Entrevue avec la fondatrice Valérie Desnoyers
En 2009, Montréal ajoutait un nouveau festival indépendant à sa programmation annuelle, déjà fournie à l’époque! Le Festival Ska de Montréal se dédiait entièrement aux artistes de la scène musicale ska, reggae et d’influence jamaïcaine de la métropole, en plus d’inviter des pointures internationales. La première édition mettait en vedette The Slackers, The Planet Smashers, Westbound Train, Idlers, The Beatdown, Take The Boys, Stepper, Chris Murray, The Fabulous LoLo, Danny Rebel & The KGB, The Hangers, et The Expos. À l’aube de la 10e édition, on fait le point avec la fondatrice Valérie Desnoyers, sur l’événement qui se voulait un point tournant dans le développement du milieu de la musique indépendante au Québec. Comparez avec l’entrevue que nous avons fait quelques jours avant la cinquième édition du festival, en 2013!
D’abord, un petit résumé de la naissance du Festival Ska de Montréal. Quel était l’objectif et ton désir derrière cette initiative?
Le Ska Fest est né d’un désir de vouloir promouvoir le ska à Montréal. On voyait les villes de Victoria, BC et Ottawa, ON qui avaient leur propre ska fest et on se demandait pourquoi Montréal avec le plus gros label ska indépendant (Stomp Records) n’avait pas son propre ska fest, donc on s’est lancé pour essayer d’aider les bands locaux à se faire connaître et leur offrir une plateforme pour jouer avec des groupes internationaux.
Tu nous racontes le souvenir de ton premier show ska?
Je ne me souviens pas quel était mon premier show ska mais je me souviens de plusieurs shows tels que au Underworld sur Millen, des road trips à St-Jean-sur-Richelieu pour voir Subb jouer dans la salle des Chevaliers de Colomb avec Thirdfall, ou bien le Jailhouse avec les Kingpins ou bien les Stomp All-Stars, sans compter les innombrables shows au Rainbow ou à l’X. C’est d’ailleurs à l’X que j’ai organisé mon premier show avec le band Label de Sorel (je crois)…
Un artiste qui t’as inspiré?
Westbound Train, un de mes groupes préférés. Leur musique a définitivement changé ma vie. J’A-D-O-R-E ce qu’ils font et il y a un peu plus de dix ans, je suis allée les voir à Boston alors qu’ils faisaient une tournée avec Bedouin Soundclash, et je leur ai demandé de venir jouer à Montréal. Ils m’ont dit que ce n’était pas possible, n’avaient pas d’offre de show et devaient pouvoir payer leurs dépenses de transport, etc. Ça m’a ça aussi poussé encore plus à organiser le Festival Ska de Montréal et à vouloir les booker sur le FSM.
Affiches du Festival Ska de Montréal 2013, 2011, 2014
Qu’est-ce qui t’as amené à t’impliquer dans la scène locale?
Bonne question… l’amour de la musique? J’ai une formation en piano classique, fait mes cours du Conservatoire à l’UQÀM, jamais joué dans un band sérieux mais je vais dans des shows depuis que j’ai 13 ans (les Rolling Stones au Stade Olympique!) et, à côtoyer les bands dans les shows, j’ai vu que c’était pas facile de s’auto-promouvoir, de jouer, d’organiser et de coordonner, alors j’ai voulu aider, faire ma part et voir d’excellents bands en bookant mes propres shows et en supportant le travail des bands d’ici.
Comment le Festival Ska de Montréal se démarque-t-il des autres festivals ska, comme ceux d’Ottawa et de Victoria?
Le fait qu’on ait aucun commanditaire ou subvention gouvernementale..? haha
En 10 ans, as-tu remarqué des changements au sein de la scène, des groupes qui te contactent pour jouer au festival, de leur style? Quel est l’état de santé de la scène ska?
Le ska c’est définitivement des vagues, des groupes qui se brisent, d’autres qui se forment. C’est pas facile de faire de la musique et ça demande beaucoup de sacrifices et certains des meilleurs bands n’arrivent pas à rester en vie malgré tout. La musique change pas tant, certains groupes sont très ska-traditionnels, d’autres plus ska-punk, reggae, dub, rocksteady et il semble que ça, ça se maintient malgré les années. C’est l’abondance qui change. Je pense qu’on est dans un petit creux et que le ska va remonter et se repopulariser dans les prochaines années. Je vois des gens différents venir dans les shows, le ska c’est autant pour les 40, 50 ans qui tripaient il y a 20 ans et qui écoutent encore ça, mais il y a aussi du renouveau, des jeunes qui viennent dans les spectacles. Il manque cruellement de salles « all-ages » mais sinon je crois que le public se renouvelle quand même.
Montréal est la ville des festivals. Tous les styles de musiques sont représentés, à grande et petite échelle. Le FSM a trouvé ses diffuseurs, rejoint ses artistes et son public, bref il a trouvé sa niche… non sans difficultés. Quels sont les principaux défis que la Société Ska de Montréal a dû relever pour assurer la survie de l’événement? Comment arriver à se renouveler, à se démarquer, année après année?
Le principal défi du Festival Ska de Montréal est le financement. Difficile de se tailler une place dans les commandites et subventions gouvernementales! Il y en a une qui fite pour nous mais avoir le temps de monter un dossier pour appliquer c’est du temps que je n’ai pas, donc avoir des bénévoles qualifiés qui restent impliqués est un défi. Et évidemment, l’argent. Je pense qu’on pourrait faire tellement plus avec la possibilité d’offrir des meilleurs garanties ainsi que de payer le transport des groupes… on pourrait attirer de plus gros groupes et plus de gens. Par exemple, ça fait cinq ans qu’on essaie d’avoir les Interrupters et BAM! ils sont rendus super populaires. On aurait pu les présenter à notre public il y a longtemps mais faute de moyens financiers raisonnables, maintenant ils ne sont plus dans nos moyens du tout.
Affiches du Festival Ska de Montréal 2010, 2012, 2015
Avec l’épidémie de fermeture de petites salles de concert à Montréal, pourquoi est-il encore plus important de soutenir des initiatives indépendantes comme le FSM, en 2018?
Parce que sinon tous les shows vont coûter 50$ et avoir lieu au M Telus… non mais je suis sérieuse. Encore cette année on a perdu deux promoteurs locaux indépendants.
Je l’écris souvent en parlant du Pouzzafest ou du Festival Ska de Montréal : l’esprit de communauté est très fort dans la scène montréalaise.
Je suis tellement d’accord puisque le Ska Fest, c’est d’abord mes amis musiciens qui font tous derrière comme sur la scène, c’est eux qui m’aident à aller chercher le backline (Merci Phil KGB!) à loader in et out, à vendre ma merch (merci Lolo!), c’est eux qui hébergent les bands de l’extérieur, c’est eux mes bénévoles et une poignée d’autre monde. C’est aussi plein de musiciens qui ne jouent pas qui viennent aux shows, par exemple les bands de l’an dernier (2 Stone 2 Skank, Kman & the 45’s) qui vont assister aux shows cette année. Tout le monde se supporte entre eux; bands, amis, tout le monde se connait. C’est une petite scène mais une grosse communauté et on est chanceux de s’avoir mutuellement.
La 10e édition sera dédiée à un membre de la scène locale décédé récemment, Brian Mac Smith. Peux-tu nous parler de cet hommage?
Quand on a commencé beaucoup de monde nous ont dit, «ça marchera pas un festival ska il n’y a pas assez de bands ska». On s’est donc entouré de gens qui avaient les connaissances que nous on n’avait pas pour faire rouler l’événement. Brian nous a été suggéré pour gérer la scène, s’occuper de la technique et du pacing du show. On est vite devenus amis et encore plus vite devenus reconnaissants car Brian soutenait toute l’arrière-scène. Il connaissait le gear comme nul autre (travaillait chez Steve’s et c’est là qu’on louait l’équipement), connaissait les artistes et savait ce qu’il faisait donc on pouvait avoir l’esprit tranquille, du load in au load out. Il nous a vraiment immensément aidé car au début on n’avait aucune idée. Il m’a montré comment monter et démonter un drum et depuis deux, trois ans je peux le faire moi-même! Et croire que toute cette aide et cette expérience nous a coûté qu’un déjeuner bagel pour le remercier. Brian a joué dans tellement de bands de la scène montréalaise et a joué plein de fois sur le FSM, il aurait encore été avec nous cette année c’est sûr, il nous manque et il fera toujours partie de la scène ska et du festival. C’est tout naturel de dédier notre 10e édition en son hommage car sans lui on ne serait pas là ou on est présentement.
Un scoop à nous annoncer pour la 10e édition?
C’est malheureusement peut-être la dernière. Faire rouler toute cette machine à moi presque seule et la financer presque seule et tout ça bénévolement ce n’est pas évident! J’ai la chance d’avoir un nouvel allié, Marc-André Pichette, qui m’aide depuis deux ans avec les médias sociaux, la promo et tout ce qui est vidéo et visuel. Ça me donne un immense coup de main mais ça reste très dur de tenir ça à bout de bras. J’ai l’aide de plusieurs amis et de mon chum durant les événements mais ça reste que tout le monde est bénévole et ce n’est pas évident.
C’est le moment de name droper tes alliés et partenaires!
J’ai la chance d’avoir des partenaires en or, le Café Campus et Marc St-Laurent et son équipe qui me soutiennent depuis le début; la brasserie Beau’s qui nous vient en aide depuis déjà quelques années ainsi que le Ye Olde Orchard de Prince-Arthur. Ce sont des partenaires essentiels qui sont garants de la longévité du Ska Fest et qui ont l’esprit de communauté à coeur. Marc-André Pichette, Phil Caouette, Lorraine Muller, Tyler et Anne-Marie, Skip le DJ, Scott mon MC, tous mes bénévoles que je n’ai pas le temps de nommer ici.
Bannière du Festival Ska de Montréal 2016
EN RAFALE
– Ton état mental lors du premier concert du premier Ska Fest, en 2009?
Mega stress. La soirée a passée extrêmement vite.
– Le booking d’artiste ou de groupe dont tu es le plus fière?
Les Skatalites pour sûr!
– Le groupe que tu n’as jamais réussi à programmer?
Les Interrupters, Mad Caddies, The Specials, Reel Big Fish, Streetlight Manifesto
– Que se passe-t-il backstage?
Ce qui se passe backstage, reste backstage.
– L’artiste qui t’a le plus impressionnée?
Doreen Shaffer (The Skatalites), elle a de la classe, performe depuis toujours, dit oui à tous ses fans pour des photos ou leur jaser, elle ne se plaint jamais, a toujours le sourire, me donne la chair de poule quand elle chante.
– L’artiste qui t’a fait le plus rire?
Hmmm… Danny Rebel et son humour unique.
– Une anecdote funny à raconter sur un band?
Pas si funny mais Les Hangers et moi avons fait un 180 degrés sur la transcanadienne entre Canmore et Calgary en 2010… on s’en souvient comme si c’était hier!
– Ton souhait pour les 10 prochaines années?
Que le Festival de Ska de Montréal revienne année après année avec des bons commanditaires et une programmation renouvelée.
La 10e édition du Festival Ska de Montréal se déroule du 22 au 24 novembre et brûleront sur les planches The Planet Smashers, The Dreadnoughts, Danny Rebel and the KGB, The Hangers, Crash ton Rock, The Beatdown, The Peelers et plusieurs autres.
#mtlskafest2018