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Théâtre trash

Récit biographique mitigé ou un défoulement trash réussi?

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© Gunter Gamper

Par : Sébastien Bouthillier

Que dirait un artiste issu de la contre-culture si on lui attribuait une place dans une institution culturelle? Décédée en 1994 à 44 ans, la poète québécoise Josée Yvon ne peut répondre à la question. En réduisant aujourd’hui la culture à une industrie dont on mesure le succès par la vente de billets, on oublie qu’elle et son compagnon Denis Vanier ont été écrivains et poètes parce que l’art constituait probablement l’ultime rempart avant la déchéance ou la mort, moins pour attirer le regard curieux et admiratif du public diverti, qui les consacrerait vedettes.

Malheureusement, ni la radicalité ni la portée subversive de l’œuvre d’Yvon ne ressortent de La femme la plus dangereuse du Québec, car les protagonistes incarnent des « pas de vie » qui demeurent dans leur appartement à blasphémer en buvant de la bière. Ève Pressault joue l’universitaire qui dévore l’œuvre de la poète et qui convoque le couple dans son imagination. Il manque une mise en contexte pour saisir la portée de leurs affirmations. Tout ce qu’on retient, c’est que ces contestataires subissent un malaise existentiel et vivent à la marge.

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Cette représentation n’est pas un théâtre documentaire, pas plus un récital, mais un hybride entre l’incarnation du couple, par Nathalie Claude et Philippe Cousineau, qu’imagine dans son quotidien Pressault et ses lectures de Filles-commandos bandées, Travesties-kamikaze et Filles-missiles. Vers la fin, on écoute la diffusion de la voix de Josée Yvon enregistrée dans un bar. Voilà 90 minutes trash, hardcore, mises en scène par Maxime Carbonneau, qui a extirpé des archives nationales les 24 boîtes léguées par Yvon de son vivant.

Sophie Cadieux a contribué à l’adaptation de la pièce, ce qui laissait anticiper un rôle comme celui de Bérénice dans la mise en lecture de L’Avalée des avalés, présentée à l’occasion du demi-siècle de ce roman de Réjean Ducharme, l’an dernier. Elle a aussi incarné Nelly Arcand dans La fureur de ce que je pense au Festival TransAmérique et à l’Espace Go. Elle sait que l’œuvre est inséparable de l’existence vécu par son auteur.  Reste à représenter qui est Josée Yvon et quel est ce Québec dont elle a été la plus dangereuse…

La femme la plus dangeureuse du Québec, à la Salle Fred-Barry jusqu’au 28 octobre.

Crédit photo : Gunter Gamper

Texte révisé par : Annie Simard