Entre moderne et classique

Par Lucia Cassagnet
Jeudi soir, l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) débutait son programme pour le mois de mai avec une soirée intitulée L’étincelant concerto pour piano de Ravel, dédidée aux classiques du début du siècle, le tout sous la baguette du chef d’orchestre invité Andrew Manze.
Avant d’entamer les principales oeuvres de la soirée, on a goûté à une oeuvre de la compositrice canadienne Emilie Lebel, The Sediments.
Inspirée de sources à la fois littéraires et environnementales, les éléments naturels sont clairement apparants.
The Sediments – les sédiments – est une ode à la nature et aux éléments autour de nous. Plus particulièrement, on comprend par le titre de l’oeuvre, que l’eau est le protagoniste principal dans l’histoire que raconte Lebel.
En effet, les écrits de la biologiste marine et militante américaine Rachel Carson, La mer qui nous entoure, est une inspiration directe pour la compositrice.
Cette dernière explique « qu’alors que j’écoute la pluie, l’eau m’entoure. Je pense au poids des sédiments et à notre histoire. L’eau continue de couler, que j’y sois ou non. Tout ce qui a déjà existé est encore là. »
On ressent ce mouvement partout durant la pièce, autant le physique relié concrètement aux déplacements des sédiments à travers les courants marins, et aussi, le mouvement historique de la vie et de la nature.
Le cycle de l’eau existe depuis avant l’arrivée des humains et il continue son rhytme qu’on soit là ou pas.
Cette courte oeuvre, d’une quinzaine de minutes, était rafraichissante et forte à fois, comme peuvent l’être la pluie et l’eau.
Les agencements sonores conjurent les intempéries à l’intérieur de la Maison symphonique.
Les différents instruments, les habituels et des ajouts intéressants dont la matière prime est le métal, donnent vie à la nature.
Place au piano
Pour les deux autres oeuvres de la soirée, on met le piano de l’avant !
Sous les doigts savants et rapides du pianiste invité Benjamin Grosvenor, le génie des compositeurs Maurice Ravel et Ralph Vaughan Williams brille.
Le Concerto pour piano en sol majeur de Ravel a failli « le tuer » selon les dires du compositeur.
L’oeuvre est un mélange de moments calmes et doux, de sauts en intensité et de l’influence américaine à travers le jazz.

Les premières notes nous surprennent déjà en commençant par un « clap » de fouet percussif.
S’ensuit un mouvement davantage doux, très allegro, dont les sonorités virevoltent sur les musiciens.
Puis, l’intensité revient, on se perd dans des rhytmes syncopés.
Le deuxième mouvement, Adagio assai, nous ouvre la porte pour une longue phrase pleine d’émotions au piano.
Grosvenor, qui est arrivé préparé, relève le défi haut la main.
La rapidité d’exécution des miliers de notes qui déroulent dans sa tête nous gardait à bout de souffle.
La conclusion du Concerto aussi soudaine que son début, boucle la boucle de Ravel.
La musique comme réponse à la guerre ?
Ralph Vaughan Williams a composé la Symphonie numéro 6 de 1944 à 1947.
Cette période, qui marque la fin de la Seconde Guerre mondiale et le début de la Guerre froide, a ouvert la porte aux interprétations politiques de l’oeuvre.
Les sons construits par Williams alternent entre des moments très brusques et forts, qui oui, peuvent nous rappeler les champs de bataille chaotiques. Mais, on retrouve aussi des parties très subtiles, où la douceur et un casi-silence prime. Est-ce que ces moments font référence au « après » de la guerre, triste et où on ne trouve pas le mots pour exprimer la réalité ?
La guerre n’est pas la seule à laquelle on pense lorsqu’on écoute Williams.
L’univers Hollywoodien aussi se concrétise un peu durant la représentation. Des mouvements plus allongés, où les sauts subtils entre les intruments nous rappellent les vieux films de l’âge d’or avec les scènes où le même plan restait à l’écran pendant plusieurs minutes.
L’élément de résistance de l’oeuvre est, bien sûr, le piano.
L’orchestre était autant subjuguée par Grosvenor que le public lors des solos de ce dernier.
La Symphonie numéro 6, autant que le Concerto de Gravel, est une oeuvre qui oscille entre les sons classiques et modernes, dont, notamment, des mouvements jazz-esques.
C’était une soirée à l’OSM qui s’éloignait un peu des oeuvres classiques avec un C majuscule dont on a l’habitude d’entendre de leur part.
Crédit photo de couverture : Andrej Grilc
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