le succès fulgurant de son opus Harmony en 2013, Serena Ryder, doit également composer au quotidien avec la bipolarité. Ce besoin de retrouver qui est la véritable Serena marquent les chansons Killing Time et Saying Hello. Elle a d’ailleurs proposé cette dernière à Montréal. On la sentait particulièrement émue.

Sensibilité qui s’est transformée en défoulement lors de l’accrocheuse Got your Number, premier single d’Utopia. Le public a dansé, sautillé et crié le refrain à tue-tête. Issu d’Harmony, le titre Fall, aussi un hit radiophonique, a fait résonner le Métropolis.

Cette ambiance joviale a perduré avec le dernier rappel, Electric Love, nouvel extrait que nous pouvons fréquemment entendre sur les ondes de Virgin Radio. Ne reste qu’à espérer maintenant que cette pièce attire suffisamment la curiosité pour qu’elle devienne un incontournable qui devra impérativement trouver une place dans la prochaine tournée qu’on attend déjà avec impatience.

Texte révisé par : Johanne Mathieu