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Ivresse au théâtre

Un décapage spirituel

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© Nicolas Descôteaux  

Par : Sébastien Bouthillier

Le Prospero n’est pas un théâtre reposant. Les Enivrés le démontrent en bousculant le spectateur hors de sa zone de confort. La pièce exige qu’il se procure le mode d’emploi pour la comprendre…

Les dix personnages macèrent dans la vodka, dont ils s’imbibent nuitamment. L’intoxication à l’alcool vire en séances de règlements de compte entre amoureux, couples et amis. Aucun acteur n’incarne un personnage sobre, ils se saoulent à s’écrouler mollement au sol.

L’impressionnante distribution dépasse les rôles convenus : Maxime Denommée enterre sa vie de garçon avec une nouvelle amoureuse, Paul Ahmarani se prend pour Dieu, Dominique Quesnel revêt un costume d’ours notamment.

Les protagonistes luttent contre la fatigue, mais pas seulement celle de leur corps difficile à maintenir debout. Les comparses déstabilisent aussi leur âme, chaque rasade engloutie décape leur certitude à propos de l’existence. Ils constatent l’absurdité de la vie.

L’alcool révèle aux personnages leur propre inconscient. Désirs, secrets et mensonges deviennent transparents et les soulagent d’un fardeau dont ils se moquent désormais. Plusieurs interprétations demeurent en suspens, propres aux angoisses de chacun des spectateurs…

 

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Après Don Juan revient de la guerre, Florent Siaud signe une mise en scène idoine au cœur d’une nuit trouble. Un rideau de bandes transparentes illustre les replis de l’inconscient, et des ballons blancs évoquent quelques bulles au cerveau. L’espace de jeu s’ouvre sur tous les possibles soulevés par les questions philosophiques des soulons.

Tous les amis d’enfance de l’auteur Ivan Viripaev sont morts. Dans son village natal de Sibérie orientale, l’alcool, le sida, la drogue et les armes limitent l’espérance de vie. Selon lui, « le théâtre m’a sauvé d’une carrière de criminel pour une seule et bonne raison : le banditisme et le théâtre ont deux choses en commun : le romantisme et l’escroquerie! »

Les Enivrés, présentée au théâtre Prospero jusqu’au 16 décembre.

Crédit photo : © Nicolas Descôteaux

Texte révisé par : Annie Simard