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Ainadamar, opéra espagnol contemporain à la Place des Arts

Margarita Xirgu pleure la mort de son ami, Frederico Garcia Lorca

Ainadamar
Crédit photo : photo officielle

Par : Cyriel Truchi-Tardivel

1969. À Montevideo en Uruguay, l’actrice et metteuse en scène Margarita Xirgu interprète une énième fois sur scène la révolutionnaire Mariana Pineda, dans une œuvre de Frederico Garcia Lorca. Après une vie entière de spectacles et de succès, l’artiste se remémore son amitié avec l’auteur de la pièce. Cet homme qui compta énormément dans sa vie et qu’elle ne parvint pas à sauver. Au travers de leur amitié, c’est une Espagne meurtrie par la guerre de 1936 à 1939 que l’opéra Ainadamar peint. Le parti d’extrême droite, mené par le Général Franco, renverse le gouvernement établi et impose une dictature. Tous les opposants sont pourchassés, arrêtés et exécutés.

Crédit photo : photo officielle

Un opéra contemporain et en espagnol, surtitré en français et en anglais. Une langue mélodieuse qui se prête bien au style de l’œuvre. Un opéra court d’1 h 20, idéal pour un public néophyte. La mise en scène, par Brian Staufenbiel, est impeccable. Les souvenirs de Margarita s’enchainent et sont limpides, la dramaturgie est simple et bien menée. Le livret est sublime, et la direction de l’ensemble par la cheffe d’orchestre, Nicole Paiement, est parfaite.

La scénographie, épurée et mobile (avec divers éléments apparaissant directement depuis le plafond), nous transporte aisément dans les différents lieux de l’action. L’utilisation de projections numériques n’est cependant pas nécessaire. Le jeu des lumières, les magnifiques costumes très ingénieux permettant des changements rapides, ainsi qu’une scénographie solide, suffisent amplement à l’esthétique visuel et servent la narration.

Crédit photo : photo officielle

Tous les interprètes scéniques sont justes. Des enfants au chœur, en passant par les danseuses et les protagonistes, les notes et les intentions sont tenus et équilibrés. Mentionnons un ensemble majoritairement féminin représentant les femmes meurtries par la guerre d’Espagne et également les élèves de Margarita Xirgu. Sans oublier l’hommage et le profond respect dont fit preuve Frederico Garcia Lorca à l’égard du genre féminin dans l’ensemble de son œuvre.

Un chœur de femme andalouse danse le flamenco, mêlant passion et souffrance. Une danseuse soliste accentue les émotions des protagonistes par l’expression de son corps. Tout est feu et puissance, magnifique!

Crédit photo : photo officielle

Ramon Ruiz Alonso, phalangiste nationaliste qui souhaite condamner Lorca, interprété par le chanteur Alfredo Tejada, pousse la note dans la pure tradition des chants espagnols et gitans.

Les deux protagonistes, Maragarita, interprétée par la soprano Emily Dorn, et Lorca, interprété par le contre ténor Luigi Schifano, possèdent une belle alchimie, et surtout, une maitrise de leur voix impressionnante. Emily Dorn est une artiste époustouflante! Sous les traits de Margarita dans les différentes périodes de sa vie, elle offre une performance d’actrice et de chanteuse remarquable.

Crédit photo : photo officielle

Ainadamar se focalise sur la relation d’amitié entre Margarita et Lorca, sur l’amour et les liens entre Mariana Pineda et Frederico Garcia, en utilisant la guerre d’Espagne comme toile de fond pour la narration. L’œuvre et bien menée et judicieuse, mais malheureusement trop courte. Les œuvres de Frederico Garcia Lorca, pourtant si contestataires et pleines de vie, ne sont pas évoquées. Non plus la vie de Margarita et l’importance de son engagement politique et populaire ainsi que l’école qu’elle dirigea, Yerma de Lorca, dans le Massachusetts, aux États-Unis.

Ainsi l’opéra Ainadamar est une très belle réalisation composée d’artistes scéniques et musicaux extrêmement bien choisi.e.s et dirigé.e.s. Une œuvre parfaite pour un public désireux de découvrir l’opéra. Pour les amateur.rice.s plus chevronné.e.s, elle nous laisse un peu sur notre faim.

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Texte révisé par : Johanne Mathieu