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Les lettres d’amour à l’Espace Go

 Mots pour maux

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Par : Marie-Claude Lessard

Dans la pièce Les lettres d’amour de la dramaturge Évelyne de la Chenelière, la douleur créée par l’absence de l’être cher subit un traitement multidisciplinaire et épistolaire absolument captivant. L’auteure des Fraises en janvier  illustre ici l’universalité et l’intemporalité de la rupture amoureuse par le biais de lettres déchirantes qui resteront hélas sans réponse. L’héroïne cogite,  hurle et réécrit sans cesse des torrents de mots pour survivre à la peine incommensurable et à la rage incontrôlable ressenties envers la fatalité des paroles prononcées par son ancien époux : Je ne t’aime plus. Isolée dans sa chambre, incapable d’avaler quoi que ce soit, elle trouve un semblant de réconfort dans les lettres imaginées par le poète latin Ovide mettant en scène des figures emblématiques de la mythologie grecque telles que Pénélope et Phèdre qui pleurent et grondent  le départ de leur amant.

Optant pour une scénographie alliant acrobaties, performances musicales, pluie (de larmes) et projections vidéo, David Bobée plonge les spectateurs au plus profond de l’âme de la femme désemparée, incarnée passionnément et intelligemment par Macha Limonchik, remplaçant au pied levé l’actrice française Béatrice Dalle. Si l’écriture résolument contemporaine d’Évelyne de la Chenelière jure d’abord avec le classicisme d’Ovide, elle prend tout son sens au fur et à mesure que la pièce avance,  fusionnant avec l’évolution des sentiments exprimés par la protagoniste. Limonchik campe, avec une authenticité désarmante, les histoires dépeintes dans les mots savamment choisis par les auteurs. Sans changer sa voix et sa posture, elle devient concrètement la colère, la peur et la tristesse des femmes célèbres et celle mise au monde par Évelyne de la Chenelière, qui, elles, symbolisent tous les types de personnalités féminines.

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©Caroline Laberge

Matérialisant les ombres fuyantes des hommes ayant pris le large, les prouesses aériennes planantes d’Anthony Weiss émeuvent. Les chorégraphies, nullement tape-à-l’œil, s’inscrivent dans la poésie crue et cruelle des textes. Les chansons hypnotisantes, interprétées sur scène par le groupe Dear Criminals, rehaussent la portée dramatique du récit même si certains titres s’étiolent inutilement. La voix à la fois douce et écorchée de Frannier Holder séduit à chaque note. Dans Les lettres d’amour, l’amour a perdu toute sa joie. Il a fait place à une haute charge de drame, parfois insoutenable tellement les émotions sont puissantes et véridiques.

Les lettres d’amour est présenté à l’Espace Go jusqu’au 7 mai. Une tournée est prévue en France au courant de l’année.

Texte révisé par : Annie Simard