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L’orangeraie

Une pièce de théâtre brûlante d’actualité

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©Gunther Gamper

Par Sébastien Bouthillier

Alors qu’il écrit sa prochaine pièce, un auteur de théâtre réalise qu’il deviendrait un imposteur s’il élaborait sur les choix tragiques qu’impose la guerre parce qu’il ne l’a jamais subie. Incarné par Vincent-Guillaume Otis, ce dramaturge modifie alors le style narratif pour placer les spectateurs au coeur du dilemme. Ils affronteront eux-mêmes la guerre.

Lors d’une répétition, c’est un comédien qui indique au metteur en scène que son rôle souffre d’un manque de crédibilité parce qu’il a vécu la guerre d’une toute autre manière. Oui, avant de se réfugier en Occident, ce jeune homme a fui la guerre. Son jumeau et lui, comme leurs parents, ont été déracinés de l’orangeraie familiale pour venger le décès de leurs grands-parents paternels provoqué par un obus.

Influencé par la philosophie existentialiste de Jean-Paul Sartre, l’auteur Larry Tremblay soulève des questions d’identité personnelle illustrées par les jumeaux Aziz (Sébastien Tessier) et Amed (Gabriel Cloutier-Tremblay). Qui sommes-nous? Sommes-nous seuls en nous-mêmes? La personnalité est-elle unique ou multiple?

S’ils jouent deux personnages, ces jumeaux identiques pourraient être une personne unique dans le réel. Le dédoublement démontre le déchirement d’un père à sacrifier un fils, dût-il mourir en martyr pour sauver l’orangeraie et la patrie. Par le dialogue entre les jumeaux, Tremblay illustre la conscience du jeune homme en train d’accepter la fatalité que lui imposent sa conscience, son père et le potentat local, Soulayed (Jean-Moïse Martin).

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Au nom de la religion, Soulayed exhorte à la vengeance et à la défense de la patrie, que l’orangeraie symbolise. Dans les faits, il abuse de la crédulité des paysans. Mitraillette à la main, le despote instrumentalise Dieu au service d’une cause politique, il sous-entendra avant la fin de la pièce ne pas y croire.

Avec L’orangeraie, Claude Poissant adapte au théâtre le roman éponyme de son ami Larry Tremblay dans une facture simple qui rend justice à la complexité du drame. La première avait lieu pendant que la poussière obscurcissait encore le ciel bruxellois, c’est dire combien le théâtre parle d’actualité.

 

Crédit photo de couverture : Gunther Gamper