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Doigts d’auteur de Sol

Une voix s’envole!

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© Jean-Philippe Baril-Guérard

Par Sébastien Bouthillier

Cinq personnages mettent les pieds dans les plats pour que les mots de Sol leur montent en bouche, un délice pour les oreilles! La compagnie ExLibris inscrit ainsi sa marque sur les textes de Sol, le clown clochard interprété par Marc Favreau durant plus de quarante ans.

Le personnage de Sol a paru à partir de 1958 dans l’émission La boîte à surprises de Radio-Canada. Favreau n’a pratiquement pas enfilé d’autres habits que le complet délavé, usé et taché de cet homme d’affaires que la Grande Dépression a jeté à la rue.

Il appartient au genre tramp et auguste des clowns, ceux qui sont tristes, esseulés, maladroits. Mais Sol conserve sa dignité à travers les vicissitudes de sa vie, jamais il ne s’apitoie. Il déroule les trésors de son imagination sur sa langue. Car Sol est si riche en mots dits sens dessus dessous que chaque situation qu’il raconte digresse sur dix autres.

En effet, les cinq comédiens qui empruntent ses paroles renversent, eux aussi, la signification des situations qu’ils vivent par leur façon de les raconter. Le quiproquo occupe une place choyée, des mots étant pris pour d’autres, tandis qu’à toutes les phrases des préfixes ou des suffixes sont raboutés à d’autres racines que celle du mot auquel ils sont normalement accolés.

Avec Sol, la norme orthographique est transgressée pour lui rendre hommage. Car on ne rigole que par rapport à notre connaissance de la règle, dont le dépassement crée le sens insoupçonné et loufoque. Les figures de style sont convoquées et la langue lustrée illustre des situations banales devenues exceptionnelles parce qu’elles sont racontées fabuleusement. Le plus célèbre clown québécois n’a toutefois pas incorporé de québécismes dans ses monologues.

Le metteur en scène, Nicolas Gendron, compte parmi les comédiens Maxime Beauregard-Martin, Isabeau Blanche, Gabriel Dagenais et Olivia Palacci. Ensemble, ils abattent le quatrième mur à l’instar de Sol; ils repoussent la ligne dramaturgique plus loin autrement dit. Deux apparitions spéciales, mais pas spatiales, ponctuent la soirée : celles de Clémence Desrochers et de Marcel Sabourin.

Les textes de Favreau ont reçu les coups de pouce de Marie-Lise Chouinard, d’Annie Cloutier, de David Leblanc et d’Anne-Marie Olivier, notamment pour représenter le pouvoir insolent face à un premier ministre inexpérimenté épris d’égoportraits… Bref, le clown est mort, vive le clown, il ne mourra jamais!

L’enfance de l’art, à la Salle Fred-Barry jusqu’au 11 mars

Crédit photos : Jean-Philippe Baril-Guérard

Texte révisé par : Johanne Mathieu