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La Bohème

On vit, on meurt, en quatre actes !

Crédit photo: Gabriel Talbot

Par Lynda Ouellet

Ce samedi 10 mai a eu lieu à la salle Wilfred Pelletier la représentation de La Bohème, cet opéra italien immortel à nos cœurs de Giacomo Puccini.

Composé entre 1892 et 1895, La Bohème est une fenêtre sur la pauvreté et la misère du monde des artistes vers la fin du 19e siècle. En quatre actes, nous avons pu vivre des montagnes russes d’émotions.

Acte 1 : Puccini nous amène dans l’intimité de Rodolfo, Marcello et de leurs amis qui vivent dans une joyeuse pauvreté, entourloupant le propriétaire venu chercher son loyer, démontrant leur manque de moyens et leur faim. C’est alors que Mimi, une charmante voisine vient demander de l’aide puisque sa chandelle est éteinte. Elle s’évanouit. Rodolfo l’aide et en un superbe air, O soave fanciulla, ils tombent passionnément amoureux.

Acte II : Soirée animée au café Momus, Musetta, une autre belle femme arrive avec un riche prétendant, mais c’est Marcello qu’elle veut. Puccini nous illustre dans cet acte la frivolité et l’innocence de la populace, qui rit et s’amuse mais sans en avoir les moyens. Le metteur en scène, François Racine, a brossé un tableau sidérant par le décor (création de Peter Dean Beck) et surtout le nombre de figurants et chanteurs qui emplissent la scène et il nous inclut dans cette atmosphère à la fois festive et miséreuse.

Acte III : Scène intimiste entre Rodolfo et Marcello, qui explique sa jalousie par la crainte de la perdre à la maladie. Mimi entend, ils décident de se séparer au printemps. Pendant ce temps Marcello et Musetta se disputent violemment. Cette scène, si elle était jouée dans le contexte de 2025 serait difficilement acceptable. On y parle d’amour toxique, de violence et de comportements homme-femme inacceptables aujourd’hui. Fin 19e, on voit les mœurs d’une autre époque.

Acte IV : C’est la scène où Mimi mourante revient chez Rodolfo. On retrouve la générosité et le grand cœur des amis qui vendent leurs biens, y compris Musetta qui vend ses bijoux, pour se procurer des médicaments et un médecin pour sauver Mimi. Comme dans tout bon opéra, ce n’est pas suffisant, Mimi meurt et Rodolfo s’écroule.

Une direction artistique bien rodée !

Crédit photo: Gabriel Talbot

Le metteur en scène, François Racine, a retenu des chanteurs qui étaient de l’âge et du gabarit des personnages. Le public a pu souscrire plus facilement aux codes du livret pour participer et assimiler ce Paris d’autrefois. Il s’est imprégné du courant vériste qui a succédé au baroque pour transmettre l’œuvre de Puccini qui dépeint la jeunesse, la pauvreté, l’amour et la mort, dans une atmosphère à la fois joyeuse et tragique.

Les décors étaient formidables, nous amenant dans trois environnements : la mansarde, en extérieur du logis et le fabuleux café Momus.

L’Orchestre métropolitain, sous la direction du chef Simon Rivard, nous a accompagné comme un personnage supplémentaire en finesse et accents toniques.

Lauren Margison (Mimi) nous a ébloui par sa puissante voix juste et émotive de même qu’Andréa Núñez (Musetta) dont le jeu était sans faille. Frédéric Antoun (Rodolfo) a une superbe voix, juste et agréable et s’il y avait eu un peu plus de puissance, les duos avec Mimi auraient été inoubliables. John Brancy (Marcello) avait la touche d’émotions et de flamboyance requise dans son rôle. Les autres protagonistes, tous à point, tant dans leur interprétation que dans leur jeu.

Pur bonheur à tous nos sens !

Crédit photo: Gabriel Talbot

L’Opéra de Montréal nous présente des opéras intéressants, bien montés et dirigés. La salle était comble et comblée, signe de la qualité de l’offre et de l’existence d’un public pour ce genre. Celui-ci était diversifié, ce qui est un signe de santé pour la maison.

Si vous voulez voir un portrait de la vie de Paris du 19e siècle, dans une histoire où les situations sont à la fois dramatiques et joyeuses, dans des décors superbes et surtout avec des interprètes de grande qualité, il faut voir La Bohème. On y vit et on y meurt sans s’éterniser et surtout, c’est accessible à tous.

Crédit photo: Gabriel Talbot