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Aller où personne n’ose

L’Usine C dévoile sa programmation exubérante

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© Dec Presse

Par : Sébastien Bouthillier

« L’expression artistique ne doit connaître aucune limite, ni la censure ni le mépris. Elle se permet d’aller où personne n’oserait. Elle révèle les peurs, les fantasmes, les traumatismes, interroge la mort et les pulsions enfouies. Elle est ce langage universel qui seul peut relier les êtres par-delà leurs différences », a déclaré Danièle de Fontenay, directrice générale et artistique.

Cet automne, l’Usine C occupe toujours la place qui lui appartient : lieu précurseur de création ou de diffusion de 7 œuvres percutantes.  Le spectateur jubile ou déteste, mais chaque artiste l’atteint et lui ôte son indifférence.

Exceptionnellement, du Lion d’or résonneront Les premiers adieux de Miss Knife, le premier spectacle de la saison. Olivier Py met en scène son alter ego, une diva resplendissante et démoniaque juchée sur ses hauts talons, qui déploie ses ailes pour s’envoler hors de sa cage d’oiseau exotique. Des cabarets de Berlin aux cirques improvisés, en passant par les casinos démesurés, elle chante, pleure et danse sa vie. Du 13 au 15 septembre.

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© Usine C

La performeuse et metteuse en scène australienne, Nicola Gunn, élèvera le volume ensuite. Dans Piece for Person and Ghetto Blaster, elle livre une réflexion humoristique sur la morale aujourd’hui. Ses questions existentielles confrontent le relativisme culturel et la rectitude politique : pouvait-elle intervenir, lors d’un voyage à l’étranger, auprès d’un homme et des enfants qui lançaient des pierres à un canard?  Du 27 au 29 septembre.

La prolifique Angela Konrad profite de sa résidence d’artiste à l’Usine C pour approfondir son exploration des comportements détraqués, ce que l’acteur Éric Bernier démontrera par une dénonciation du narcissisme et de la quête toujours insatisfaite du bonheur. Last Night I dreamt that somebody loved me enferme l’acteur avec quatre danseurs et un chien dans un huis clos aux accents de musique pop, mais pathétique. S’il ne donne pas les réponses, le chien aide néanmoins les humains à se poser des questions sur le sens de la vie. Wouf!  Du 10 au 21 octobre.

Dédoublements de programme les 31 octobre et 1er novembre. Un couple, les Belges Mossoux-Bonté, allieront danse et théâtre dans Vice Versa, qui dévoile les démons intérieurs à travers un monde de délicatesse. C’est du théâtre en miniature, où deux danseuses luttent dans le clair-obscur de la scène contre l’oppression de leur intimité. Ensuite, Daina Ashbee livre Serpentine, seule, d’après la partition d’un orgue électrique, malgré la fatigue induite par ses mouvements répétés. Elle affirme sa condition de femme et ses origines cris et métisses contre l’histoire coloniale. Comment la sensualité de la danseuse propage l’idée d’une violence ardente?

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© Mikha Wajnrych

Un si gentil garçon déterre les drames enfouis dans son passé du 7 au 18 novembre. Attention : théâtre radical sans tendresse. Transformation de l’espace en fresque multisensorielle. Les traumatismes dominent ainsi Denis Lavalou dans le rôle de Polo, qui chute jusqu’aux bas-fonds de l’underground musical madrilène. Les souvenirs remontent des années 1990, à moins que Polo redescende en enfer en se remémorant le dangereux cocktail des drogues, d’alcool et d’instincts en furie. La recette du crime sexuel, un désir qui déraille.

Après deux soirs à guichet fermé au FTA en juin, le chorégraphe Frédérick Gravel se déchaînera à nouveau les 29 et 30 novembre à l’occasion d’une messe obscure aux accents ludiques et festifs. Certes, il adresse quelques mots au public avec douceur, lenteur et candeur avant que les mouvements et la musique live n’emportent dans leur cadence les neuf danseurs dans une bataille perdue d’avance contre la décadence du siècle, il n’a que dix-sept ans pourtant. Tout ce qui subsiste, c’est la pulsation inexpugnable dans le cœur des interprètes, pulsation qui insuffle un peu d’espoir à l’âme de ces bâtards contemporains : Some Hope for the Bastards.

Enfin, le 7 décembre Cette chose qui cognait au creux de sa poitrine sans vouloir s’arrêter mélange musique, danse, théâtre et arts visuels. En collaboration avec Alexia Bürger, l’auteur-compositeur-interprète Antoine Corriveau imagine avec sensibilité la mort, qu’il place en équilibre fragile entre peur et désir.

© Couverture : Julien Lambert

Texte révisé par : Johanne Mathieu