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Transfixed: l’entrevue

  Martine et John: De l’intime à l’engagement  

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© photo officielle

par: Ambre Sachet  

Bouleversant documentaire sur le quotidien d’un couple atypique et défiant les conventions, le film intimiste d’Alon Kol retrace le parcours de Martine et John, tous deux atteints du syndrome d’Asperger. Dans son combat pour obtenir l’opération de changement de sexe, Martine livre un témoignage des plus poignants. Suite à la grande première du documentaire au Cinéma du Parc à Montréal, vendredi 3 juin, pour laquelle les protagonistes de Transfixed étaient présents, Martine et John ont répondu aux questions de MatTv sur les difficultés et enjeux d’un tel film.

MatTv: Qu’est-ce qui vous a convaincu d’être les protagonistes de ce documentaire?

Martine Stonehouse: Après avoir été sollicitée par Alon Kol, j’ai pensé qu’il était important de montrer au public que les personnes trans sont des personnes ordinaires qui vivent leur quotidien comme tout le monde. Je voulais aussi créer une compréhension du syndrome d’Asperger.

John Gelmon: C’était Martine et Alon qui voulaient faire le film, je ne voulais pas. Mais je suis content que le film existe, que mon frère Tom soit dans le film et qu’il l’ait vu avant de mourir (le 21 août 2015). Quand il est mort, il avait une tumeur au cerveau depuis au moins six ans, et a également eu le cancer du pancréas.

MatTv: Comment avez-vous gérer le fait d’être filmés quotidiennement de manière aussi intime?

Martine Stonehouse: C’était parfois difficile et ça pouvait être par moments une intrusion dans nos vies. Le fait qu’Alon veuille nous filmer à des moments inopportuns et le fait de devoir répéter nos paroles et actions sans cesse pour obtenir la bonne scène a été un vrai défi, mais ça nous a permis de percevoir ce que font les acteurs quand ils tournent un film.

John Gelmon: C’était difficile parce que je travaillais beaucoup et je voulais me reposer quand j’étais en congé. Mais c’était nécessaire de prendre beaucoup de temps pour le film.

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© photo officielle

MatTv: Quel type de réaction vouliez-vous provoquer en laissant le public connaître votre histoire?

Martine Stonehouse: Je voulais que le public ait une meilleure compréhension des personnes transsexuelles et transgenres, qu’il nous voit avec un regard positif plutôt que des perspectives sensationnalistes que les médias nous ont attribuées dans le passé (i.e. des émissions tel que Jerry Springer).

MatTv: Le tournage de ce documentaire vous a-t’il aidés ou affectés dans votre parcours? Si oui, comment?

Martine Stonehouse: Oui. Je me sens honorée d’avoir pu faire ce film et d’avoir pu réaliser l’impact qu’il a eu sur les gens qui l’ont vu. Les personnes qui ont vu le film disent qu’elles l’ont beaucoup apprécié et qu’elles en sont ressorties avec une meilleure compréhension du syndrome d’Asperger et des personnes trans.

John Gelmon: Les autres peuvent plus me comprendre quand ils regardent le film.

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© photo officielle

MatTv: Martine, comment en êtes-vous arrivée à vous dire que vous vouliez transformer votre histoire personnelle en un combat social?

Martine Stonehouse: Je me suis dis que ce que j’avais traversé dans ma vie ainsi que l’affaire des droits de l’homme que j’ai lancée et gagnée pour que l’opération d’affirmation de genre soit réintégrée en Ontario, étaient des sujets importants et actuels dont il fallait parler. Notre relation (John et moi), dans le film, a aidé à garder un équilibre pour l’histoire que nous (les personnes trans) essayons de véhiculer, qui montre que les personnes trans sont des gens comme tout le monde essayant de réussir dans ce monde.

MatTv: Comment avez-vous travaillé avec Alon Kol pour rester fidèle à votre histoire tout en respectant votre vie privée? A-t’il supprimé des scènes basées sur ce que vous aviez déjà vu du documentaire?

Martine Stonehouse: Dans l’ensemble, Alon a présenté une histoire vraie. Par contre, il y a eu des moments où je me suis sentie envahie dans mon intimité. Certaines scènes où l’on mangeait étaient trop intrusives selon moi, et j’étais particulièrement mal à l’aise lorsqu’ils filmaient et que je ne m’y attendais pas. Lorsque lui (Alon) et Chris ont filmé ma poitrine est un autre exemple; j’ai demandé à ce que ce ne soit pas utilisé dans le film mais nous avons dû vivement argumenter pour que ma poitrine soit floutée.

MatTv: Que pensez-vous de la représentation des communautés LGBT et des personnes atteintes du syndrome d’Asperger au cinéma? Qu’est-ce qui est différent avec la vision d’Alon Kol?

Martine Stonehouse: Notre film est le premier à combiner le syndrome d’Asperger et les questions liées aux personnes transgenres. Il y a eu beaucoup de bons films à propos de chacun de ces sujets, mais la différence avec ce film, c’est sa capacité à donner une touche personnelle qui montre l’aspect humain de ce que l’on affronte au quotidien à travers l’histoire de notre relation et de ce à quoi on fait face au jour le jour. Alon Kol donne une vision plus réelle et humaniste qu’un film de fiction, tel que Transamerica (Ducan Tucker, 2005).

Texte révisé par: Louise Bonneau