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On vous présente : Pierre Guitard

Pierre Guitard, un musicien au cœur d’enfant


© Camille Gladu-Drouin

Par : Myriam Bercier

MatTv vous offre encore et toujours la chronique On vous présente, qui a pour objectif de vous présenter des artistes qui passent sous le radar de la musique populaire. Cette fois, nous sortons un peu du Québec pour vous présenter Pierre Guitard.

 

Pierre Guitard est un auteur-compositeur-interprète originaire de Madran, un petit village du Nouveau-Brunswick. On a pu l’apercevoir dans une multitude de concours, comme le Gala de la chanson de Caraquet (2013), Le Sommet de la chanson de Kedgwick (2014), le Festival de la chanson de Granby (qu’il gagne en 2017) pour ne nommer que ceux-ci.  Entre temps, il a également gradué de l’École nationale de la chanson de Granby en 2014. Deux ans plus tard, il remporte trois prix lors de la Francofête en Acadie qui lui permettent d’aller jouer en Suisse, en Belgique et en France en 2017. En 2019, il remporte le Trille Or dans la catégorie découverte Acadie en 2019.


© Showc14

 

En 2016, son premier EP, La tige et la racine, voit le jour. Il y alterne des chansons de style country-folk et rock-alternatif. Ses chansons racontent avec une poésie agile les déboires du quotidien, le tout enrobé dans une touche d’humour et d’authenticité. Deux ans plus tard, il lance son premier album, Tuer la bête jusqu’à dimanche avec Jesse MacCormack et Guillaume Chartain à ses côtés. Son style a évolué vers un mélange de dreampop et de shoegaze (qui est un sous-genre alternatif et indie des années 1980 marqué par un mélange éthéré de guitares planantes avec beaucoup d’effets et de manipulations sonores). Ses textes sont inspirés par la perte, le départ, la fin et ses peurs (de l’amour, de devenir un adulte ou encore de se laisser aimer).

 

Par exemple, il a dit en entrevue de la pièce Flancher «J’ai écrit Flancher alors que j’étais couché sur le dos, en pleurant. La chanson m’a été inspirée par une vidéo de 15 secondes d’elle qui dansait… La vidéo avait été prise au studio où elle enseignait, quelque part dans la période d’une semaine où on s’était laissés… La gestuelle du vidéo et les épaules épuisées de la femme que j’aime m’ont sacré une claque dans la face. J’ai pleuré, j’ai écrit, et Flancher est née en quelques heures.» En 2020, il a sorti un EP de Tuer la bête jusqu’à dimanche dans lequel il reprend des chansons de son dernier album, de manière épurée.

 

J’ai donc appelé Pierre Guitard afin de parler des impacts de gagner un gros concours que le Festival de la chanson à Granby, d’anecdotes de tournée à l’étranger et de ses projets futurs!  Sans plus tarder, voici le fruit de l’entrevue :

 

Myriam : Qu’est-ce qui t’a amené à faire de la musique?
Pierre : Ça c’est une grosse question (rires). Du côté de ma mère dans ma famille ça a toujours été super musical depuis que je suis jeune j’ai toujours voulu jouer de la guitare, j’ai toujours voulu faire des spectacles. Ça c’est ce qui a amené la musique dans ma vie. Après ce qui m’a amené à en faire professionnellement je pense que ça a été une série d’événements. J’ai réalisé dernièrement que j’ai le syndrome de Peter Pan qu’on appelle, je veux vraiment pas être un adulte. J’ai tout mis en place dans ma vie pour pouvoir rester un enfant et je pense que faire de la musique ça fait partie de ça. Malgré que c’est aussi ma passion et que c’est plein d’affaires, je pense qu’il y a une partie de moi qui aime ça ce milieu-là de confrérie, de faire de la tournée, de sortir. Pour l’écriture des chansons, ça a été le désir de m’exprimer dans une autre forme que la parole. Des fois tu peux faire passer des messages en chanson que tu ne vas pas nécessairement avoir dans une discussion, que tu peux faire passer à travers d’un personnage, pour parler d’un sujet qui te touche. C’est comme un mélange entre les influences de la famille, mon envie de rester un enfant et le désir de parler des grandes choses à travers une poésie qui est la musique, j’imagine. (rires)

Myriam :  Qu’est-ce qui t’inspire le plus pour créer une chanson?
Pierre : Ça va varier vraiment beaucoup selon le moment. S’il y a des artistes qui ont des processus créatif vraiment précis, moi ça varie selon mes besoins, selon ce que j’ai besoin de dire, besoin d’évacuer. J’ai toujours écrit des chansons tristes même si des fois la musique est joyeuse. Là dernièrement j’ai commencé à écrire des chansons joyeuses qui parlent de la recherche du bonheur et de l’envie d’être heureux et toutes ces belles choses parce qu’on dirait que je suis rendu là dans ma vie. C’est vraiment inspiré de comment je me sens, où je suis rendu dans un processus de recherche de soi par rapport à tout ce qui entoure la vie et ses complications.

Myriam : Tu as gagné le Festival de la chanson de Granby en 2017. Trois ans plus tard, est-ce que tu crois que ce festival a eu des impacts sur ta carrière et où elle en est maintenant?
Pierre : Il en a eu des positifs et des négatifs je pense. Parce que quand tu gagnes un festival, tu as plein de prix et de la reconnaissance, mais tu as aussi des attentes. Comme tu as gagné un prix, tu sens comme s’il faut que tu le mérites ce prix-là, et je pense que les gens vont te juger plus difficilement inconsciemment juste parce que tu as gagné quelque chose. Si tu t’en vas voir je sais pas moi une expo de peinture et que cette expo-là a jamais rien gagné, tu n’en as jamais entendu parler, tu arrives avec aucune attente, donc ça se peut que tu sois surpris et que tu aimes ça. Tandis que dans n’importe quoi où tu arrives avec des attentes, tu arrives déjà avec un jugement, avec des choses, donc je pense qu’il y a peut-être des affaires comme ça qui m’ont peut-être nui. Il y a des gens qui n’avaient peut-être pas aimé ce que j’avais fait à Granby et qui se sont fait une idée de moi. Parce que ça fait trois ans, j’ai fait beaucoup de spectacles depuis, j’ai travaillé avec plusieurs musiciens, j’ai fait beaucoup de formation en écriture aussi, il y a beaucoup d’affaires qui ont changé dans mon spectacle, dans ma façon d’aborder la musique, la carrière, etc. Mais je pense que comme j’ai eu cette grosse vitrine-là et pas beaucoup d’autres grosses vitrines après il y a des gens qui sont restés avec cette image d’il y a trois ans, qui ont pas nécessairement pris le temps de venir voir ce qui s’était passé depuis. D’un autre côté, ça m’a apporté, ça m’a aidé financièrement, je me suis ramassé du jour au lendemain avec genre 40 000$ dans mon compte, j’avais de l’argent pour produire un disque, j’avais de l’argent pour payer mon loyer, ça m’a aidé à déménager à Montréal. C’est sûr que c’est une carte de visite assez le fun avec les diffuseurs, c’était facile de vendre des billets pour des petites salles et des affaires de même. C’est comme n’importe quoi, il y a des bons et des mauvais côtés, je regrette pas du tout de l’avoir fait. Si je le refaisais, il y a des choses que je ferais différemment, mais je pense que tout le monde a ses affaires-là dans la vie. En gros, je pense que ça m’a aidé. Ça m’a aidé à trouver mon label, à travailler sur ma carrière, travailler sur mes affaires, ça m’a donné beaucoup de temps. On parle souvent d’argent, on dit souvent «le temps c’est de l’argent» mais c’est vrai. Quand j’ai déménagé à Montréal, j’ai pas eu besoin de me trouver une job pour payer mon loyer, mon loyer était payé par mes prix de Granby, j’ai pu me concentrer pour sortir l’album qui est sorti il y a deux ans.

Myriam : Grâce à la tournée Granby-Europe, tu as fait des spectacles en Europe, notamment en Croatie, en Serbie, en France et en Belgique. Comment c’était? Est-ce que c’est très différent que de jouer au Canada?
Pierre : Oui, vraiment. La France ça ressemble beaucoup mais c’est pas… en Amérique on écoute beaucoup la musique par le corps, on aime ça les spectacles qui sont forts, ça dérange moins si on comprend pas les paroles, quand on prend exemple des gros bands qui ont pogné à Montréal comme Malajube ou Chocolat, tu vas aller chercher le texte si tu es intéressé, mais la première affaire c’est pas le texte qui ressort c’est une sonorité de plus à la musique. En France, c’est beaucoup plus par la tête. La limitation de dB est vraiment plus sévère en spectacle, c’est moins fort, on est vraiment attaché au texte, les gens sont vraiment attachés au texte. Ils vont te parler de ton texte à la première écoute, tandis qu’au Canada, souvent, ils vont dire  «c’était le fun les mélodies» et plus tard ils vont réécrire «finalement j’ai porté attention aux textes, c’est vraiment bien écrit» alors qu’en France ils vont te le dire la première fois qu’il te voit.
Myriam : C’est quand même une grosse différence…
Pierre : Ouais! En Croatie et Serbie c’est difficile à dire, j’ai passé 24h dans chaque pays. J’ai eu un empoisonnement alimentaire en plus! J’étais plus en train de gérer le fait que j’avais un peu envie de vomir à chaque fois que j’embarquais sur scène que … (rires)
Myriam : Pauvre toi! J’avoue que l’expérience est pas optimale, mettons…
Pierre : Non c’est ça. La première journée on est arrivé en Serbie, on est allé manger dans un resto, c’était cool. Le lendemain, le guitariste et moi on n’allait pas trop bien, il fallait faire le spectacle, j’ai été malade après le show, lui il a été malade, il a pas pu faire le spectacle. À 6h, le lendemain, on faisait 7h de route pour aller en Croatie, malades comme des chiens, et on arrivait là-bas, c’était des entrevues toute la journée. Mettons j’ai pas dormi la nuit à vomir à cause de l’empoisonnement alimentaire, j’ai fait 7h de route, en débarquant, j’allais dans le genre de Radio-Canada de la Croatie, le genre de morning show national à la télé. Fallait que je fasse une perfo live, j’étais vert, c’était ridicule! (rires). L’animateur parlait en croate, moi j’avais le traducteur dans l’oreille, une traductrice en fait, dans l’oreille qui me répétait ses questions. Je savais même pas à quel point la traduction était littéral ou libre, donc là il y a le moment où lui te pose une question, il y a 15 secondes de silence pendant que moi j’écoute la traduction, là je dois répondre, là il y a un autre 15 ou 20 secondes de silence pendant qu’elle lui traduit ma réponse, là il est comme «ah ok» et il te repose une question. Là je suis comme «ça fait vingt heures que je dors pu et que je vomis, je peux tu m’en aller chez nous, je comprends plus ce qui se passe» donc oui c’est des belles expériences…
Myriam : Au moins tu as des belles anecdotes? (rires)
Pierre : Oui, sur le coup, je tripais pas, mais maintenant j’ai de quoi d’intéressant à raconter en entrevue! C’est tout le temps ça qu’il faut se dire : quand ça va mal, c’est sûr que ça va faire une bonne entrevue ou une bonne chanson à un moment donné.

Myriam :  Comment ta musique a-t-elle été accueillie au Nouveau-Brunswick?
Pierre : Quand même bien, ça spin quand même bien dans les radios que ce soit universitaires, commerciales et indépendantes. Vu que je suis un hors-Québec, je suis Acadien, j’ai beaucoup de support de la communauté franco-canadienne, je joue beaucoup dans les Radio-Canada, que ce soit à Vancouver, ou à Toronto, etc. Montréal c’est un peu plus axé sur le Québec, c’est normal, on supporte des trucs qui sont chez nous. Je suis moins connu au Québec que dans la francophonie canadienne. J’ai moins de temps de spin. Mais ça spin quand même, je joue à Radio-Canada Montréal une fois de temps en temps. Je suis quand même content. Chaque fois que je suis dans un événement de la francophonie canadienne je suis toujours super bien accueilli, il y a toujours du monde qui me parle de mon disque. C’est quand même le fun. Je trouve ça cool d’avoir accès à tout le Canada. Souvent les Québécois ne vont pas nécessairement jouer dans l’ouest canadien ou ils y vont très rarement dans une tournée coup de cœur ou etc. C’est le fun qu’on ait accès à tout ça. Justement, avant Noël on est allé tourner à Vancouver, au Yukon, on est allé… on est allé à plein de places c’était vraiment cool.

Myriam :  En 2018, ton premier album, Tuer la bête jusqu’à dimanche, voit le jour. Pourquoi avoir choisi ce titre pour l’album?
Pierre : J’avais un titre de travail pour l’album que finalement je n’ai pas pris qui était «La prochaine fois que je te souris, n’oublie pas que les dents sont des armes». Finalement, je n’avais pas de chansons sur l’album qui tournait autour de ce thème-là je trouvais, ça marchait pas. Je le garde, ce titre-là, je vais le mettre sur autre chose à un moment donné. Je pense qu’il me restait deux jours pour trouver le titre pour l’album. J’étais avec mon ex-copine dans ce temps-là, on s’est assis une journée, on a bu du vin, et elle c’est une autrice de théâtre elle a été à l’école nationale de théâtre en écriture, elle est bonne avec les mots, elle est arrivée avec ce titre-là et je me disais «ça décrit exactement!» on a «brainstormé», on est tombé là-dessus, et je me suis dit «ça décrit exactement le feeling que je veux». Dans le fond «Tuer la bête jusqu’à dimanche» ça veut dire que peu importe comment tu passes ta semaine à travailler, sortir, boire, faire whatever, il y a toujours la journée de repos où tout te revient dans la face. C’est ça l’histoire de ce titre-là.

Myriam : Tu as sorti un nouveau EP en mai 2020 de quatre de tes chansons en version épurée. Qu’est-ce qui t’a amené à choisir de faire ces chansons-là ainsi?
Pierre : Je trouvais que c’était des chansons dans lesquelles j’allais le plus souvent quand je faisais des spectacles solo. On a tourné beaucoup avec le band mais j’ai fait beaucoup de première partie ici et des spectacles tout seul. Je trouvais que c’était les chansons qui étaient peut-être ensevelies par la musique des fois, je trouvais que le texte était bon mais qu’on se concentrait plus sur les arrangements, je trouvais qu’il y avait de quoi à faire de fun à aller changer ces chansons-là, de les habiller pour mettre autre chose de l’avant.

Myriam :  J’ai cru voir que tu prévoyais sortir un album cet automne, où en est ce projet?
Pierre : Je sais pas si ça va être cet automne. Je penserais pas que ça va être cet automne, je pense que ça va être plus 2021. Mais là je suis rentré en studio, j’ai trois chansons de faite à date, ça commence. J’ai eu bien de la misère avec le confinement à écrire, vu qu’il se passait rien, mais là j’ai retrouvé une trail semi le fun dans laquelle je m’amuse pour écrire. Je pars au Nouveau-Brunswick lundi pour un mois, je vais aller faire de l’écriture et de la réécriture, et revisiter des vieux textes, en écrire des nouveaux, revenir et essayer de taper comme il le faut pour l’automne. Si c’est possible, essayer sortir un single avant Noël, sinon ça va aller en 2021.

Myriam : Si tu pouvais prendre ma place de journaliste pour une question, quelle question te poserais-tu?
Pierre : Quels sont les défis desquels les gens sont le moins au courant dans une carrière en musique?

Balancer la vie normale et la tournée, garder ses amis, ses relations amoureuses, une diète, une routine, sa santé mentale. Balancer tout à travers les spectacles, les montagne russes émotives de la tournée et le manque de sommeil… c’est extrêmement difficile et je connais peu de gens dans le milieu qui y arrive habillement. Et c’est très rare que les gens soient au courant des sacrifices sur la santé physique et mentale qui viennent avec le développement d’une carrière en musique sur le long terme.

 

1. Ton lecteur de musique plante sur une île déserte, tu peux seulement écouter une chanson, c’est laquelle?
Red Eyes-The War on Drugs
2. Ta chanson de rupture préférée?
Iris-Goo Goo Dolls
3. Ta chanson d’amour préférée ?
Pinte de Rousse-Antoine Gratton
4. Un.e artiste que tu aimerais que les gens connaissent davantage ?
Cédric Vieno
5. Si tu pouvais écouter un seul album pour l’année à venir, ce serait lequel?
Watch Out-Alexisonfire
6. La chanson qui te rend le plus heureux ?
Salad Days-Mac Demarco
7. Un.e artiste / groupe qui t’inspire beaucoup ?
Phillippe Brach
8. La chanson qui t’obsède en ce moment?
Blinding Lights– The Weekend
9. Une chanson que tu aimerais avoir écrite?
Les trottoirs– Patrice Michaud
10. Ta chanson (à toi) préférée?
Mis à Nu