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Les Mutant.es

Tissu incertain

Crédit photo : Valérie Remise

Par : Jean-Claude Sabourin

On retrouve les onze personnages sur les bancs d’école, mais l’ont-ils vraiment quitté, laissés à eux-mêmes dans leurs habits d’étudiants bleu marin? Constamment surpris par les directives d’un tuteur virtuel, ces adultes sans âge se démènent, véloces, apportant du rythme au spectacle et un petit quelque chose de ludique.

Les protagonistes de la pièce Les mutant.es construisent une courtepointe fragile dont le fil s’étiole à mesure que celle-ci prend forme. Les morceaux de tissus culturels tirent leur origine de partout, d’ici et d’ailleurs. Toutefois, à force de tisser sur les thèmes de la génération X, l’étoffe cherche la nation pour qui flotter ou les étoiles qui pourraient la décorer.

Crédit photo : Valérie Remise

L’opus de Sylvain Bélanger et Sophie Cadieux présenté au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 14 octobre est d’ailleurs truffé de citations d’écrivains plus ou moins célèbres nous rappelant que les motivations humaines traversent les époques sans prendre de rides; fragments installés dans le texte comme des fioritures de « nouveaux riches ». Des morceaux de pensées qui nous invitent à se demander si la peau du Québec a vraiment encore la couleur de l’adolescence.

Ainsi, on revient souvent en arrière pour observer le présent ou pour y donner davantage d’énergie. Le passé devient une trame profondément nostalgique parfois, ou pas du tout à d’autres moments, dans laquelle les vieux étudiants sont censés avoir puisé quelque chose. Ils en ont assurément tiré des représentations ou des idées, mais, étrangement, peu d’émotions. Leur authenticité est souvent défaillante.

Crédit photo : Valérie Remise

Le tuteur les questionne : Qu’ont-ils pris au monde? À la lumière de leur réponse, pas grand-chose. Et qu’ont-ils laissé? Encore moins. De toute façon, s’eût été une tâche herculéenne que d’offrir un regard significatif alors qu’ils sont encore assis devant le métier à tisser leur univers.

Malgré un fil ténu sur lequel l’émotion ne prend pas, les vieux étudiants arriveront quand même à graduer dans un fatras de lainages, de cotonnades et d’incertitudes. Une image qui nous convainc qu’ils sont bien de la génération sacrifiée.