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FAMILYHOOD: efficace et prévisible

Familyhood : #FantasiaFest

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© Festival Fantasia

Par: Ambre Sachet

Seule sur son canapé, elle engouffre de la crème glacée entre deux lèvres botoxées.

Go Jue-yeon a tout pour elle : une carrière d’actrice flamboyante, de jeunes débutants à ses pieds, un physique avantageux boosté par de régulières injections et une équipe d’agents dévoués. Il devient difficile d’ignorer la quarantaine lorsque sa carrière bat de l’aile et que celui qu’elle croyait être le bon la délaisse pour une plus jeune.

Familyhood, c’est un drame comique sud-coréen sur le déclin d’une vedette de cinéma qui voit sa vie chamboulée lorsqu’elle décide de renoncer aux hommes et d’avoir un enfant. C’est pour une grande première internationale que le film a été accueilli par le Festival Fantasia ce mercredi 27 juillet.

https://youtu.be/CGJodzYHZXw

Après un premier film d’horreur – The pot (2008) – Kim Tae-Gon se réapproprie le genre comique dont l’ambiance se retrouve dans ses deux derniers longs-métrages, The Sunshine boys (2012) et The King of Jokgu (2013). Effrayée de n’avoir personne pour l’enterrer, Jue-yeon annonce à ses proches sa décision d’élever un enfant seule.

Seul hic? La star est irresponsable, incapable de ne pas finir saoule sous son lit à la moindre contrariété, comme ne se tarde pas de lui rappeler son fidèle ami et styliste, Pyung-Gu (Ma Dong-SeokDernier train pour Busan, Bad guys). Sa rencontre avec la jeune Dan-ji (Kim Huyn-sooSilenced, Horror Stories), lycéenne douée en dessin, va accélérer le processus et entraîner Jue-yeon dans une suite d’événements aussi drôles que ridicules.

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© Festival Fantasia

L’actrice, Kim Hye-soo, déjà vue dans le film d’action à succès The Thieves (2012) et le drame policier Coin Locker Girl (2015), offre une interprétation rafraîchissante de la diva capricieuse et déjantée au style éclectique, complètement perdue sans l’attention des médias.

Dommage que cette performance décalée soit rattrapée par un ramassis de clichés extirpés des codes de la comédie américaine dont on aurait facilement pu se passer. Prenons pour exemple d’une liste non-exhaustive : les hommes sont tous des salauds, les célébrités sont toutes écervelées, la presse est sensationnaliste à souhait, vieillir c’est mal et il n’existe aucun entre-deux entre les modèles de beauté et les gros qui se goinfrent de burgers à longueur de journée.

Impossible de ne pas soulever le regard archaïque sur l’avortement et ses méfaits lorsque les deux femmes se retrouvent dans le bureau du médecin. Un possible double-discours, sur tous les sujets abordés par le cinéaste coréen, pourrait être ici mis en lumière, mais le style sans prétention du réalisateur indépendant pousse à croire que la démarche est toute autre.

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© Fantasia Festival

L’humour à outrance, qui fonctionne dans la plupart des situations, semble tantôt servir à dissimuler une perception des personnages trop simpliste, tantôt à mettre le doigt sur un malaise social tel que le goût prononcé pour la chirurgie esthétique, signe d’une modernité influencée par le modèle occidental. Pourtant Kim Tae-Gon reste dans un traitement des thèmes trop peu exploité et préfère jouer avec une palette d’émotions déjà épuisée, plutôt que de se démarquer du schéma narratif prévisible attribué à la comédie.

Le potentiel du cinéaste se retrouve dans une approche colorée et épurée du comique, le tout sur un ton fantaisiste sur fond de musiques vaudevillesques. Le manque d’originalité de Familyhood est facilement indissociable des critères d’un cinéma sud-coréen qui se veut de plus en plus international et contrôlé à 80 % par trois grandes firmes – CJ, Lotte et Orion – qui ont leur mot à dire sur chaque étape du processus cinématographique.

Dans Familyhood, ça pleure, ça rit, ça crie, et ça marche. Force est de constater qu’il en faut beaucoup pour ne pas s’attacher à cette amitié naissante entre la femme-enfant et la jeune lycéenne mature, avant que celle-ci n’endolorisse le spectateur et ne tombe trop vite dans l’adaptation facile et l’exploitation du stéréotype de genre.

Texte révisé par : Louise Bonneau