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Quand les cœurs battent à l’unisson

Programme double Louis-Jean Cormier / Martin Léon

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© Martial Genest MatTv.ca

Par Maxime D.-Pomerleau

Les Francofolies, lieu de rencontres et d’expériences musicales extraordinaires, se sont surpassées en programmant Louis-Jean Cormier avec une formule solo de son spectacle Les passages secrets, suivi de Martin Léon, qui présentait Pleine lune, après une longue absence sur scène.

Une soirée où l’immensité du talent des deux hommes a traversé les atomes de chair de chaque spectateur, se logeant dans leur cœur battant à l’unisson.

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Louis-Jean Cormier : entre l’amour et l’accotement

C’est un Louis-Jean Cormier très taquin qui est arrivé sur la scène du Théâtre Maisonneuve mercredi soir, jouant avec les notions de déshabillage musical et de nudité qu’il ressentait en étant seul face à cette foule impressionnante. Mais, a-t-il dit, « Je me sens nu mais je suis bien, avec toi ». Plusieurs de ses interactions appuyaient sur cette complicité coquine établie avec le public, ravi de l’avoir à lui tout seul.

Il a commencé ça smooth, avec L’ascenseur, suivi de Bull’s Eye. Déjà à Transistors, on constatait que chaque pièce avait sa signature visuelle, et il faisait un bien immense de voir la délicatesse des jeux d’éclairage. Peu d’artistes y prêtent autant de soin. Une simple construction angulaire de tubes LED, avec quelques ampoules à leurs extrémités, des draps suspendus en arrière-plan pour de subtiles projections et une bonne utilisation des sides suffisaient pour donner l’impression que Cormier, pourtant seul avec sa guitare, investissait la scène en entier.

C’est une version étrange et décousue de Tout le monde en même temps, ponctuée de trous, de soupirs et de pont-levis déguisés en « ta yeule! », que nous a servi le chanteur. Un test de synchronisation ardu pour le public, qui a heureusement réchappé la fin de la chanson!

Les superbes Le pyromane et Moi-léger étaient aussi au nombre des chansons jouées, nous faisant faire un petit retour en arrière à l’époque de Karkwa. Les deux pièces se retrouvent sur leur dernier album, Les chemins de verre. En rappel, Louis-Jean Cormier nous a offert une nouvelle chanson, et a terminé avec une petite pour la route, Deux saisons trois quarts, évoquant au passage des souvenirs de Sept-Îles, d’où il est originaire.

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Martin Léon : l’homme sur la Lune

Martin Léon, accueilli comme le dieu des mots qu’il est, n’a pas perdu de temps avant d’y aller all in, comme on dit. L’éclairage donnait au groupe des airs de Voyage dans la lune, avec le contraste de couleurs pastels au devant, et d’ombres très noires à l’arrière. Une grosse lune surplombait également la scène côté jardin. J’ai peut-être été trop influencée par l’esthétique fragile et fantaisiste de Méliès, mais ce petit orchestre composé des amis et des collaborateurs de longue date de Martin Léon, et auxquels s’est joint Louis-Jean Cormier, me donnait l’impression d’être sortie d’une brèche dans l’espace-temps, seulement pour les Francofolies.

Une bonne partie de son spectacle était tirée du Show Laboratoire Exotique, ponctuée d’anecdotes et de vidéos du voyage en Asie qui a fortement inspiré Les atomes. Un habile stratagème de déconstruction de ses chansons pour avoir accès aux pensées du créateur, au-delà de la rime et de la strophe. Armé de son pointeur laser, et nous montrant des pistes d’enregistrement, c’est ainsi que Léon a entonné L’invisible. Comment rendre visible ce flot de questions, d’impulsions et d’inspirations? Seul Martin Léon en a le secret, et réussit à nous faire vivre ce qu’il vivait lui-même au moment d’écrire ses chansons.

Prends-moi tel quel, puis Sur tes seins (ma préférée) nous ont permis d’apprécier les harmonies vocales des musiciennes, avec leur voix hypnotisante. Superposé à une série d’extraits de films de série B asiatiques en noir et blanc, le hit de Kiki BBQ C’est ça qui est ça s’est transformé en karaoké. Dos au public qui tentait de suivre le rythme, alors que tous étaient distraits par les morts horriblement joués qui se déroulaient à l’écran, le chanteur a su créer un sympathique tableau, trop court hélas, la pièce faisant à peine deux minutes. J’exige maintenant un coffret de toutes les chansons de Martin Léon transposées en karaoké. S’il-vous-plaît?

Avec ses vidéos de mantes religieuses et de méduses sur le groove de Grand Bill, on s’immergeait dans une douce transe psychédélique qui nous faisait oublier l’ordre des chansons et soudainement, on se retrouvait à la fin. Le vers d’oreille de J’aime pas ça quand tu pleures nous a tiré de notre rêverie. Groupé autour d’un micro et timidement éclairé, entre le guitariste Cormier et la violoncelliste Mélanie Auclair, Martin Léon tire le glas de cette magnifique soirée.

Les pratiques du début avec Louis-Jean se révéleront finalement utiles, avec les chœurs qui l’ont soutenu durant Je redeviens le vent, interprété seul, sous le regard bienveillant de son ami. Un moment fort touchant, où l’on sentait la chimie (ou l’alchimie?) entre les deux artistes.

Les trois ovations debout du public nous indiquait cependant qu’il était l’heure de redescendre sur Terre. Il était tard tout de même, 23h, et près de trois heures de spectacle se sont écoulées. Les pieds sur terre, mais la tête haute dans les nuages, c’est ainsi que nous ont laissés les deux grandioses auteurs-compositeurs-interprètes.

#FrancosMTL

Photos : Martial Genest MatTv.ca

Texte révisé par : Bianca Beato