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Révolution à Laval à L’Espace Go

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©Claude Gagnon

Par Marie-Claude Lessard

En relatant les désirs narcissiques de Roméo et de Mercédès Urbain, maire et première dame de Laval à la suite d’un mortel jeu de coulisses, Révolution à Laval du dramaturge Guillaume Lagarde jette un regard désabusé et déjanté sur la politique locale, l’explorant avec un humour incisif pour mieux la dénoncer. Même si la pièce, présentée à l’Espace Go jusqu’au 16 avril, aborde des thèmes controversés qui bouleversent actuellement l’opinion publique, son traitement risque de dérouter le contribuable qui ne fréquente pas régulièrement les salles obscures. Lagarde et le metteur en scène Sébastien Dodge ne font pas dans la dentelle, offrant sans censure une œuvre éclatée brisant les conventions théâtrales, parfois pour le meilleur, bien souvent pour le pire…

Sorte de relecture ultramoderne d’Ubu roi d’Alfred Jarry, le texte de Révolution à Laval privilégie un vocabulaire monarchique pour désigner le système politique tel qu’on le connaît (les citoyens deviennent des sujets et la mairie un trône). Ce parallèle sert bien au cynisme qu’alimente Lagarde à propos du journalisme complaisant, de la corruption, des enveloppes brunes, des faux-amis et de la dictature condescendante envers le peuple.

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©Claude Gagnon

Si la vision pessimiste de l’auteur derrière Les Champs Pétrolifères donne droit à de justes observations, l’écriture, quant à elle, n’esquive malheureusement pas une vulgarité gratuite. Ce ne sont pas les sacres à profusion qui irritent, mais bien la répétition lassante de symboles se voulant choquants. Pour signifier que le public se fait fourrer par les politiciens, de nombreuses scènes de baises ponctuent littéralement le récit. Après deux fois, le message passe et provoque même quelques rires. Par contre, l’effet s’essouffle rapidement, et il aurait fallu penser à des alternatives métaphoriques plus élaborées. Abondant dans le même sens, l’usage d’une toilette et de sons scatologiques pour démontrer que la politique n’est rien d’autre que de la merde sème l’inconfort sans toutefois générer des réflexions étoffées.

Heureusement, Sébastien Dodge offre une mise en scène dynamique et une direction d’acteurs fort efficace. L’omniprésence de la couleur rouge/orange autant dans les décors que dans les accessoires et les costumes rappelle les sentiments sanguinaires de pouvoir et de vengeance qui régissent l’univers politique ainsi que, probablement volontairement, l’ironie de la feue vague orange des néo-démocrates qui a déferlé sur le Québec il y a quelques années. Fracassant fréquemment le quatrième mur en commentant les actions des personnages et en demandant l’avis de l’auditoire, les acteurs s’investissent corps et âme dans le spectacle pour représenter à quel point le gouvernement n’est, au fond, qu’une malsaine mascarade. Dans le rôle de Roméo et de Mercédès, Marc Béland et Kathleen Fortin affichent un abandon hors du commun. Fortin fait preuve d’un aplomb extraordinaire en insufflant une touche colorée et attachante à un protagoniste pourtant exécrable. Campant diverses partitions, Jacques L’Heureux, Philippe Boutin et Myriam Fournier parviennent à apporter des saveurs distinctes à chacun des rôles, prouvant leur incroyable polyvalence.

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©Claude Gagnon

Produite par le Théâtre PÀP, Révolution à Laval de Guillaume Lagarde est à l’affiche à l’Espace Go jusqu’au 16 avril. Des billets sont encore disponibles.

Texte révisé par : Annie Simard