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Au-delà des blagues de menstruation

Retour sur le Gala des féministes

Feministe

Par Maxime D.-Pomerleau

Créé en réaction au scandale du gala Juste pour rire « juste féminin » (parce qu’on le sait, tsé, féminin, c’est un style d’humour en soi…), le Zoofest a inclus dans sa programmation 2017 un Gala des féministes avec, en prime, le meilleur poster du festival (œuvre de Lucie Piqueur). Parce que y’a pas juste Peter Mcleod qui peut parler de vagin.

Animé par l’Acadienne la plus connue après Lisa Leblanc, Coco Belliveau, le gala présentait chaque soir des artistes invités différents. Jeudi soir, humoristes des deux sexes ont pris la parole pour parler de l’amour, des dick pics, de mansplaning et de trucs pour éviter d’être agressée. Coco a commencé avec un numéro qu’elle a aussi présenté au Social Justice Warrior Show dimanche dernier, aux Katacombes. Pour aller avec le thème, elle a décidé de nous faire part d’une agression qu’elle a subi récemment, par un chauffeur de taxi. Appuyant sur l’absurdité des gestes et tournant au ridicule le victim shaming qui accompagne trop souvent une dénonciation, Coco Belliveau livrait un récit qui aurait pu être malaisant s’il n’avait pas été si bien enrobé d’une couche de second degré.

Ne vous inquiétez pas, elle a dénoncé l’agression à la police et si elle a réalisé quelque chose cette nuit-là, c’est qu’elle n’est pas le genre de fille que tu veux agresser, car elle va t’agresser « right back bitch ». Malgré une bonne histoire (c’est terrible, d’écrire ces mots), l’animation ne levait pas, alors que le numéro avait créé plus de réactions et de rires aux Katacombes. C’était peut-être la salle, ou le contexte, ou peut-être aussi parce que 19 h 30, c’est un peu tôt pour rire d’agression.

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© Marie-Eve Lapointe/Zoofest

C’est une timide Émilie Lapointe qui a ouvert le gala. Même avec plusieurs blagues recherchées, et une bonne livraison de son texte, on est resté dans le départ tiède du début de la soirée. Il fait toujours du bien de voir des filles parler d’amour et de relations homme-femme, mais on n’avait rien de révolutionnaire jeudi. La photographe de profession commence à peine en humour, laissons-lui le temps de faire ses preuves.

Le deuxième invité était Vincent Descôteaux, qu’on reverra certainement évoluer dans le milieu ces prochaines années, car il vient d’être accepté à l’École nationale de l’humour. Il a commencé d’emblée avec cette déclaration : « Si t’es un gars et que t’es féministe, accepte que tu gosses ». Il y est allé de plusieurs bons conseils pour ses confrères dont celui de ne pas envoyer de photos de pénis pour tenter de séduire une fille, ou de siffler après une inconnue sur la rue, ne pas s’introduire chez elle, vous savez, des trucs de base… S’inspirant des femmes de son entourage, il gagnerait à approfondir les thèmes qu’il aborde, quitte à aller dans les extrêmes pour faire passer ses messages. Le # 3 de son top 4 des pires techniques de cruise est complètement dément, alors que le reste du segment est so-so. L’humoriste aurait pu être plus mordant, car le contexte s’y prêtait, mais son numéro était une belle carte de visite et on continuera de le suivre.

Si vous vivez sous une roche depuis deux ans, vous ne connaissez peut-être pas Lili Boisvert. Si vous avez une connexion Internet, vous savez que c’est la reine de la chaîne Explora, où elle y anime Sexplora, et elle est aussi à la barre de la websérie Les Brutes avec sa moitié Judith Lussier. Le franc-parler de Boisvert lui sied bien sur scène, où on la sent de plus en plus à l’aise. Sa présence dans les médias lui a apporté beaucoup d’aventures et de questions weird que les hommes lui posent, et qu’elles nous partagent pour notre plus grand plaisir. Elle se moque aussi ouvertement des sexistes en analysant les insultes les plus souvent envoyées aux femmes féministes. « Les féministes, si elles sont mal baisées, c’est la faute de qui? » Ah, on imagine le bruit de tous ces cerveaux masculinistes exploser devant cette question existentielle. Ce sera intéressant de la revoir aborder ces thèmes dans un autre contexte que le Gala des féministes. Parions que le circuit des bars va lui amener du matériel à la tonne!

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© Marie-Eve Lapointe/Zoofest

Colin Boudrias a ensuite pris la parole, commençant par souligner que sa présence permettait à l’organisation de respecter ses quotas d’hommes blancs sur le show. Avec sa plume incisive, il s’est amusé à déconstruire les biais sexistes des deux côtés, se moquant autant de la galanterie cheesy que des employeurs aux mains baladeuses. Baignant dans l’humour noir, l’humoriste réussit toujours à passer des critiques et des observations justes en évitant habilement les clichés. Son conseil vestimentaire de ne porter que des vêtements neutres, comme un polo beige, a d’ailleurs été respecté par la dernière invitée de la soirée : Carole!

Silvi Tourigny a ramené son célèbre personnage débordant de sex-appeal pour nous donner des trucs pour éviter les agressions sexuelles. Pour la dramatisation, Richardson Zéphir y participait, excellent dans son rôle du gars collant qui fait des commentaires et des gestes déplacés. La technique de Carole du SAC, Système d’alarme corporel, est sans doute plus efficace pour éloigner l’ennemi que le sifflet du viol de Coco Belliveau. L’humoriste a bien utilisé son personnage, trouvant un contenu sérieux qui fonctionnait pour ce type de spectacle, tout en utilisant la personnalité de Carole pour rendre le tout absurde et comique.

Bien qu’inégal, le Gala des féministes a prouvé qu’il est possible d’aborder tous les enjeux avec humour et finesse, et que cela permet de crever des abcès, pour pouvoir mieux en parler après dans la sphère publique. Il a aussi déjoué l’idée que seules les femmes peuvent parler de « sujets de femmes », de menstruations et de séduction, en invitant des hommes brillants et sensibles à partager leur point de vue. Tous les numéros pourraient aisément être présentés dans un autre contexte de soirée d’humour, pas à vocation féministe, ce qui est encourageant quand on sait que la seule évocation du mot en fait encore trembler. Dans tes dents, Juste pour rire!

#Zoofestmtl

Photos : © Zoofest

Texte révisé par : Johanne Mathieu