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Le cirque aujourd’hui, pour un meilleur demain

Coups de cœur circassiens à la TOHU bernard kondol-31

©Bernard Konsol/MatTv.ca

Par Maxime D.-Pomerleau

C’était soir de fête le 25 février à la Cité des arts du cirque, plus précisément à la TOHU, où se tenait une soirée-bénéfice qui présentait aussi plusieurs grands numéros de cirque. De nombreuses personnes issues du milieu des affaires, des arts et de la philanthropie étaient réunies pour l’événement Coups de cœur qui, on l’espère, deviendra une tradition annuelle!

Coups de cœur, c’est aussi l’aboutissement d’une campagne de financement menée par la TOHU, dont la mission principale est de participer au rayonnement des arts du cirque. Engagé dans le développement du quartier Saint-Michel depuis sa création, l’organisme place l’humain, la Terre et le cirque au centre de ses projets. Depuis 2004, la TOHU est un exemple en matière de développement durable par la culture et un formidable lieu de médiation culturelle.

Le spectacle s’inspirait de la mécanique du cabaret qui enchaîne les numéros, avec comme but de célébrer le talent et la créativité des artistes du cirque contemporain d’ici et d’ailleurs. Sébastien Soldevila, qu’on connaît des 7 doigts de la main, assurait l’animation entre les neuf numéros présentés. Soulignons d’emblée le remarquable travail de mise en scène de Fernand Rainville, qui a assuré une cohérence entre les numéros, et permis aux circassiens de présenter des histoires tantôt poétiques, tantôt ludiques, jamais banales. Le décor arrière, simplement constitué d’une projection, était simple en apparence, mais arrivait à tisser un fil conducteur entre toutes les performances, très différentes les unes des autres.

Le spectacle a débuté avec un numéro de planche coréenne, par Jérémi Lévesque et Vincent Jutras, tous deux finissants à l’École nationale de cirque. Si la discipline peut sembler simpliste à première vue, car on y exécute principalement des sauts périlleux en alternance, les deux jeunes ont réussi à sortir des limites de l’appareil et se servir de l’objet à d’autres fins. Intégrant certains moments de danse entre les séquences sur la planche, ils ont aussi exécuté des acrobaties au sol, se servant des extrémités de l’appareil pour rebondir et culbuter, leur permettant aussi de planer à quelques pieds du plancher. Un numéro très bien présenté, qui laisse entrevoir une partie du talent qui se cache à l’École nationale de cirque.

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Emi Vauthey du Cirque Éloize a ensuite offert un numéro de tissu aérien. La Suissesse d’origine a exécuté plusieurs contorsions, maniant habilement le tissu entre ses jambes, au rythme changeant de la pièce instrumentale Twenty Minutes de edIT. Plusieurs positions adoptées de ses membres rigides étaient angulaires, contrastant avec la souplesse du tissu. Vauthey a su apporter un vent de fraîcheur à une discipline où l’on voit trop souvent les mêmes figures se reproduire. Elle n’a même pas fini en laissant le tissu dérouler en s’arrêtant « in extremis » à quelques pieds du sol!

Jimmy Gonzales a offert l’un des numéros les plus originaux avec sa technique de jonglerie avec de la glaise. Il se faisait illusionniste en multipliant les balles et en les fusionnant, utilisant tout son corps, au rythme d’un numéro très bien chorégraphié. Sur Trouble Comes Knocking de Timber Timbre, le public a pu découvrir un artiste français très argile!
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Ce fut aussi le cas pour le duo québécois Les oiseaux du paradis, avec leur discipline du mât rotatif, constitué d’un mât chinois traditionnel auquel ils ont apposé un dispositif de rotation à 360°. Ils ont d’ailleurs remporté un prix d’innovation dans les arts du cirque pour leur invention, et c’était la première fois qu’ils présentaient ce numéro devant public. C’est dans un ballet aérien que les deux artistes nous ont emmenés. Certainement, il y avait une faille dans la loi de la gravité sur scène, créant un vortex d’apesanteur autour d’eux. Démontrant une maîtrise absolue des mouvements, ils nous faisaient penser à un duo de patinage artistique ou aux ballerines des boîtes à musique mécaniques.

Plusieurs fois l’un des deux partenaires s’est tenu avec les mains ou les pieds seuls, en plus d’assurer l’équilibre de l’autre. On y a vu plusieurs positions qui inversaient les tendances de genre, où la femme supportait tout le poids de l’homme. La lenteur des mouvements augmente le niveau de difficulté d’exécution, mais personne n’a perçu cette contrainte venant de Mathieu Roy et Elsie Morin. Ils ont définitivement offert le numéro le plus impressionnant de cette soirée Coups de cœur.

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Recirquel, duo clownesque de Hongrie, a charmé les spectateurs avec leur numéro d’antipodisme à l’esthétisme soigné. S’appuyant sur les codes du vaudeville, les personnages étaient attachants et la performance rafraîchissante. L’image nette de Leonetta Lakatos, juchée sur son immense ballon blanc, et Aron Pintér, tenant avec ses pieds une grosse malle de voyage, était particulièrement forte.

Le public présent a aussi eu la chance de voir un numéro exclusif du prochain spectacle du Cirque du Soleil, Luzia. Ugo Laffolay a offert un impressionnant numéro d’équilibre sur cannes, habillé d’un maillot de sauveteur tiré des vieux films hollywoodiens. Transporté à la plage durant quelques minutes, le public retenait son souffle à chaque « étage de canne » rajouté par Laffolay, dépassant même le décor en hauteur! L’équilibriste a fait une démonstration du contrôle et de la force nécessaires à cet exploit. On a hâte de voir le spectacle complet que le Cirque du Soleil prépare!

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L’artiste Jade Dussault, de la compagnie Flip Fabrique, a remis le hula hoop au goût du jour, avec un numéro s’apparentant davantage à la gymnastique, avec un penchant vers la danse contemporaine. Le rythme saccadé de la pièce Ants de edIT convenait parfaitement à ses mouvements vifs et précis. Décidément, la musique aux accents électroniques se prête bien aux arts du cirque!

Oskar Rojas et Soledad Gomez, de l’Amérique du Sud, ont offert un numéro de sangles aériennes, empreint de sensualité. Bien que la discipline présente ses limitations en termes de mouvements à effectuer, le duo a su profiter de ses forces et offrir du matériel différent au public. Rojas a démontré son endurance en tenant plusieurs minutes sa compagne avec une sangle dans sa bouche, alors qu’elle effectuait ses prouesses. Finalement, Productions Kalabanté, une collaboration Québec-Guinée, a clôturé le spectacle, offrant un numéro d’acrobaties au sol. La compagnie incorpore des éléments de danses traditionnelles africaines aux techniques de sauts, d’acrobaties au sol et de main à main tirées du cirque. Un projet dont on n’a pas fini d’entendre raisonner les cris et les voix enjoués.

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Coups de cœur dresse un portrait du cirque contemporain d’aujourd’hui, de la vivacité des artistes qui le composent et de cette capacité d’émouvoir le public avec une forme d’art qui parle toutes les langues et brisent les barrières entre les peuples. Le cirque d’aujourd’hui est gage d’un meilleur demain.

Vous pourrez voir plusieurs des artistes présents à Coups de cœur dans les prochaines semaines : le Cirque Éloize s’installera en avril au Théâtre Maisonneuve, les finissants de l’École nationale de cirque à la TOHU du 31 mai au 2 juin, le Cirque du Soleil au Vieux-Port de Montréal dès le 21 avril et la compagnie Flip Fabrique en juillet dans le cadre du festival Montréal Complètement Cirque.

Crédit photo : © Bernard Konsol/MatTv.ca

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