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Bienvenue à Suburbicon : Un Get Out de seconde classe

Une ville narcotique

suburb1©Entract Films

Par : Marie-Claude Lessard

Pour tout cinéphile qui se respecte, un film scénarisé et/ou réalisé par Joel et Ethan Coen doit être non seulement largement attendu mais également consommé avec plaisir. Or, les récents efforts de ces frères oscarisés (Hail Caesar et Gambit notamment) tendent à faire mentir ce principe. Les déceptions se poursuivent malheureusement avec Bienvenue à Suburbicon, qui est à l’affiche dès aujourd’hui.

La bande-annonce, entraînante à souhait,  indique pourtant une folle satire typique du tandem : une distribution de haut niveau, des dénonciations dépourvues de complaisance sur les problèmes sociaux que traversent l’Amérique moderne et des scènes complètement déjantées et délicieuses qui s’imbriquent inexplicablement à la perfection dans l’histoire dépeinte. Ces images promotionnelles intriguaient, car elles ne dévoilent pas explicitement l’histoire principale, mis à part une révolte et quelques meurtres. Très prometteur, en effet!

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Or, la prémisse s’avère inintéressante et étonnamment prévisible, ce qui est d’autant plus décevant venant de la part de scénaristes ingénieux. Dans une banlieue paisible et paradisiaque nommée Suburbicon, tous les clichés reliés au mode de vie de rêve se côtoient. Gazons toujours fraîchement coupés, enfants modèles, des relations amicales entre voisins… Cet équilibre se voit perturbé lorsqu’une famille noire déménage dans le quartier et que deux ignobles voleurs détruisent une famille d’apparence honnête. Le paternel Gardner (Matt Damon) tente de trouver le coupable pour se venger.

Les spectateurs assistent alors à l’une des pires enquêtes présentées au cinéma durant la dernière décennie. Aucune surprise. Aucune tension. Aucune adrénaline. Tout est deviné quelques minutes après le drame ayant ébranlé Gardner, son fils Nicky (Noah Jupe) et sa tante Margaret (Julianne Moore). Oui, aussi vite. Ce qui amène l’auditoire à se demander si les Coen ont véritablement manqué d’imagination ou si c’était tout planifié. Aussi étrange que cela puisse paraître, ce peut être une possibilité plus qu’envisageable. Surtout venant de la part des frères Coen.

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Le script part dans tous les sens. Il se cherche entre un crime convenu  exaspérant, une critique sur la quête avide d’une existence utopique et une histoire pleine de potentiel de racisme aux proportions exagérées pour passer un message de tolérance, un peu comme l’a brillamment fait Get Out il y a quelques mois. Les liens entre ces éléments s’avèrent boiteux, mais ils sont quand même là si on se prête à une analyse. Par exemple, peut-être que les créateurs, avec leur absurdité légendaire, ont voulu démontrer que les sempiternels égoïstes problèmes des gens de banlieue sont plus importants et intéressants que la discrimination gratuite en nous servant un divertissement volontairement paresseux et fade. Comme il s’agit de suppositions et que le sous-texte n’est jamais entièrement perceptible, cette volonté ne fait aucunement de Suburbicon un film décent pour autant.

Bien que l’on sente le ton noir et cinglant des scénaristes lors du dernier acte, cela ne suffit point à compenser les nombreuses longueurs. Qu’elle soit volontairement nulle ou pas, on se fout de l’origine du drame ayant secoué la famille. Et la musique extrêmement lourde et agaçante d’Alexandre Desplat, rappelant les films d’horreur des années 40, n’aide en rien.

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Au chapitre des performances, Julianne Moore, qui interprète deux rôles, continue de prouver qu’elle peut radier même lorsque le film dans lequel elle joue tombe à plat. Tantôt séduisante, tantôt extrêmement désagréable, elle affiche un réalisme sidérant. En plus, la caméra l’aime. Impossible de se détourner de son regard si expressif. On ne peut en dire autant de Matt Damon, constamment sur le pilote automatique. Même si le rôle commande une certaine rigueur, on ne le sent jamais investi et inspiré.

Nous ayant toujours habitué à une alternance de films décevants et de bijoux, on peut néanmoins se rassurer en se disant que les frères Coen ne nous proposent pas ici leur arrêt de mort… Si?

Ce film est à l’affiche depuis le 27 octobre 2017.

Note : 2/5

Texte révisé par : Marie-France Boisvert