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Retour sur les Jutra

Le raz-de-marré Mommy

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©RenaudVinet-Houle/MatTv.ca

Par MaximeD.Pomerleau

Pénélope McQuade et Stéphane Bellavance l’ont affirmé avec justesse, les Jutra ont deux choses que les Oscars n’ont pas : du rythme et Xavier Dolan. C’est dans des enchaînements fluides et ponctuée de remerciements concis et inspirants que la 17e soirée des Jutra s’est déroulée dimanche au Monument National. 1987, Tom à la ferme, Tu Dors Nicole et, bien sûr, Mommy, étaient en tête des nominations.

 

Raz-de-marée

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Tout comme les Canadian Screen Awards, on pourrait renommer le gala les Prix Mommy tellement le raz-de-marée Mommy a été puissant. Ayant commencé son aventure à Cannes, le film a remporté le Jutra du Film s’étant le plus illustré à l’extérieur du Québec en plus du Billet d’or, qu’on lui savait déjà décerné.

Les premiers prix remis ont salué le talent des artisans derrière 1987 avec les Jutra Meilleure coiffure (on se demande pourquoi!), Meilleurs costumes et Meilleure direction artistique. Le film de Ricardo Trogi a obtenu un gros succès critique et populaire dès sa sortie l’été dernier, si bien que le réalisateur prépare un nouveau film… 1991. Le Jutra pour Meilleur maquillage a été remis à Lizianne Lasalle pour son travail sur le lumineux film Henri Henri, qui récoltait ce soir-là quelques nominations.

André Turpin, nommé deux fois dans la même catégorie, s’est vu remettre le Jutra pour la Meilleure direction de la photographie sur Mommy. Il a profité de la tribune pour déplorer la récente coupure dans le financement du Prix Collégial du Cinéma Québécois. Alors que le cinéma québécois arrive à maturité, qu’il est vendu et distribué partout dans le monde, il est très peu vu au Québec. Le PCCQ est un outil de promotion et d’éducation extraordinaire qui permet chaque année à 1000 élèves de 45 CÉGEP de voir les cinq films en nomination pour Meilleur film, de les analyser et d’en discuter. Cette année le prix décerné par les étudiants est allé à Tu Dors Nicole, qui nous rappelle avec raison ces étés à flâner entre la job étudiante et la piscine, à l’aube d’une vie d’adulte et de responsabilités. Le film a été récompensé pour Meilleur son et Meilleure musique originale, pour l’excellent travail de Rémy Nadeau-Aubin et Organ Mood.

Le prix du Meilleur court métrage a été remis au savoureux film de François Jaros Toutes des connes et le Jutra du Meilleur court métrage d’animation a été remis à Jutra de Marie-Josée Saint-Pierre. J’aime ce genre de mises en abîme. Le prix du Meilleur long métrage documentaire a été remis à Serge Giguère pour son travail sur Le mystère MacPherson et le réalisateur a démontré avec des remerciements plats et décousus qu’il était bien meilleur derrière la caméra que devant.

 

« T’as un trou dans ta mitaine »

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Le Jutra Hommage de cette 19e édition était remis à un homme qui a pratiquement passé sa carrière à concevoir des films mettant en scène des jeunes, pour des jeunes. Le père de La guerre des tuques, Bach et Bottine et grand contributeur des Contes pour tous, André Melançon a marqué l’imaginaire de générations de Québécois et de nombreux artistes sont venus lui rendre hommage sur scène.

Il a ensuite pris son temps pour livrer un discours à la fois sensible et poétique, lucide et engagé. Le gala était à peine terminé que ses mots se retrouvaient sur les réseaux sociaux : « Étonnez-nous, questionnez-nous, bousculez-nous. Faites nous rire, faites nous pleurer ; c’est important. Faites nous penser ; c’est important. Faites nous rêver ; c’est essentiel. » Après avoir salué la force créatrice de la jeunesse, il y est allé de cette belle chute : « Longue vie à la culture québécoise, longue vie au cinéma québécois, longue vie à la Cinémathèque Québécoise ». L’hommage s’est terminé sur une immense bataille de boules de neiges de styrofoam, Melançon regardant du haut de la scène tous ces grands enfants s’éclater. Une image très émouvante et un magnifique segment du gala.

Du côté des acteurs, on a salué l’interprétation de Suzanne Clément comme Meilleure actrice de soutien, Antoine Olivier Pilon comme Meilleur acteur et Anne Dorval comme Meilleure actrice. Cette dernière a livré un vibrant discours sur sa relation avec le réalisateur, qu’elle inspire depuis maintenant 10 ans : « Merci pour tes cris, tes excès, tes mots et tes actions ». Avec son rôle dans Les Parents, J’ai tué ma mère et Mommy, elle est devenue une mère aussi mythique que Danielle Proulx. Pierre-Yves Cardinal repart quant à lui avec le Jutra Meilleur acteur de soutien pour Tom à la ferme, Mommy n’y étant pas nommé, mais il reste tout de même dans le giron Dolan. C’est donc dire que grâce au prolifique et prodigieux réalisateur, de nombreux artistes et artisans sont repartis un trophée à la main.

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Lors de ses nombreuses apparitions sur scène, Xavier Dolan a pris quelques moments pour parler du cinéma québécois mais a aussi questionné notre société; l’élégance et l’intelligence de dire ou de taire quelque chose. Il a rendu hommage à ses parents, ses sources d’inspirations premières, ainsi qu’à la franchise et l’honnêteté de ses amis et sa famille qui en font aussi les monteurs de ses films. Il a célébré le talent d’ici et souligné la diversité et la richesse du cinéma québécois. Mais il a surtout terminé le gala avec une citation magique de Dumbledore (seul lui peut faire ça) : « Vous savez, on peut trouver le bonheur même dans les moments les plus sombres… Il suffit de se souvenir d’allumer la lumière. »

C’est sur ces paroles sages, après 2h10 de gala, que nos deux animateurs ont pu souffler. Pénélope McQuade et Stéphane Bellavance, qui succédait à Laurent Paquin, ont fait un travail admirable à la barre d’un gala qu’on dit souvent difficile à animer. En tout, c’est dix prix que Mommy a remporté, ce qui en fait un des films les plus récompensés de l’histoire  du cinéma québécois. Le cinéma nous représente de façon grandiose, intime, sombre et extraordinaire. Célébrons-le, toute l’année.

#GalaJutra

Crédit photo: ©RenaudVinet-Houle/MatTv.ca