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On vous présente : Mon Doux Saigneur

Mon Doux Saigneur et son horizon au goût de road trip


© Emerik St-Cyr Labbé, la voix derrière Mon Doux Saigneur, photo de Camille Gladu-Drouin

Par : Myriam Bercier

Ma chronique On vous présente est de retour pour l’année 2021! En guise de rappel, On vous présente vise à vous faire découvrir des artistes qui passent sous le radar de la musique populaire. Cette semaine, on s’intéresse à Mon Doux Saigneur!

Mon Doux Saigneur est un groupe québécois dont l’œuvre oscille entre le rock lo-fi, le folk, le pop et le country. Le cerveau et la voix derrière ce groupe est Emerik St-Cyr Labbé, qui est entouré par David Marchand (guitare, pedal steel, lap steel, chœurs), Eliott Durocher-Bundock (guitare, claviers, basse, chœurs),  Mandela Coupal-Dalgleish (batterie et percussions) et Étienne Dupré (basse). En 2016, Mon Doux Saigneur s’est rendu en finale des Francouvertes, après avoir lancé son premier EP l’année d’avant. Son premier album est paru un an après, en septembre 2017. Il a été enregistré après le suicide de son père, ce qui explique son contenu lourd et dense.


© Mon Doux Saigneur, photo de Dimitri Guedes

Son deuxième album en carrière, Horizon, est paru en janvier 2020. Il offre un son toujours aussi personnel mais plus accessible. On y retrouve une ambiance americana créée par le jeu des guitares. On retrouve plusieurs invités sur l’album, dont Laurence-Anne et Alex Burger notamment. C’est dans une langue familière et locale qu’on peut entendre Emerik aborder des thèmes comme l’amour, les relations floues, la route, l’amitié, les malentendus et les mensonges. La chanson Content par exemple a été écrite par Emerik pour son père et lui-même (« reviens, en vie, si ça te dit ou bien reviens pas » peut-on l’entendre chanter dans cette chanson douce et introspective sans batterie). Sa chanson Aller parle plutôt d’aller bien et d’aller mal et de ne pas être sûr de quelle émotion prend le dessus.

J’ai contacté Emerik la semaine passée pour lui parler de l’impact de la COVID sur sa création, de comment un party de Saint-Valentin a permis au projet Mon Doux Saigneur de voir le jour et du manque d’infrastructure et de support pour le milieu culturel en musique. Sans plus attendre, voici mon entrevue avec Emerik St-Cyr Labbé!

Myriam : Qu’est-ce qui t’a amené à faire de la musique?
Emerik : J’ai commencé la guitare à neuf ans à l’école primaire. J’étais dans une école alternative à Brossard et c’était l’initiative de Jean-Pierre Picard qui enseignait. Il nous apprenait des chansons du répertoire québécois, pas la théorie musicale mais vraiment une approche plus pour s’accompagner, pour apprendre à s’accompagner à la guitare. Donc j’apprenais du Félix Leclerc, du Daniel Bélanger, du Beau Dommage, des affaires qu’à l’époque j’aimais mais… disons que j’écoutais plus du Green Day et tout ça.
Rendu en sixième année, c’est là que j’ai reçu ma guitare électrique et ça a convergé. J’ai commencé à écouter plus de musique d’ici, c’est là que tout a explosé. J’ai mélangé mes apprentissages que j’avais faits au primaire, les accords de base, tout ça, je les ai mélangés à la musique punk rock que j’écoutais. Au fil du temps, j’ai eu des groupes de musique, je chantais en anglais et on rêvait de faire de la tournée et tout ça. Plusieurs années plus tard, j’ai eu la réalisation que je voulais faire de la musique. C’est comme si mes préjugés sur le franco-québ-folk étaient tombé, que j’étais finalement plus adulte et que je me reconnaissais plus dans cette musique-là, dans cette approche-là. C’était la façon qui me ressemblait le plus finalement. Donc j’ai commencé à neuf ans et j’ai toujours joué après.

Myriam : Qu’est-ce qui t’inspire pour créer une chanson?
Emerik : La vie en général. Je suis assez éponge à mon environnement, à ce qui se passe, autant au politique que socialement. J’aime ça écrire à partir d’une émotion, j’aime ça ressentir quelque chose, c’est souvent ce qui fait que je m’installe ou que j’ai envie d’exprimer quelque chose. Un défi pour moi, ce serait d’écrire des fictions, des histoires plus fictives, avec des personnages. Je n’en fais pas beaucoup, c’est plus personnel, plus méta un peu ce que je fais. C’est ce qui est dur en ce moment, comme on ne socialise pas, on ne voit pas de gens, on ne voit pas de spectacle, c’est dur d’être ému. On dirait qu’on est à fleur de peau, mais ce n’est pas nécessairement la fleur de peau qui rend la création stimulante, c’est plus comme un état d’esprit fragile et plus anxiogène qu’autre chose, mais ça me fait travailler d’une autre façon, ça me fait changer d’approche un peu. C’est sûr qu’à la base, c’est vraiment les petites choses de la vie, le mouvement autour qui me stimulent. Plus ça bouge, plus je suis stimulé.

Myriam : Est-ce que tu dirais que la COVID t’empêche plus de créer ou te fait créer différemment?
Emerik : C’est sûr qu’en rétrospective en un an, j’ai fait cinq nouvelles chansons, ce que je trouve qui est peu, mais elles sont vraiment peaufinées, elles sont vraiment finales, les mots sont choisis, il n’y aura pas de retour en arrière. Des fois, je pouvais faire des chansons, les jouer en spectacle et les changer jusqu’à ce qu’on les enregistre. Changer des mots, par exemple. En les chantant, tu vois un peu ce que tu peux améliorer, ce qui sonnerait mieux. Comme on n’a pas joué, c’est comme si j’ai travaillé mes chansons plus méticuleusement. Plus comme on écrit un livre : en regardant, en relisant et en corrigeant. Ceci dit, ça se peut que ça change aussi dès qu’on joue, dès qu’on les essaie en spectacle, que je vois que cette phrase-là se chante moins bien que je le pensais, je vais changer tels mots. Disons que ça a changé de point de vue. Ça a été challengeant mentalement, on dirait qu’on avait l’impression qu’on n’avait rien à dire, mais ça se passe quand même.

Myriam : Est-ce que tu as un processus de création?
Emerik : Oui. Habituellement, je m’arrête sur une suite d’accords que j’aime, que je joue. J’improvise beaucoup. Après, quand je trouve une tonalité qui fite avec mon mood, qui ressemble à ma journée ou qui semble proposer une idée de départ, ensuite je vais chantonner un peu, en disant n’importe quoi; plus des sons que des mots, des mélodies. Souvent les mots apparaissent quand la mélodie est plus claire. Quand la mélodie apparaît, les mots, c’est un peu comme je te parle, je vais choisir la longueur de mes phrases selon mes mélodies. Je sais que si je prends la mélodie d’Au clair de la lune par exemple, ça va être six syllabes (au-clair-de-la-lu-ne), je sens que ma phrase devra compter six syllabes. Il y a quelque chose d’automatique qui se fait, la mélodie apparaît et les mots viennent après. On dirait qu’il y a un processus de sélection qui se fait dans ma tête sans que j’aie à calculer ou à penser à mes rimes trop trop. Ça y va un peu comme quand je parle. C’est comme si tu me dis que j’ai une minute pour raconter ma vie, je vais savoir quoi garder et quoi couper. Il y a des moments de même en écrivant que le processus se fait. Pour moi, c’est comme ça. C’est sûr que je me suis un peu challengé des fois à essayer de commencer une chanson avec un clavier ou prendre un texte déjà écrit et essayer de commencer avec le texte et ajouter la musique après, mais pour moi en ce moment ce qui me paraît le plus facile, le plus agréable, c’est de commencer avec la musique.

Myriam : Est-ce que tu considères Mon Doux Saigneur davantage comme un projet solo ou comme un groupe?
Emerik : C’est vraiment un groupe. Je pense qu’une des règles non écrites est que s’il n’y a pas de paroles, il n’y a pas de chanson. Mais quand il y a des paroles et que tout le monde apporte sa touche, je pense que c’est ce qui donne la personnalité au groupe. C’est sûr que s’il y avait des musiciens qui changeaient ou qui avaient d’autres projets et qu’ils devaient quitter le groupe, ça changerait le son du groupe, donc je dirais que c’est un groupe oui.

Myriam : Comment le groupe s’est-il formé?
Emerik : J’avais quelques chansons, j’ai commencé à faire des spectacles. J’ai sorti un Bandcamp avec des chansons enregistrées avec Garage band chez nous vraiment Lo-fi et des gens l’ont entendu tranquillement. Dans un party de Saint-Valentin, Jesse Mac Cormack m’avait vu jouer et m’avait demandé si ça me tentait d’enregistrer ça, que ça lui donnait des idées. On a fait le EP ensemble, je l’ai payé avec une basse que j’avais parce que je n’avais pas d’argent. Je lui ai donné une basse en échange de mes chansons. Une fois sur Bandcamp, j’ai partagé sur Facebook et ça faisait quatre ou cinq ans que j’étais à Montréal, j’avais quelques amis dans le milieu, beaucoup d’amis en musique, la communauté du Quai des Brumes et tout ce qui a autour de ça et beaucoup d’auteurs-compositeurs québécois francophones. Ce sont des amis proches, des amis de Caltâr-Bateau (qui étaient à la base Alex Burger, Étienne Dupré et cinq autres musiciens, c’était une gang de sept musiciens), il y en a trois là-dedans avec qui j’étais déjà bien ami, quand j’ai sorti mes chansons ils m’ont dit « j’aime ça, si tu fais un groupe avec ça, je serais game de jouer avec toi. » Ça venait vraiment de l’extérieur, les gens me disaient « c’est bon, tu peux en faire quelque chose. » Éventuellement, j’ai fait Jeunes volontaires, ça m’a aidé à faire la transition entre mes emplois de plongeur que j’avais de la difficulté à garder (rires) et mon ambition de faire de la musique dans la vie. Éventuellement, avec le support moral des amis et du groupe, c’est la force du nombre, ça m’a vraiment boosté. Les Francouvertes, ça a aidé aussi à propulser un peu au départ. J’ai fini avec Dare to Care qui est devenu Bravo Musique. Maintenant on se considère assez chanceux, on sait qu’on est attendu. Les gens vont avoir hâte au troisième album.

Myriam : J’imagine que tu as souvent cette question-là, mais je n’ai pas le choix de la poser : pourquoi avoir choisi le nom de Mon Doux Saigneur?
Emerik : Juste parce que ça pique la curiosité. Je savais que c’était déjà des mots qu’on a tous entendu, ma grand-mère disait ça beaucoup. Ce n’est pas tout le monde qui dit ça, mais ça ressort quand même. Pour moi, la musique c’est de l’art. il y en a qui ne vont pas parler de même, mais pour moi ça a tout le temps été, surtout avant de connaître l’industrie musicale en tout cas, c’était vraiment freestyle, j’avais le droit de tout faire. Ça m’a toujours plu, un nom de groupe, j’ai tout le temps été fan. Comme les noms d’équipe de sport et les logos de chandail de sport, ça marque l’esprit, je trouve. Quand je suis tombé sur ce nom-là, j’ai trouvé ça cool parce que c’est doux en même temps, c’est très large, c’est universel, mais c’est une expression très québ. J’écoutais beaucoup de blues, du vieux blues et ça disait souvent « my Lord », « sweet Lord», « God ». Ça va parler d’espoir ou de désespoir, ils parlent beaucoup de Dieu comme une force extérieure et omniprésente et moi je trouvais ça cool. Ça me donnait aussi une latitude extrême, je pourrais faire n’importe quel style de musique avec ce nom-là. En même temps, c’est cool que ça ne soit pas mon nom parce que culturellement ici si j’appelais ça Emerik St-Cyr, on pense tout de suite à chansonnier francophone, moi ça me fait penser à ça en tout cas. Je trouvais ça cool d’avoir un nom et de garder ça, de pouvoir avoir une marge pour le visuel autant que pour le son. Il y en qui pensait que c’était un groupe de métal, mais pour moi c’est vraiment plus… pas marketing, mais veut veut pas, ça reste plus dans la tête, je trouve ça plus original.
Myriam : Confession : j’avoue que quand j’ai entendu ton nom la première fois, j’étais sûre que c’était du métal…
Emerik : C’est le mot saigneur… moi quand je vois du sang je tombe dans les pommes, je ne suis pas méchant pour deux cennes (rires). Peut-être que dans quelques années je vais me dire « OK, décroche… » mais nous quand on en parle entre nous, on dit Mon Doux : « on va-tu faire un jam de Mon Doux ? Est-ce qu’il y a un spectacle de Mon Doux bientôt? » même les fans disent « tu ne connais pas ça Mon Doux? » les gens qui en parlent disent Mon Doux, je trouve ça drôle. Je trouve ça cool parce que ça peut rester dans l’autodérisoire et en même temps ça a une notion de porter attention, ça donne envie de Googler. Je trouve que c’est ça qui est cool.

Myriam : Il y a quand même beaucoup d’invités sur ton dernier album, pourquoi as-tu eu envie de collaborer avec autant d’artistes différents?
Emerik : Ce sont des amis proches souvent. Ça dépend des chansons, mais quand tu finis une chanson, moi, mon réflexe, c’est de passer à la prochaine et de dire en quoi elle va être différente, par où je m’en vais pour créer un univers avec des chapitres qui changent, qu’il y ait beaucoup de textures et tout. Définitivement, il y a des chansons que je suis contente d’avoir confiées à Jesse [Mac Cormack] comme il y a des chansons que je suis content d’avoir fignolées avec Tonio [Morin-Vargas], ça s’est plus du côté réalisateur. Des fois, c’est simplement que j’entends percussions donc je vais aller chercher mon ami Étienne Côté de Lumière pour les percussions, aussi un style de batteur particulier pour telle chanson parce que ça me fait penser à telle chanson, je vais aller chercher le musicien qui a un style, parce que les musiciens ont vraiment leur signature, comment ils jouent. Ça, des fois, on n’y pense pas, mais c’est vraiment ça qui fait la personnalité d’un son. On ne corrige pas grand-chose à l’ordinateur, il n’y a pas grand-chose qui n’est pas joué par des humains. Les voix féminines, des fois, je trouve que ça va bien avec le texte, ça complète bien une idée ou ça peut supposer un dialogue surtout si ça parle de trucs intimes, comme l’amour par exemple. On en voit souvent dans le country, c’est un standard que j’aime d’avoir des back vocals ou juste beaucoup de guitares, ou aller chercher un instrument qu’on utilise juste pour une chanson. Je pense que ça soit original et varié, ça va toujours faire partie de mes désirs. J’aimerais ça aussi être capable de faire un album folk 100 % pur, mais ce n’est pas ce qui me motive en ce moment, j’aime bien un album qui a une chanson pour chaque mood.
En demandant à des musiciens variés, on s’assure de se donner de la job entre nous, on se backe. Je pourrais aller voir le réalisateur de Pierre Lapointe, on se connaît, mais je trouve ça plus le fun de confier ça à des amis qui sont au même stage d’apprentissage que moi et on évolue ensemble, c’est cool parce que ça marche vraiment bien et il n’y a personne qui comprend mieux notre langage que nous-mêmes, c’est presque rendu un jargon, en studio ou en jam, on se parle et on n’a pas besoin de s’expliquer, il n’y a pas d’ego. C’est vraiment un truc en équipe.

Myriam : Peut-être que je me trompe, mais je crois avoir vu que tu t’apprêtais à faire des spectacles en présentiel. Comment envisages-tu ça?
Emerik : J’ai reçu un email tantôt qui disait « stand-by Québec le 10 mars. » On était en train de tout se replacer parce que ça cancelle ou ça reporte. Officiellement, le prochain ça serait le 11 mars à Alma qui est en zone orange. Il y a sûrement une capacité de 40 à 60 personnes gros max. On a super hâte, on va tout faire ce qu’on peut. On va peut-être être déstabilisé trois secondes, mais on a très hâte. on a setté trois jams avant le prochain spectacle. À quelque part, même si on n’a pas joué beaucoup, j’ai booké du studio en mars, on va enregistrer cinq nouvelles chansons. On se donne des projets. On a fait une session live en décembre. Il y a ceux qui nous voient en spectacle, mais on n’avait pas de truc web qui existait avant, on a fait ça pendant le confinement.
Je parle à un ami pour faire un clip sur une chanson qui n’est même pas encore enregistrée. Il faut se projeter un peu plus, mais c’est normal. C’est de bonnes habitudes à prendre en tant que musicien ; c’est cool, tu sors ton album, mais inévitablement la prochaine étape c’est d’en faire un autre, que ça prenne un an ou deux, aussi bien qu’il soit entamé. C’est une façon d’avoir la paix d’esprit de savoir que tu as des chansons à sortir; je pourrais sortir un single demain pour créer du mouvement. Pas que c’est du marketing, mais il faut aussi rester dans le beat. J’écoute beaucoup de musique et j’essaie de suivre l’actualité aussi. J’ai l’impression que ça se passe, quand on arrive à se projeter à moyen terme, ça motive. C’est nécessaire.

Myriam : Ce que tu viens de me dire j’imagine que c’est pas mal l’entièreté de tes projets qui t’attendent en 2021?
Emerik : Oui. Les projets en 2021 c’est espérer qu’on joue, faire un autre album ouais et peut-être un road trip (rires). Je ne sais pas. Je pense à ça et il y a plein de choses que je voudrais faire. C’est sûr que je ferais un album cette année. Peut-être qu’il ne sortira pas en 2021, mais janvier-février 2022. Ça ferait deux ans depuis Horizon, ça ressemble au beat qu’on avait.

Myriam : Si tu pouvais prendre ma place de journaliste pour une question, quelle question te poserais-tu, en y répondant?
Emerik : Je dirais : est-ce que tu trouves qu’il y a assez d’infrastructures et de support pour le milieu culturel en musique? Et je dirais non. Je dirais que ça manque d’espace de répétition, les loyers augmentent, tout augmente et les gens qui voudraient faire de la musique n’ont pas accès. Déjà que la musique disparaît tranquillement à l’école, les gens sont moins intéressés, les salles, les coops, les petites salles indépendantes sont prises pour fermer. Je trouve que c’est rendu trop élite. Si j’avais 12 ans, que je voulais une guitare, un groupe de musique et un endroit pour pratiquer, c’est rendu un sport de riches, comme le hockey quand j’étais jeune. Mes parents ne pouvaient pas me payer un équipement ni une saison non plus.
Le système de subvention aussi, on dirait que ça prend un produit prémâché pour que ça fite dedans, sinon tu n’auras pas les subventions, et si tu n’as pas les subventions, il n’y a rien d’autre. Je trouve qu’on ne donne pas beaucoup de chances à la culture de se découvrir elle-même. On dirait qu’on a beaucoup de bâtons dans les roues. Au-delà de la passion, il faut que tu sois entreprenant en maudit. Je ne sais même pas par où prendre ça. C’est à tous les niveaux. Je trouve que la culture, et je ne parle pas pour les autres parce que je ne sais pas c’est comment, mais les plateaux de tournage, les séries et le cinéma ça va bien, les comédiens de théâtre et les musiciens, ça rushe un peu plus. J’ai l’impression que la réalité ne rencontre pas … il y a quelque chose d’un peu irrationnel dans ce qu’on nous demande de faire avec le salaire qu’on fait. On fait un spectacle à Alma, on fait 8 h de route pour y aller, 8 h pour revenir, on est payé 150 $ pour le spectacle… je veux dire, on est six gars, il y en a des papas là-dedans, il y en a qui habitent à Québec, un qui habite à Dunham, le déplacement… S’il y en a un qui se brise un doigt, il ne peut pas jouer. C’est un peu comme la pandémie, dans le fond. On est un peu laissé. On se rend compte de plus en plus qu’on a besoin de la culture, que ce n’est pas juste une question de culture, c’est une question de santé mentale. Être musicien, pour moi, c’est un peu comme ils disent les journalistes des temps modernes, entre la politique et le peuple, il y a comme les artistes qui passent le mot, qui revendiquent ou qui parlent au nom du public. Ça a ce don de rassembler. Je trouve qu’on néglige quand même… bon, c’est facile de chialer, il y aurait d’autres niveaux qui auraient besoin d’argent aussi, mais j’ai l’impression qu’un peu d’argent ferait une grosse différence. J’aimerais ça pouvoir m’imaginer que la relève ne soit pas juste … comment dire? Il y a une bonne relève d’influenceurs, mais ça serait cool qu’il y ait une relève de gens qui sont initiés à la musique, mais pas juste de façon classique orthodoxe et pas juste de façon business, genre je me pars une page et je deviens une personnalité publique. Il y a la partie artistique entre les deux… on dirait que si tu n’es pas une business lucrative, tu ne fais pas partie de la communauté artistique alors que pour faire partie de la communauté, il faut juste que tu fasses de l’art. Je n’ai pas une réponse claire, mais j’ai l’impression qu’on pourrait donner une plus grande chance aux artistes. Même les locaux pour les artistes visuels, c’est devenu cher. Il faut que les gens se déportent en dehors de la ville quasiment pour avoir un atelier commun à dix. Mon local me coûte plus cher que mon appartement. Mon local de pratique me coûte 850 $. Il faut qu’on soit 10 pour le payer. Ça fait qu’on se fait des horaires hyper chargés, on a une plage horaire une fois par semaine. Ça, c’est une compagnie qui ne fait que ça. Je ne sais pas. Quand je pense aux églises qui ne servent plus à grand-chose et qu’on les convertit en condos, il me semble qu’il manque de salles de club social, des salles multi, des complexes artistiques style maison des jeunes mais je ne sais pas. C’est quoi l’espace qu’il reste? Il y a la scène, le jour du spectacle, c’est cool, mais avant ça?
Comment tout le monde est supposé se préparer à faire carrière en musique? Il faut vraiment que tu sois forcené. Je trouve que c’est un peu ardu, c’est facile d’être découragé quand tu regardes la compétition, le nombre de gens qui ont des subventions versus le nombre de gens qui appliquent. Ce n’est pas tout le monde qui a la chance, donc c’est ça qui est plate.

1. Ton lecteur de musique plante sur une île déserte, tu peux seulement écouter une chanson, c’est laquelle?
Born In Mississippi, Raised Up In TennesseeJohn Lee Hooker

2. Ta chanson de rupture préférée?
The Feelin’ Is GoneHooker ‘n Heat

3. Ta chanson d’amour préférée ?
This Must Be The PlaceTalking Heads

4. Un.e artiste que tu aimerais que les gens connaissent davantage ?
N NAO

5. Si tu pouvais écouter un seul album pour l’année à venir, ce serait lequel?
NaturallyJ.J. Cale

6. La chanson qui te rend le plus heureux ?
Heart Of The CountryPaul McCartney

7. Un.e artiste / groupe qui t’inspire beaucoup ?
The Band

8. La chanson qui t’obsède en ce moment?
MexicoJames Taylor

9. Une chanson que tu aimerais avoir écrite?
Like a Rolling StoneBob Dylan

10. Ta chanson (à toi en tant qu’artiste) préférée?
Maudit