
Chat va bien aller!
Par : Bruno Miguel Fernandes
Il y a de ces groupes qui échappent aux étiquettes faciles, qui proposent un son unique qu’on ne retrouve nulle part ailleurs. Vous me demanderez quel est le style de Rainbow Kitten Surprise, et je vous répondrai : « Eh bien… du Rainbow Kitten Surprise. » Ce groupe de rock alternatif américain mixe une multitude d’influences musicales, des paroles poétiques et des mélodies à la fois prenantes et étonnamment variées. Ils étaient de passage mardi 20 mai au MTELUS, dans le cadre de la tournée Thanks for Coming. Mais avant de vous parler de leur performance, je dois être honnête : je n’ai pas été le plus grand fan du dernier album, Love Hate Music Box. Je fais partie de ceux qui l’ont trouvé trop homogène, trop poli, trop axé sur l’accessibilité pop. Une impression de perte de ce côté plus brut, parfois presque unplugged, qui faisait, à mes oreilles, l’authenticité du groupe. Est-ce que le spectacle d’hier m’a permis de me réconcilier avec Love Hate Music Box? Mais avant que RKS ne démarre son show, la soirée s’est ouverte sur une ambiance bien assumée.

L’échauffement vintage d’un groupe bien rodé
Alors que Rainbow Kitten Surprise se distingue par son son unique et difficile à classer, New Translations débarque avec un style beaucoup plus reconnaissable. Ce groupe de rock alternatif du Tennessee semble sorti tout droit des années 80/90 avec une touche de New Wave, offrant un son et un look bien ancrés dans cette époque : pantalons cargo, synthés planants, guitares sèches et tendues, un chanteur au timbre suave, à la fois rétro et enveloppant, qui évoque les voix sensuelles des icônes vintage. Là où Rainbow Kitten Surprise joue la carte de l’originalité brute, New Translations mise tout sur l’hommage festif, léger, parfois carrément sensuel, à un style bien rodé. Si leur son sonne stéréotypé, il est porté par une précision dans la reproduction du genre, enrichie par des structures modernes, montrant qu’ils ont un vrai savoir-faire. Quant au chanteur, il déploie une énergie contagieuse, avec des pas de danse parfois douteux mais ô combien passionnés, sans oublier son apparition mémorable au balcon en plein milieu d’un morceau. Bref, un groupe divertissant et inoffensif, dont la musique, si elle n’étonne pas, reste assez intemporel.
Ça s’appelle : vibrer
Il y a quelque chose de progressif, de particulier, une complexité justifiée dans la signature sonore de Rainbow Kitten Surprise qui échappe aux formats habituels. Le groupe ne se contente pas de suivre des structures prévisibles : leurs compositions évoluent, se déploient comme une aventure musicale qui change de rythme et de ton au fil des morceaux. Les paroles, riches et nuancées, prennent le temps de creuser une idée, une émotion, sans se limiter à des refrains faciles. La batterie accompagne ces variations avec des changements de tempo et de vitesse, suivant le souffle et les tempêtes émotionnelles de chaque chanson. Les harmonies vocales, portées par chacun des membres, surgissent toujours au moment parfait, renforçant la puissance et la profondeur des morceaux. Ce mélange subtil de complexité et de spontanéité donne à leurs chansons un côté à la fois immédiat et mystérieux : on accroche vite, on est touché au cœur, mais on découvre aussi de nouvelles nuances à chaque écoute, comme si la musique se révélait peu à peu.

Le groupe a offert une bonne portion de son plus récent album, Love Hate Music Box, dont la chanson SVO, qui s’inspire des influences hip-hop. Ce n’est pas le rythme de batterie que j’affectionne le plus à l’écoute, mais de le voir interprété en direct a donné une toute autre lecture au morceau. Moins lisse, moins poli, le live a effacé cette impression de surproduction que j’avais en écoutant l’album. Des titres comme Hot Pink Ice Cube ou Superstar étaient agréables, bien exécutés, mais la foule, elle, semblait en attendre davantage. Un peu plus de rugosité, de poésie, de ce petit quelque chose d’inclassable qui fait leur charme. L’enthousiasme était clairement plus contenu que lors des classiques des albums précédents.
Ce qui m’a frappé, c’est à quel point la foule connaissait toutes les paroles des grands classiques du groupe, même ceux aux structures imprévisibles, avec des mélodies moins conventionnelles et des variations de tempo qui demandent plus qu’une écoute distraite pour suivre. Des morceaux comme Cocaine Jesus, Fever Pitch, First Class ou Painkillers ont été livrés avec une précision quasi chirurgicale, tout en gardant cette ambiance parfois planante, parfois électrique. Il y avait quelque chose de cathartique à chanter ces morceaux tous ensembles, comme un moment suspendu où tout le monde vibrait à l’unisson. Un moment fort : le solo de guitare ajouté à When it Lands, particulièrement satisfaisant (et pas juste parce que c’est ma chanson préférée)! Après une sortie en force avec Run, le groupe est revenu pour un rappel avec Thanks for Coming, parfait au revoir complice, et It’s Called: Freefall, pour finir sur un dernier frisson collectif.
Il est vrai que je n’en ressors pas avec l’envie de reconsidérer Love Hate Music Box dans mon palmarès personnel, mais ça n’enlève rien au talent, à l’énergie et au plaisir que les musiciens dégagent sur scène. Avec une setlist généreuse de plus de vingt morceaux, mêlant les gros hits de toute leur discographie, le groupe montre toute la diversité de sa palette sonore, dans une prestation sincère et authentique. D’ailleurs, j’ai un faible pour la nouvelle chanson Espionage. Pour moi, elle se trouve pile à mi-chemin entre l’ancien et le nouveau RKS : assez accessible pour rentrer facilement en tête, mais avec cette texture musicale qui fait toute la richesse du groupe

Rainbow Kitten Surprise est de retour ce soir, mercredi 21 mai, au MTELUS. Peu importe votre album préféré, ou même si vous ne les connaissez pas encore, préparez-vous à être impressionné, touché, et complètement emporté par cette performance.
Crédit photo : Florence Lachapelle / Mattv.ca