Trop d’épidermes
Par : Jean-Claude Sabourin
La Salle Denise-Pelletier du théâtre du même nom ouvrait sa saison le 25 septembre dernier en présentant une adaptation très libre du conte de Charles Perrault, Peau d’âne, paru en 1694. Il s’agit d’une autre mise-en-scène collaborative de Sophie Cadieux et Félix-Antoine Boutin. Éric Bernier accompagnait Mme Cadieux sur scène.
Les deux acteurs se sont partagés les rôles de la pièce, Sophie Cadieux entrant dans la peau de la mère et de sa fille, personnage principal, alors que M. Bernier se partageait les autres héros du récit. Un aspect qui pouvait s’avérer déroutant parfois pour le spectateur ne connaissant pas bien l’histoire d’origine.
L’esthétique futuro-baroque du départ annonçait un travail intéressant en matière d’adaptation. À cet égard, la mise-en-scène a manqué de souffle. Avouons tout de même qu’un tel design nécessite des ressources dont les théâtres manquent cruellement. Ainsi, une chaude brise nous caressa l’épiderme en lever de rideau, mais le texte ardu du spectacle avait quelque chose pour refroidir.
Dès les premières scènes, l’utilisation à outrance du mot « peau » et de termes associés manquait singulièrement de subtilité. Nous avions déjà compris la métaphore qui viendrait au sujet de la peau d’âne; un moyen de se transformer, un moyen de fuir, un moyen de reconquérir sa liberté.
La manière d’aborder le thème de l’inceste dans la pièce est délicat aussi puisque c’est un thème souvent utilisé dans les écrits anciens et qui n’avait pas la même connotation qu’aujourd’hui. À l’époque, ça semblait une figure de style utilisée afin de voir les personnages prendre conscience des détours malsains que peut prendre l’existence humaine. De plus, évidemment, l’histoire d’origine est pétrie du patriarcat du 17e siècle.
L’adaptation met donc beaucoup d’énergie sur la reconquête de la jeune fille de sa force intérieure et de sa liberté face aux hommes et au monde, tout en tentant de conserver un peu de l’histoire originale. Toutefois, cela installe beaucoup de couches au récit et, finalement, il est assez difficile de s’y retrouver pleinement.
Par ailleurs, en toute franchise, le jeu des acteurs sur le ton d’émissions pour enfants m’a fait hérissé le poil à plusieurs reprises; sans compter les spectateurs qui s’esclaffaient alors que rien dans le propos ne prêtait à rire. On discutait quand même d’inceste et de la place de la femme dans le monde.
Bref, la libération de Peau d’âne de sa tutelle paternelle et incestueuse reposait sur un texte difficile à suivre et sur plusieurs couches concentriques qui me bloquaient la pleine compréhension. Néanmoins, vous avez jusqu’au 19 octobre pour forger votre propre opinion en allant voir la pièce au Théâtre Denise-Pelletier.