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Fabien Cloutier s’assume

Un premier one-man show décapant

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 © Carolanne Lamontagne/MatTV.ca

Par : Maxime D.-Pomerleau

Le gratin artistique et médiatique était réuni au Théâtre Outremont pour la rentrée montréalaise de Fabien Cloutier, auteur et comédien bien connu pour son style décapant. C’est en famille que l’artiste a livré son premier spectacle d’humour, devant plusieurs acteurs avec qui il a travaillé dans le passé et des collaborateurs de Radio-Canada, où il tient plusieurs chroniques régulières.

Dans son premier one-man show, Assume, Cloutier s’amuse avec sa verve habituelle à critiquer les travers de ses contemporains, desquels le public se distancie, évidemment. On retrouve donc un gars plein d’aplomb qui ressemble beaucoup au chum à Chabot, qu’on a connu avec Scotstown et Cranbourne, signe que le personnage n’est peut-être pas très loin de l’auteur après tout. Dès qu’il empoigne son micro, Fabien Cloutier nous emmène dans une virée de 90 minutes, où il grossit les travers des gens pour monter des caricatures dont il narre avec ardeur les expériences de vie intimes, sexuelles et virtuelles. Il malmène gentiment les Jacquelin et Yves de ce monde poqué, et nous rappelle l’existence de ces gens sans histoire apparente, au quotidien fade qu’on cherche à éviter par tous les moyens, et à qui on ressemble beaucoup plus qu’on veut le croire.

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C’est une invitation à assumer ses jugements, assumer ses grossièretés, mais surtout assumer ses défauts. Les personnes handicapées, les politiciens, les vedettes, les homophobes, les islamophobes, les gens de la Gaspésie autant que de la Beauce, le Carnaval de Québec et l’industrie de la coiffure au Saguenay-Lac-Saint-Jean (Fabien, la quantité de spray net utilisée est sans doute pour se protéger des effets de la bauxite de l’Alcan), tout le monde passe dans le tordeur, écureuils inclus!

Comme dans ses pièces de théâtre, ça ne prend pas de temps pour que la situation dérape; comme ce bref mais intense passage sur un forum de discussion de mamans où papaya21 vient foutre le bordel en demandant s’il est correct de donner du McDonald à un enfant de 14 mois. L’acceptabilité sociale de la chose prend le bord, et on se retrouve rapidement à juger des aptitudes parentales de biobeauty et babaloune selon leurs photos de profil.

L’artiste interprète passe aussi un bon moment sur la vacuité télévisuelle des émissions du type change ta cuisine et trouve un sens à ta vie, qui pullulent sur nos écrans, reflet criant sur notre incapacité à nous prendre en main (individuellement et collectivement) et où l’on préfère mettre notre destin entre les mains d’un styliste dénué de toute compassion que de se risquer à prendre une décision, aussi futile soit-elle.

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La matière brute de ce premier spectacle d’humour corrosif est accessible, et son discours acerbe rejoindra certainement les gens de toutes les régions. Il se produira d’ailleurs le 6 mai à Brossard, le 19 mai à Saint-Hyacinthe, le 20 mai à Sherbrooke, et on lui espère plusieurs dates pour les prochains mois. Le niveau de langue et le rythme des histoires appellent plus au théâtre qu’au stand-up classique, bien qu’on puisse comparer son style à ceux d’humoristes tels Guillaume Wagner et Mike Ward, qui manient aussi bien le trash et le second degré à leur manière. Ce n’est pas la proposition radicale à laquelle on pouvait s’attendre, mais le pari de faire rire tout en envoyant un crochet est réussi.

Avec Assume, Fabien Cloutier dresse un portrait grinçant de nos interactions sociales déficientes et de nos rêves faits de mélamine blanche. Loin d’être le premier à aborder les thèmes des relations de couple, des médias et de la vie embourbée dans le quotidien, c’est dans l’assemblage des mots et les expressions colorées que Cloutier se démarque. Il vise juste en exploitant ces lieux communs, mais voilà, la critique est parfois diluée au profit de blagues prévisibles (les seins pendants et les granos, on a fait le tour…) qui apportent peu à l’humour, mais confirment que l’on ne sait toujours pas se passer de ces personnages stéréotypés qui peuplent notre imaginaire collectif.

Fabien Cloutier assume, oui, mais ne brasse pas la cage autant qu’il le prétend.

Crédit photo : ©Carolanne Lamontagne/MatTV.ca

Texte révisé par : Annie Simard