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Pourquoi tu (je, on) pleures…?

Le TNM offre une création québécoise coup de poing

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Par : Marie-Claude Lessard

La troupe de théâtre Les Éternels Pigistes célèbre comme il se doit son vingtième anniversaire en proposant non pas une mais deux nouvelles productions originales. Après s’être suicidée artistiquement parlant en avril dernier avec La mort des éternels, elle effectue une entrée dans la cour des grands en présentant au Théâtre du Nouveau-Monde la pièce Pourquoi tu pleures…?, un portrait de famille décapant et troublant qui aborde sans détour les notions d’ignorance, d’argent et de corruption.

Écrite par Christian Bégin, qui a bénéficié de la bourse d’écriture Jean-Louis Roux en automne 2015, l’œuvre se déroule dans une splendide cour arrière signée Max Otto-Fauteux. Les enfants et la mère Bérubé (Sophie Clément) se réunissent pour connaître les dernières volontés de l’homme de la maison (Pierre Curzi). Ce dernier a tellement baigné dans les magouilles toute sa vie qu’il lègue rien de moins que plus de 5 millions à sa famille. La seule condition qu’il impose est l’interdiction de séparer l’alléchante somme de manière équitable.

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Opressant et éclaté, ce huis clos imaginé par Bégin ne laisse aucun répit aux spectateurs. Truffée de flashbacks permettant de mieux comprendre la naissance des conflits entre les personnages, Pourquoi tu pleures…? démontre les percutantes conséquences des secrets refoulés trop longtemps et les effets dévastateurs de l’inaction.

Le clan Bérubé illustre avec justesse l’archétype de la famille québécoise. Toute l’audience reconnaîtra dans les personnages de la pièce au moins un membre de son entourage. Que ce soit le chouchou Guillaume (Christian Bégin), le député qui noie ses regrets à grands coups de répliques condescendantes et arrogantes. Roger (Pier Paquette), le fils aîné homosexuel moraliste et incompris. France (Isabelle Vincent), l’attirante avocate qui défend les criminels, mais qui n’arrive à faire valoir son importance auprès de sa propre famille. Ou encore Manon (Marie Charlebois), l’émotive préposée qui apprécie sa vie rangée quelque peu monotone.

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Cette comédie grave réserve des répliques cinglantes et surprenantes. L’humour est parsemé avec parcimonie et rehausse habilement l’accessibilité du texte dense qui fait drôlement réfléchir. On sait tous que le Québec est corrompu. On sait tous que des choses sales se déroulent sous notre nez. On dit « on », mais ce « on » est plus égoïste que collectif. On sait tous qu’on se fait avoir, mais on se ferme les yeux. Comme les personnages se taisent sur les vérités qui doivent être révélées.

Même si les dialogues se répètent un peu et qu’ils tournent les coins ronds sur certaines intrigues, il n’en demeure pas moins que cette pièce est un must, ne serait-ce que pour la complicité et les jeux parfaitement nuancés des comédiens. Il y a également la mise en scène ingénieuse et naturelle de Marie Charlebois qui a incorporé les retours en arrière de manière à ce qu’ils soient cohérents pour les spectateurs.

Texte révisé par : Annie Simard