L’Acadie, au-delà du tintamarre
©Véronyc Vachon/ MatTV
On l’avait annoncé il y a de cela environ un mois : Les FrancoFolies de Montréal allaient accueillir sur la Place des festivals, le plus gros spectacle acadien que Montréal aura connu. Et c’était mercredi soir que le tout s’est accompli. Mis en scène par l’auteur-compositeur-interprète Joseph Edgar, la Soirée Acadie rock rassemblait sur la scène Bell Lisa LeBlanc, Les Hay Babies, Radio Radio, Marie-Jo Thério, pour ne nommer que ceux-là devant une foule dépassant la dizaine de milliers de personnes.
Pour mettre un peu de contexte, Acadie Rock, c’est aujourd’hui un festival d’art à Moncton qui a lieu depuis quelques années dans les alentours du 15 août, la fête nationale des Acadiens. C’est aussi, mais surtout, le titre d’un poème subversif du recueil du même nom paru en 1973 du poète Guy Arsenault. C’était donc de mise que la soirée commence avec la présentation de ce texte, récité par le poète lui-même par le truchement d’une vidéo projetée sur les grands écrans avoisinant la scène. C’était émouvant pour l’Acadienne que je suis d’entendre le Buctouche by the sea, Cocagne on the bay à cette puissance à Montréal.
La première partie du spectacle s’est fait en douceur. Comme pour démontrer à quel point son œuvre a eu une influence sur le succès de cette nouvelle génération d’artistes, Marie-Jo Thério a été la première à prendre la scène. Toujours surprenante, elle a interprété son délicieux Café Robinson qui résonne encore dans mon esprit. S’en est ensuivi la performance de la poète Céleste Godin, dont le texte percutant représente cette Acadie d’aujourd’hui et ce qu’elle est en train de devenir.
Vishtèn, de l’Île-du-Prince-Édouard et des Îles de la Madeleine qui nous ont interprété Terre rouge. Quoique le groupe voyage beaucoup et connaît bien du succès dans plein de festivals de musique dans le monde, il est un peu moins connu par la masse. Ce trio démontre brillamment l’évolution du trad acadien, irlandais, écossais et québécois. Jumelé avec Les Païens, un autre groupe de Moncton moins connu au Québec mais dont le fusion jazz est bien apprécié par plusieurs, on assiste à une collaboration du tonnerre. Soulignons d’ailleurs le solide travail effectué par ces païens qui ont aussi servi d’orchestre-maison, s’adaptant à toutes les sauces proposées lors de la soirée.
Les Hay Babies qui arrivaient tout juste de la scène Ford, avaient décidément la cote mercredi soir alors qu’elles ont présenté Motel 1755. Les Hôtesses d’Hilaire ont aussi fait une entrée remarquée grâce entre autres, à l’excentrique chanteur Serge Brideau. Si ces derniers n’ont pas encore la notoriété des Lisa LeBlanc et des Radio Radio de ce monde, j’ai quand même pu entendre dans la foule un engouement certain pour ce quintette de dirty-blues rock psychédélique.
Parlant de la louve, Lisa LeBlanc était en pleine forme et en paillettes à interpréter son énorme succès Ma vie c’est de la marde, avec le public comme chorale, ainsi que le sympathique Motel. Elle reviendra plus tard nous interpréter le Ti-gars. L’instigateur de la soirée, Joseph Edgar nous a offert avec son Espionne russe qui a été entonnée avec entrain par la foule. Il faut aussi parler de Horizon, joué en duo avec Lisa LeBlanc. C’est toujours un trip de voir ces deux-là ensemble sur scène et je n’étais pas déçue encore une fois.
Il a également interprété un duo avec Amélie Hall, la pièce C’est pas donné. Si ce n’est pas mon genre habituel, j’ai apprécié les textes de cette chanson et Hall possède également une voix remarquable.
En plus de nous présenter les grands noms du moment, Joseph Edgar a aussi mis de l’avant d’autres nouveaux noms de la scène qui méritent de l’attention. Caroline Savoie, cette jeune femme charismatique à la voix puissante qui a remporté les grands honneurs à Granby en 2015. Il y a aussi Pierre Guitard, un chansonnier rock qui nous informe que lors de son dernier spectacle, ils étaient 10 dans la salle. Vu la foule dépassant sûrement le 10 000 sur la place des Festivals, il venait de dépasser toute une étape. Et finalement Menoncle Jason, ce sympathique héritier des Johnny Cash et Grams Parsons de ce monde malgré ses 25 ans qui a su charmer bien des gens dans la foule.
Et quel plaisir de voir le poète Jean-Paul Daoust dans toute sa splendeur épater la foule avec son Tarzan qui rend hommage au regretté poète Gérald LeBlanc (qui avait été parolier de 1755 et de Marie-Jo Thério, entre autres). La fête se poursuit alors que Radio Radio (ici Gabriel Malenfant et Jacobus) a offert un medley de leur succès et ça a levé dans le public qui chantait et dansait avec eux.
C’est au Hay Babies que l’on a donné la tâche de terminer la soirée avec La Poule, douce mais entraînante, accompagnée de tous les artistes invités sur la scène.
Joseph Edgar n’avait pas une tâche facile qu’est de représenter la scène musicale acadienne actuelle. Il avait somme toute, l’embarras du choix en termes d’artistes acadiens, ce qui est un bon signe finalement. Sa sélection était tout de même bien jouée. L’Acadie a la réputation d’être festive, mais au-delà du tintamarre, elle est aussi capable d’être calme, introspective et engagée. Je l’ai ressenti mercredi soir.
Finalement, la Soirée Acadie Rock, c’est aussi le résultat de plusieurs années de travail et d’efforts à se faire reconnaître sur une scène qui tardait parfois trop à le faire. Ce n’est maintenant plus le cas. L’Acadie ne joue plus dans la cour des grands, car elle peut se considérer belle et bien parmi eux. Continuons d’évoluer dans cette voie.
Crédit photo : ©Véronyc Vachon/MatTv.ca
Texte révisé par : Nabila Chabane