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9-Le film : Tourner autour du vide

Inégal mais pertinent

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Par : Marie-Claude Lessard

Quelques personnes qui assistent à la conférence bas de gamme du motivateur Marc Gauthier (Stéphane E. Roy) dévoilent une tranche de leur quotidien illustrée par des cinéastes et acteurs différents à travers neuf courts-métrages. Voici 9-Le film, une adaptation de la pièce 9 variations sur le vide de Stéphane E. Roy qui aborde sous diverses facettes un sujet universel : l’incommunicabilité.

Tous les personnages dépeints dans 9-Le film parlent pour rien dire afin de se donner l’illusion qu’ils s’adaptent bien au vide que crée leur existence banale et futile. Globalement une comédie satirique, l’oeuvre critique avec humour et émotion les travers des êtres humains. Puisque le film présente des univers et visions éclectiques, il n’échappe pas toutefois à une impression d’inégalité. Bien que le fil conducteur entre les histoires s’avère habile, certaines d’entre elles suscitent un vif engouement alors que d’autres tombent tristement à plat.

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Subitement de Luc Picard se démarque par son traitement subtil et épuré sur le vide que laisse la perte inattendue d’un être cher. Joué de manière intimiste par Alexis Martin, Sophie Cadieux et Charlotte Aubin, le film réussit à émouvoir. En revanche, celui portant sur l’hystérie laisse de glace. L’oeuvre de Jean-Philippe Duval (Dédé à travers les brumes), qui relate les chicanes de ménage entre un réalisateur et une diva sur le plateau de tournage d’une publicité soi-disant révolutionnaire sur les serviettes sanitaires, ne déclenche aucun éclat de rire. Certes, le jeu de François Papineau et Bénédicte Décary, amoureux dans la vie, se veut exagéré et insupportable, mais les  véritables messages derrière tout cela ne sont pas perceptibles. En revanche, le sous-texte derrière Je me souviens de Micheline Lanctôt s’avère davantage clair. À travers une ancienne amitié qu’une idéalise et que l’autre a déjà oubliée, Lanctôt démontre le besoin (ridicule?) de glorifier les moments sortant légèrement de l’ordinaire pour se sentir important. Anne-Élisabeth Bossé nage comme un poisson dans l’eau dans cet environnement légèrement absurde, tellement qu’elle arrive à composer un personnage caricatural attachant.

Sans contredit les réalisateurs qui sont les plus parvenus à imposer une signature, Érik Canuel et Marc Labrèche abordent brillamment le sujet du vide existentiel à l’intérieur de créations techniquement intéressantes et ingénieuses. Avec Halte Routière, Canuel braque sa caméra sur deux camionneurs fatigués (Nicolas Canuel et Maxim Gaudette) qui s’arrêtent dans un bar pour souffler un peu avant de reprendre la route en pleine nuit. Ayant entre les mains un délicieux texte alliant tensions (homo)sexuelles et philosophie, les acteurs s’éclatent dans ce délire qui repousse les limites de la convention. La scène dans laquelle les deux personnages dansent au son de No Heaven de DJ Champion donne lieu à une surenchère de mouvements de caméras qui ensorcelle les spectateurs. De son côté, Marc Labrèche, dans le segment Le lecteur, assène de commentaires désobligeants un pauvre vendeur d’appareils électroniques en le confrontant sur l’inutilité de sa place sur l’échelle sociale. Il s’agit d’un véritable bijou, du Marc Labrèche dans toute sa splendeur. Grâce à sa folie légendaire, sa liberté et son je-m’en-foutisme, l’acteur fait pleurer de rire avec des thèmes plutôt déprimants.

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Proposant à la fois des avenues audacieuses et conservatrices, 9-Le film, à l’affiche dès aujourd’hui, traite avec authenticité de thématiques lourdes qui happent le public. Même si certains réalisateurs ont échoué à créer un univers unique, le résultat s’avère assez admirable pour espérer une seconde tentative cinématographique de ce genre.

Note : 3/5

Texte révisé par : Annie Simard