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La mort des Éternels à La Licorne

Au bout du néant, le (re)commencement…

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©Marc Charlebois

Par : Marie-Claude Lessard

Pour célébrer ses 20 ans de carrière, la troupe de théâtre Les Éternels Pigistes, composée des comédiens Pier Paquette, Christian Bégin, Isabelle Vincent et Marie Charlebois, s’offre un faux suicide artistique. Avant même le début de la représentation, la fin fictive de cette compagnie s’amorce par un clin d’œil nostalgique avec le visionnement muet du documentaire T pour théâtre, diffusé sur les ondes de Radio-Canada en 2008. Écrite par Isabelle Vincent, qui signe ici sa première pièce en solo, La mort des Éternels transporte le public dans un voyage métaphorique complexe et éparpillé duquel découlent toutefois des interrogations pertinentes mais inabouties sur le financement des arts, la mort, les fantômes du passé et l’héritage légué à la société.

Devant une image de pierre tombale sur laquelle est inscrite Les Éternels Pigistes 1996-2016, les acteurs, sans costume ni artifice, s’avancent pour annoncer le décès des Éternels Pigistes. À travers des moments d’hésitation, ils se questionnent sur la meilleure manière de clore leur belle aventure théâtrale. La pièce ne symbolise pas la mort complète de la troupe. Elle symbolise la fin d’une ancienne méthode pour mieux s’acclimater à un futur nouveau processus, principalement forcé par les subventions financières de plus en plus difficiles à obtenir. Déterminés à s’exclure du monde artistique, les quatre amis partent en bateau et se retrouvent au milieu de nulle part. Surgissent des réincarnations de leurs parents qui tentent de les dissuader de commettre ce carnage collectif, tous sauf Laura, la mère de Christian Bégin. Marie et Isabelle incarnent le visage paternel de leur famille respective alors que Pier campe – étonnamment – Virginia Woolf.

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©Marc Charlebois

Enfin, voici ce que j’ai compris de ce texte extrêmement dense. Il est ardu de résumer de façon concise et limpide La mort des Éternels. Les thématiques abordées s’avèrent intéressantes, mais le traitement qu’on leur accorde ne leur rend aucunement justice. Les spectateurs se sentent constamment perdus dans cette surenchère de mots savants, ne sachant pas trop ce qu’ils doivent retenir réellement. Malheureusement, les idées avancées se contredisent et se terminent bien souvent avec des blagues sexuelles de bas étage. Même si la pièce dure seulement 65 minutes, le fait de ne jamais recevoir de réponses concrètes et de constamment plonger dans un monde inutilement mystérieux crée un sentiment d’ennui. On reconnaît la richesse poétique du texte, mais les émotions ne nous envahissent pas.

Ceci dit, Claude Desrosiers propose une mise en scène inventive. Il utilise judicieusement tout l’espace de la salle. Le décor multimédia, qui projette une vidéo d’une mer et d’invitants nuages, convie l’audience à un état de sérénité et d’apaisement, tout le contraire des propos relatés. En ce sens, le contraste procure un effet satisfaisant. La pièce donne également lieu à des performances inoubliables. On ne peut que louanger l’abandon des comédiens. Ils se dévoilent sans censure ni limite. Toute la distribution sans exception livre leurs répliques avec une franchise désarmante.

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©Marc Charlebois

La mort des Éternels est à l’affiche au Théâtre La Licorne  jusqu’au 7 mai 2016. Il s’agit de la dernière pièce autofinancée par Les Éternels Pigistes. La prochaine pièce de la troupe, Pourquoi tu pleures…? de Christian Bégin, présentée dès novembre prochain, sera produite entièrement par le Théâtre du Nouveau Monde.

Texte révisé par : Annie Simard