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La chronique littéraire : Sa parole contre la mienne

Une vérité en cache une autre

© www.renaud-bray.com

Par : Johanne Mathieu

Heureux que ce retour de Chrystine Brouillet avec l’un de ces suspenses magistraux dont elle a le secret. Pour le plus grand plaisir des lecteurs, l’auteure propose donc son tout dernier roman, publié chez les Éditions Druide : Sa parole contre la mienne.

Myriam Langelier est une journaliste déterminée qui a dans sa mire les frasques sexuelles d’un animateur vedette, Jacques Gervais, et dont l’une des amies a été la victime. Elle se donne ainsi pour but de trouver d’autres femmes qui ont subi le même sort et est à la recherche de faits avérés pour créer un dossier en béton. Alors qu’elle creuse dans le passé de l’homme, son enquête s’élargit et s’oriente vers l’entourage de l’animateur, en particulier vers trois individus : Clovis Marceau, Nelson Morin et Derry Walsh. Certaines des personnes qui gravitent autour de Jacques Gervais ne sont pas blancs comme neige. Jeux de pouvoir, liens inavouables, trahisons ou meurtres, son investigation prendra une ampleur insoupçonnée, car une vérité en cache souvent une autre. Dans cette enquête, la jeune femme recevra l’aide d’un policier aussi tenace qu’elle afin de lever le voile sur les crimes terribles qu’ont subi de trop nombreuses femmes.

« C’était la faille de ce paon, devoir maintenir cette image de gars
à qui tout réussit, à qui le monde entier sourit, pour qui la vie est un buffet
où il n’a qu’à prendre ce qui lui fait envie ».

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Ce nouveau roman de Chrystine Brouillet s’inscrit dans la foulée des scandales sexuels des Gilbert Rozon, DSK et Harvey Weinstein entre autres, de même que du mouvement #moiaussi, et démontre que plus que jamais, il faut dénoncer le comportement d’individus qui se croient tout permis, agissant souvent en raison du pouvoir qu’ils détiennent ou de l’élite à laquelle ils appartiennent, et ne plus minimiser les ravages que peuvent provoquer ces écarts de conduite inacceptables. D’autre part, Myriam Langelier n’est pas Maud Graham, mais les deux personnages féminins créés par l’auteure ont un point en commun : leur grande détermination et leur insatiable soif de justice. Rien ne peut décourager l’entêtée journaliste. On suivra également celle-ci dans une autre quête : celle de découvrir ses origines. Peu importe où cela la mènera, dans un cas comme dans l’autre, la vérité la happera de manière inattendue. Dans cette histoire qui se déroule sur une trentaine d’années, il est intéressant par ailleurs de suivre l’évolution de certains personnages, parfois surprenante et imprévisible. Chrystine Brouillet nous fait véritablement plonger dans la psyché des personnages, qu’ils soient chercheurs de vérité, agresseurs ou victimes, ce qui ajoute à la profondeur du roman.

L’auteure conscientise sur une thématique criante d’actualité, et tout comme le personnage de Myriam, cherche à décrier, à débusquer l’inavouable, par le biais de cette intrigue qui est amplement à la hauteur des attentes. L’écrivaine se surpasse et demeure, comme toujours, au sommet de son art.

Sa parole contre la mienne, de Chrystine Brouillet (2021), Éditions Druide, Montréal, 455 pages.