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Nina, c’est autre chose

La Chapelle se recueille pour une pièce intime

Nina2© Julien Benhamou

Par Sébastien Bouthillier

Deux frères quarantenaires, chez qui une femme insouciante de vingt-quatre ans emménage durant l’été 1976, abandonnent leur routine pour regarder le monde avec l’œil de la nouvelle venue. Grâce à son irruption, ils épouseront une légèreté d’esprit qui les détournera un moment du chômage, du travail et de la souffrance. Mais peut-être que Nina n’est qu’un rêve pour adoucir une réalité trop dure à supporter?

Éric Bernier et Renaud Lacelle-Bourdon incarnent la fratrie ancrée dans ses habitudes où Eugénie Asselin jette une simplicité et une musicalité optimistes. En Nina, elle s’installe parmi eux comme si c’était chez elle depuis toujours. Ils danseront ensemble le tango sur les morceaux que Chloé Pfeiffer au piano et Lysandre Donoso à l’accordéon interprètent sur scène.

Nina se procure un bain pour l’appartement. Les jours s’écouleront jusqu’à ce qu’elle les quitte, ce qui les déchirera comme une rupture amoureuse. «L’amour à trois va devenir un sujet propre à interroger notre conception du rapport à l’autre, du désir, de la construction sociale que nous donnons au sentiment amoureux, de l’adéquation de nos pulsions avec notre vie en société», commente le metteur en scène Florent Siaud, à propos de l’année 1976, quand Michel Vinaver écrivit la pièce.

Les situations quotidiennes deviennent imprévisibles, d’autant plus que ce théâtre de chambre s’avère matériel : les comédiens déplacent le mobilier, tirent les panneaux qui configurent l’appartement et changent de vêtements sur scène. Aussi, ils mangent des épinards, versent de l’eau dans la baignoire, lancent des dattes et en offrent au public, etc. Toutefois, ils manipulent des objets sans que ceux-ci occultent l’intimité de l’appartement où ils vivent leur ménage à trois.

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Siaud a sélectionné des artistes éclectiques accomplis pour étoffer la pièce d’intermèdes dansés par le trio. Le tango se lie à l’écriture complexe de l’auteur, qui allie « un flux continu d’éclats de poésie, slogans publicitaires et phrases types de la vie quotidienne », commente le metteur en scène. En effet, l’auteur Vinaver témoigne du réel dans une langue délicate à plusieurs degrés. Puisqu’il a travaillé pour Gillette afin d’écrire sans contraintes financières, son théâtre s’inspire de son expérience en entreprise (il a été PDG de la multinationale du rasoir pour la France et responsable de l’Europe pour celle-ci).

Nina, c’est autre chose, à La Chapelle jusqu’au 5 novembre.

Crédits photos : Julien Benhamou

Texte révisé par : Marie-France Boisvert